Rêves des Jeunesses Par Lucie Renaud
/ 1 mai 2002
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La ville a déjà commencé à vibrer au
rythme de cette nouvelle fête de la musique qui, si l'on se fie à l'enthousiasme
communicatif de ses organisateurs, saura s'assurer une place enviable au fil des
ans.
La mise sur pied d'un projet d'une telle
envergure ne se fait évidemment pas du jour au lendemain et exige une équipe
dynamique, qui carbure à l'adrénaline depuis plus d'un an. Ébauche du projet,
rencontres préliminaires, négociations musclées avec les trois paliers
gouvernementaux, mise en place d'un noyau de mordus qui défend le concept bec et
ongles, choix d'un jury prestigieux et voyages des porte-parole de l'événement
aux quatre coins du globe pour faire la promotion de l'événement sont autant
d'étapes qui ont jalonné le parcours de cette première édition du concours,
consacrée au chant. « Il faut être un peu fou et beaucoup passionné », résume en
riant André Bourbeau, qui a accepté, « tout naturellement », la présidence du
concours.
Son histoire d'amour avec les Jeunesses
Musicales a pourtant commencé presque par hasard. « Ma soeur m'avait un peu
tordu le bras pour que j'assiste à une activité de financement des Jeunesses
Musicales, un souper-encan », se souvient celui qui occupait à l'époque, en
1994, le poste de ministre des Finances. Un récital de Dominique Blier (chez le
gagnant) faisait partie des lots mis aux enchères. Le politicien mise, décroche
le prix et propose de doubler la mise (de 5 000 $ à 10 000 $) si Joseph Rouleau
veut bien se joindre à la soprano. Le marché conclu, M. Bourbeau se lance dans
l'organisation d'un concert en plein air, sur les pelouses de sa ferme de
Dunham. Il loue une tente, décroche quelques commanditaires, invite des amis
(autour de 80 personnes), leur charge un droit d'entrée et remet à la fin de la
soirée un chèque supplémentaire de 10 000 $ à la Fondation des Jeunesses
Musicales. L'année suivante, 200 invités se pressent à l'événement. Le souper,
qui se tient maintenant dans le manège intérieur de la ferme, accueille chaque
année 700 personnes et permet d'amasser des sommes considérables.
Ces dons, gérés séparément par le Fonds
André Bourbeau (précédemment appelé Fonds d'art vocal) ont permis d'organiser un
concours d'art vocal ouvert, les premières années, aux chanteurs québécois.
Progressivement, le « petit » concours s'est élargi au reste du Canada et a
atteint une grande notoriété et permis de découvrir des talents exceptionnels,
la contralto Marie-Nicole Lemieux, par exemple.
Pourquoi ne pas se lancer sur la scène
internationale ? André Bourbeau et le président des JMC, Joseph Rouleau,
rencontrent le premier ministre du Québec d'alors, Lucien Bouchard. « Nous ne
voulions pas subir le sort de l'ancien concours. Nous voulions être assurés du
soutien gouvernemental », explique M. Bourbeau. Les Jeunesses Musicales du
Canada obtiennent finalement un décret du conseil des ministres pour créer le
Concours International de Montréal des Jeunesses Musicales (CIMJM), lequel
assure à l'organisme un financement de base pour trois ans au moins, le temps
d'avoir complété un cycle des trois disciplines représentées, soit le chant, le
violon et le piano.
On annonce ensuite, dès le lancement de
la première édition, un jury qui ne manquera pas d'éblouir candidats et
mélomanes. La mezzo-soprano Teresa Berganza, la soprano Grace Bumbry, le
musicologue Gilles Cantagrel, la basse Cesare Siepi, la mezzo-soprano Marilyn
Horne, la basse Joseph Rouleau et le ténor Jon Vickers ont ainsi accepté de
siéger à ce jury qui sera présidé par André Bourbeau.
La chasse aux candidats est maintenant ouverte. À l'automne 2001, les
ambassadeurs Rouleau et Bourbeau partent en mission en Europe et aux États-Unis.
Les mains des directeurs de maisons d'opéra et des conservatoires les plus
réputés sont serrées, histoire de susciter les meilleures candidatures. Défi
relevé avec brio, puisque 281 candidatures provenant de 45 pays ont finalement
été reçues. « Au-delà des espérances », confirme Michel Petit, le directeur du
concours, qui n'en est pas à sa première expérience d'événements à grand
déploiement, ayant été organisateur de la fête populaire du mont Royal en 1975,
de la visite du pape Jean-Paul II au Québec en 1984 et directeur général des
fêtes du 350e
anniversaire de Montréal. L'image de l'ancien concours, l'appui du gouvernement,
le partenariat avec l'OSM, la radio et la télévision (chaîne ARTV), les contrats
très diversifiés offerts aux gagnants, la convivialité de Montréal sont autant
de facteurs qui ont contribué à cette explosion du nombre de candidatures, selon
M. Petit. Il faut également noter que les frais de déplacement des candidats
sont totalement assumés par les JMC, peu importe le pays d'origine du candidat.
« Il existe sur la scène internationale musicale une harmonie fort efficace, si
vous me permettez le jeu de mots », affirme-t-il.
Un jury préliminaire composé de Joseph Rouleau, du baryton et professeur Jan
Simons et du chef de chant Stuart Hamilton, a évalué les bandes sonores « à
l'aveugle », sans même avoir consulté les curriculum vitæ des candidats. Sous
l'oeil scrutateur du président du concours, d'un technicien et d'une secrétaire,
ils se sont enfermés pendant de nombreuses heures, grille d'analyse en main, en
quête du « chanteur complet ». Le programme d'audition exigeait en effet un air
d'opéra, un extrait d'oratorio ou de cantate, une mélodie et un lied : pas
facile pour un artiste de paraître aussi éloquent dans des genres aussi
différents. Le jury a pourtant dû s'incliner devant la qualité exceptionnelle
des concurrents -- on a même glissé en douce un enregistrement du jeune Joseph
Rouleau, qui ne s'est pas reconnu ! -- et ont choisi 58 demi-finalistes (plutôt
que la trentaine prévue à l'origine) qui offriront un récital varié de 25
minutes chacun les 30 et 31 mai et le 1er juin.
Les candidats seront pour la plupart
accueillis dans des familles montréalaises, « auditionnées » grâce à la
collaboration d'une équipe de bénévoles dont plusieurs avaient longtemps
collaboré à l'ancien concours. « Nous avons choisi des familles qui ont une
affinité pour la musique », explique le directeur du concours. Elles encadreront
les candidats et pourront vivre, aux premières loges, les émotions parfois
contradictoires qui animent les concurrents.
La cagnotte des prix reste très
alléchante. Les montants totalisent 77 000 $, dont un premier prix de 25 000 $
et un autre de 10 000 $, décerné au meilleur candidat canadien par The Canadian
Opera Women's Committee Jean A. Chalmers Award. Une quinzaine d'engagements
seront également offerts aux six finalistes. Plusieurs maisons d'opéra
proposeront ainsi un rôle important lors des deux ou trois prochaines saisons.
On peut déjà mentionner celles de Montréal, Vancouver, Washington (sous l'égide
de Placido Domingo), Pittsburgh, Columbus, Virginie, Arizona, Marseilles, Paris
(Champs-Élysées), Bruxelles (La Monnaie) et Strasbourg. Leurs directeurs
artistiques seront sur place pour écouter attentivement les finalistes (mais
également d'autres jeunes chanteurs canadiens le 5 juin). L'Orchestre
symphonique de Montréal, celui de Québec et celui du Centre national des Arts
proposeront également des concerts aux finalistes.
Tout est en place pour faire du concours
un événement, un « happening », selon M. Bourbeau : des concerts dans les
maisons de la culture de la ville mettent déjà le public en appétit, des cours
de maître seront offerts par les membres du jury et il y a fort à parier que des
surprises se grefferont à cette programmation éblouissante qui misera avant tout
sur le plaisir, purement et simplement. « Ce n'est pas la première fois que
j'organise quelque chose, mais si on ne peut pas le faire et avoir du plaisir,
cela n'en vaut pas la peine », conclut le dynamique André Bourbeau. La fièvre
monte, vous dis-je...
L'inauguration
publique du concours aura lieu le 28 mai à midi au Complexe
Desjardins.
Le CIMJM débute le 30 mai 2002 à la salle Pierre-Mercure
du Centre Pierre-Péladeau. Info : (514) 845-4108. Surveillez notre prochain
numéro pour un article consacré aux concurrents.
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