Quand on mentionne le nom
d’Orford à des non mélomanes, plusieurs mots viennent spontanément à l’esprit:
ski excitant, camping dépaysant, auberges accueillantes. Si on pose la même
question à un musicien, le cri viendra immédiatement du coeur: on mentionne
l’atmosphère du Centre d’Arts, les rencontres exceptionnelles qu’on y a faites,
la qualité de l’enseignement, la force des liens tissés, les concerts, les nuits
blanches à échanger sur la musique et sur la vie de musicien… Des souvenirs
plein la tête, certes, mais plus encore une affection, une loyauté, une
constance, des plus anciens campeurs jusqu’aux petits derniers: une session (ou
plusieurs) à Orford ne s’oublie pas!
Fondé en 1951 par les Jeunesses Musicales du Canada, le camp musical est la
concrétisation du rêve un peu fou d’Anaïs Allard-Rousseau, Laurette
Desruisseaux-Boisvert, l’abbé Joseph-Hector Lemieux et Gilles Lefebvre, qui en
assurera la direction de 1951 à 1972. Monsieur Serge Carreau, stagiaire en 1954
en flûte traversière, qui a ensuite occupé tour à tour les postes d’adjoint de
Gilles Lefebvre et de conseiller architectural lors de la construction de la
salle de concert et qui siège maintenant au conseil d’administration depuis
1990, parle de Gilles Lefebvre en ces termes: « C’était un homme d’un
dynamisme incroyable, difficile à suivre, exigeant envers lui-même comme envers
les autres. Il possédait un sens de l’organisation unique pour transformer le
rêve en réalité et ne baissait jamais les bras devant quelque difficulté que ce
soit. Il savait être très persuasif et générait l’enthousiasme nécessaire pour
rallier les gens à ses idées. »
À partir de 1974 seront présentés les premiers ateliers et concerts de
musique baroque à l’abbaye St-Benoît-du-Lac. Lors d’un tel atelier, Luc
Beauséjour tombe sous le charme du clavecin. « J’avais alors 17 ans.
Bernard et Mireille Lagacé avaient proposé aux pianistes d’essayer les Préludes
et fugues de Bach au clavecin, se rappelle-t-il. J’ai sauté sur l’occasion et
j’ai eu le coup de foudre. L’année suivante, j’ai décidé de m’inscrire au camp
en orgue et en clavecin, au grand désespoir de mon professeur de piano. Après le
stage, je me suis inscrit au conservatoire en orgue et en clavecin, totalement
conquis par ce répertoire. »
Dès 1955, des articles visuels, puisant leur inspiration dans
la nature environnante, participaient déjà à des stages (tenus
après la période du camp musical). L'art a toujours côtoyé avec
beaucoup de succès la musique: l'artiste Jean-Paul Mousseau avait déjà
conçus en 1960 les lampes que l'on retrouve dans la rotonde de
la salle de concert. La même année, la sculpture Vivace,
devenue le symbole visuel du Centre d'Arts, est installée.
En 1974, on accueille des expositions d'Alfred Pellan, de Jean-Paul
Lemieux et de Jean-Paul Riopelle. En 1983 est mis sur pied le
premier symposium canadien du mosaïque. En 1992, on peut admirer le
premier "jardin in situ" qui mêle arts visuels et
musique.
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Cette vocation révélée grâce au
Centre d’Arts n’est pas unique, au contraire. Plusieurs interprètes de renom ont
également foulé ces lieux inspirants pendant leurs années d’études avancées.
L’endroit est presque devenu lieu de passage obligé, en grande partie grâce à la
renommée internationale des pédagogues que le Centre accueille. Parmi ceux qui
retournent, fidèles, mentionnons le violoniste Lorand Fenyves (depuis 1965),
l’altiste Terence Helmer (membre du quatuor Orford), Janos Starker, Menahem
Pressler et Yuval Yaron (qui mènent de front, tous les trois, carrière
internationale et enseignement à la prestigieuse Université Indiana à
Bloomington), Marc Durand (professeur invité depuis 20 ans), André Laplante
(soliste et professeur au Glenn Gould School of Music) et la majorité des
premières chaises de la section des vents de l’OSM. Pour la directrice
artistique Agnes Grossmann, il était essentiel de faire venir les grands maîtres
plutôt que de laisser partir les meilleurs musiciens. « La mission du camp
pourrait se résumer ainsi, précise-t-elle: donner aux jeunes musiciens à l’aube
de leur carrière les outils nécessaires pour développer leur personnalité
musicale. Chacun a son chemin à faire, différentes étapes à franchir et le
processus ne devrait pas être bousculé au profit de la compétition qu’on
rencontre souvent dans le domaine. Le Centre d’Arts est le lieu où réalisation
et formation musicales se complètent. »
La qualité des concerts présentés à Orford a, dès les débuts, été
exceptionnelle, mettant régulièrement en vedette les talents des professeurs,
mais incluant également d’autres artistes de calibre international — les
chanteurs Pierrette Alarie et Léopold Simoneau avaient par exemple eu l’occasion
de vérifier l’acoustique de la salle dès 1960. Pourtant, la série de concerts la
plus populaire auprès du public reste certainement les concerts de stagiaires,
présentés à la Salle Gilles-Lefebvre et en tournée dans la région, —
« l’école en tournée » qui a fêté ses 10 ans en 1999 — ou les toujours
très populaires brunchs musicaux sur les pelouses du Centre. Mme Marthe
Gaudette fréquente les concerts depuis 1963. Quand est venu le temps de la
retraite, leur attrait fut si fort qu’elle déménagea à quelques kilomètres des
haies qui bordent la salle de concert et qu’elle a vues grandir. « J’y
viens quatre ou cinq fois par semaine. Si on aime la musique, c’est ce qu’il y a
de mieux dans la région, assure-t-elle. De plus, la qualité des concerts des
stagiaires ne cesse de s’améliorer au fil des ans. Plusieurs de ceux que j’ai eu
l’occasion d’entendre lors de ces concerts gratuits font maintenant de belles
carrières. »
Les années filent mais la magie reste: les souvenirs se cristallisent, les
rêves jaillissent et les carrières prennent leur essor, témoignant mieux que
tout de la vitalité du Centre d’Arts Orford.
Vous ou vos amis avez été stagiaire au camp? Ne manquez pas la journée de
retrouvailles du dimanche 4 août 2001, consacrée aux surprises, à la bouffe
et, bien sûr, à la musique. Pour information: (819) 843-3981 ou
1 800 567-6155. Courriel: arts.orford@sympatico.ca