La voix dans la musique ancienne Par Dominique Olivier
/ 1 mai 2002
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L'art vocal baroque est riche en
contrastes et né à une époque où les compositeurs essayaient toutes sortes de
choses.
Le Choeur du Studio de musique ancienne de Montréal (SMAM) est une
institution. Depuis 27 ans, son directeur artistique, Christopher Jackson,
partage avec ses chanteurs une vision de la musique, mais aussi une évolution
qui a suivi celle de la musique ancienne au Québec. Des premiers balbutiements
du chant baroque jusqu'aux recherches approfondies sur le texte auxquelles se
livrent maintenant les adeptes de ce répertoire, l'interprétation n'a pas cessé
d'évoluer. Jackson, qui fait figure de pionnier dans le domaine, se souvient de
ses débuts avec une nuance d'ironie. Passionné depuis toujours par la voix et le
répertoire des xvie et xviie siècles, il
a dû, comme tout le monde, faire ses classes : « Nous étions très pris par la
surface de la musique, se rappelle le directeur artistique. Nous consultions les
traités avec avidité et nous les considérions presque comme des textes
bibliques. Ils donnaient bien sûr des informations importantes sur la façon
d'attaquer les trilles, la longueur que doivent avoir les notes, etc. Mais ce
sont maintenant des choses secondaires, selon moi. Une grande erreur que nous
faisions était de toujours citer les instruments en exemple aux chanteurs alors
qu'aujourd'hui, c'est exactement le contraire qui se produit ! » En revanche,
c'est à la faveur de ces tâtonnements qu'est ressuscitée une certaine approche
de la musique vocale, qui nous est si précieuse aujourd'hui. « Les voix
emblématiques des années 70 et 80 sont des voix droites, plutôt petites, qui ont
beaucoup de souplesse, à la Emma Kirkby ou à la Nigel Rogers. Il y a une grosse
différence avec la voix d'opéra, qui possède un vibrato très large et beaucoup
de puissance. C'est sûr que, si vous passez des années à travailler votre voix
afin de la projeter par-dessus un orchestre symphonique, la souplesse est
perdue. »
Cette souplesse est essentielle à
l'expression très particulière qui réside au coeur de l'esthétique baroque. «
C'est ce qui est sous la surface qui est important. Maintenant, tout le monde
cherche ailleurs que dans les traités. Il faut se concentrer sur un
environnement, des images, plutôt que sur la durée des notes. L'art vocal
baroque est riche en contrastes et né à une époque où les compositeurs
essayaient toutes sortes de choses », souligne Christopher Jackson. Le musicien
ne le cache pas, il nourrit une très nette préférence pour la voix, par rapport
aux instruments. « C'est un médium plus direct, il n'y a pas d'intermédiaire
entre la musique et l'auditeur. De plus, la voix peut faire des choses que les
instruments ne peuvent pas faire. J'essaie toujours d'exploiter au maximum cette
souplesse et d'aller chercher le plus de couleurs possible pour donner de la vie
à une musique qui en demande beaucoup ! » D'ailleurs, les interprétations de
Jackson et du choeur du SMAM sont reconnues pour leur chaleur, leurs couleurs,
leur côté profondément humain et sensuel. Qu'on pense à « Harmonie des sphères
», décrété « Choc » du Monde de la musique en 1999 et récipiendaire d'un Félix
de l'ADISQ la même année.
Ce que Christopher Jackson appelle l'herméneutique musicale prend
également de l'importance avec les années et l'expérience. De plus en plus, le
chef cherche à trouver les clés d'une oeuvre, à comprendre les textes
liturgiques dans le contexte de l'époque et à déchiffrer ce qui, dans la
musique, traduit cette compréhension. « C'est un peu comme être détective ! »,
dit en blaguant le musicien. Il entraîne bien sûr dans son sillage ses
chanteurs, qui doivent, selon lui, être « absolument embarqués ». « Mais ils me
connaissent bien maintenant ! Je lève une épaule, et ils savent ce que je veux
dire... » Laisser libre cours à la musicalité des interprètes est aussi un des
critères qui prévaut dans les interprétations recherchées par Jackson. Il se
garde bien sûr de mettre dans le même panier les approches musicales du baroque
et de la Renaissance, une autre période qui lui tient à coeur. « Dans la
deuxième moitié du xvie siècle, plus mature, les limites d'expression sont
beaucoup plus étroites, la qualité du son et la clarté revêtent plus
d'importance. Il faut se concentrer davantage sur l'architecture, qui découle de
l'usage de la polyphonie. »
Pour le dernier concert de la saison 2001-2002 du SMAM, Christopher Jackson
dirigera les oeuvres d'un de ses compositeurs fétiches, un pont entre la
Renaissance et le baroque : Monteverdi. Au programme, des madrigaux et motets
du maestro di cappella de la basilique San Marco de Venise, présentés sous le titre de Il
Divino Monteverdi.
Choeur et ensemble instrumental du SMAM, sous la direction
de Christopher Jackson, église Saint-Léon de Westmount, le dimanche 5 mai à 20
h.
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