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La Scena Musicale - Vol. 7, No. 2

La prochaine génération de chefs

Par Lucie Renaud / 1 octobre 2001

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À la suite au succès du projet-pilote mis sur pied au cours des deux dernières années, la Faculté de musique de l’Université de Montréal offre depuis septembre un programme en direction d’orchestre à la maîtrise et au doctorat. Conçu et dirigé par le chef Paolo Bellomia, qui a eu l’occasion lors de ses études postdoctorales de fréquenter les plus grandes institutions américaines et européennes, ce programme, le seul au Canada, accueillera cinq candidats d’élite, en plus des quelques étudiants-visiteurs qui viendront se greffer au noyau de jeunes chefs. Pour Paolo Bellomia, qui a lui-même fait partie du groupe de chefs qui a dû s’exiler pour étudier la direction d’orchestre, ce programme relevait de la nécessité absolue.

Bellomia, qui fut l’assistant du chef d’orchestre européen Peter Eötvös de 1996 à 1998, dirige régulièrement des ensembles américains et européens, en plus d’être le directeur artistique depuis 1991 de l’Ensemble du Jeu Présent à Ottawa. D’abord attiré par la musique contemporaine, il a étudié la composition avec Massimo Rossi et obtenu sa maîtrise en composition dans la classe d’André Prévost avant d’avoir été un des premiers étudiants à fréquenter la classe de direction d’orchestre de Lorraine Vaillancourt au doctorat. Il se sent maintenant interpellé par tous les répertoires. « Mon évolution personnelle m’a démontré qu’il n’y a pas 56 musiques, dit-il, il y en a une seule : qu’elle soit écrite par Haendel ou Boulez, il faut toute la jouer, elle a sa raison d’être. Comme le disait Berg, il faut savoir aborder la musique contemporaine avec la même passion et la même musicalité que la musique traditionnelle et il faut aborder la musique traditionnelle avec la même rigueur que la musique contemporaine. Cette affirmation pourrait presque définir le fondement de mon cours de direction. »

Pour bâtir ce programme qui lui tient à cœur, le maestro a su s’inspirer de ce qu’il considère les forces respectives des écoles américaines et européennes de direction. Il a retenu l’importance du solfège, tel qu’il est enseigné en Italie. « Je me souviens d’avoir assisté à une répétition dirigée par Riccardo Muti pendant laquelle le chef italien chantait toutes les notes, en les nommant à une vitesse absolument vertigineuse », mentionne-t-il. Il insiste également sur l’importance de la lecture de partitions au piano, matière particulièrement prisée en Allemagne, qui permet, selon lui, de saisir la compréhension fondamentale de l’œuvre. Il souligne également la dictée musicay´e, la force du Conservatoire de Paris. Pierre Boulez, avec qui il a étudié, lui aurait d’ailleurs confié que le solfège et la dictée avaient été les cours qu’il avait considérés les plus profitables. Bellomia propose, quant à lui, un cours très ardu pendant lequel il fait venir des ensembles à vent, des quintettes à cordes, demandant aux interprètes d’ajouter des fausses notes, de détonner, pour affiner l’oreille des jeunes chefs. La fluidité de lecture dans les différentes clés, qu’il désire également transmettre, lui a été enseignée à Julliard, par un professeur qui insistait pour que les étudiants lisent les chorals de Bach au piano dans les quatre clés. De l’école américaine, finalement, il apprécie l’aspect gestuel. « Quand il s’agit d’avoir une belle technique, je dirais que les Américains remportent la palme », affirme-t-il.

Avant tout, Bellomia propose à ses jeunes protégés une véritable expérience avec les orchestres, « du temps de podium y´, ce qui justifie le nombre extrêmement contingenté d’élus. Il s’est inspiré du deuxième orchestre de Julliard, le Conductors’ Orchestra, et a donc créé, en collaboration avec l’Université de Montréal et la Ville de Saint-Laurent, la Philarmonie des jeunes de Saint-Laurent, un orchestre qui oscillera entre 65 et 80 membres, formé de jeunes résidants de la ville et d’étudiants du cégep de Saint-Laurent et de la Faculté de musique de l’Université de Montréal qui ne font pas partie de l’oum. Cet orchestre sera exclusivement dirigé par les étudiants en direction d’orchestre, bien sûr sous étroite supervision. Il prévoit une mini-tournée des écoles secondaires de la région de Saint-Laurent, afin d’attirer les jeunes vers le répertoire classique et contemporain. Les jeunes chefs auront ainsi à présenter les œuvres au public, un aspect essentiel de la vie des chefs de la nouvelle génération, selon Bellomia. « Le chef doit devenir un promoteur, proche du public, plutôt qu’une star, sinon la musique classique va mourir », croit sincèrement Bellomia. Les jeunes chefs auront également l’occasion de diriger des formations plus réduites (par exemple un ensemble de deux pianos, percussions et cuivres pour travailler Le sacre du printemps de Stravinski), la chorale de l’Université et l’atelier d’opéra. Jean-Philippe Tremblay, le jeune chef de l’Orchestre de la Francophonie qui vient d’être nommé assistant de Pinchas Zukerman à l’Orchestre du Centre National des Arts à Ottawa a participé au projet-pilote et a ainsi eu l’occasion, l’année dernière, de diriger une matinée familiale d’un opéra de Puccini Gianni Scicchi.

Nul doute que Paolo Bellomia exigera énormément des privilégiés qui fréquenteront ce programme. « Le chef doit posséder toutes les qualités musicales et, en plus, des qualités de communicateur, résume-t-il, différentes d’une personne à l’autre. Certains parlent fort, d’autres sont exubérants, portés vers les autres. Il y en a qui ne parlent pas fort mais qui savent faire passer le message. Je pense par exemple à Jean-François Rivest et à Lorraine Vaillancourt. La communication ne veut pas forcément dire posséder un talent d’acteur. Le mystère reste entier pour moi, je n’ai pas encore réussi à mettre le doigt sur ce qui permet la vraie communication. » S’il ne peut la définir, ce chef qui admet préférer la passion de l’enseignement à la fièvre du concert sait certainement la transmettre !

Des auditions auront lieu dans la deuxième semaine de décembre 2001 et dans la troisième semaine d’avril 2002. Si le programme vous intéresse, communiquez avec Lise Bédard au (514) 343-6427.


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(c) La Scena Musicale 2002