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La Scena Musicale - Vol. 6, No. 4

Venez, divin Messie

Par Lucie Renaud / 1 décembre 2000

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Voici revenue la saison des listes de cadeaux, des cantiques de Noël, du gros bonhomme rouge… et du Messie! Qu’on se rassure, il n’est aucunement question de renouveau mystique mais plutôt de l’oratorio de Händel! L’extrait le plus connu de l’œuvre reste certainement l’Hallelujah. La légende veut que la première fois que le roi anglais Georges II l’ait entendu, en 1750, il se soit immédiatement levé, totalement emballé. De nos jours, les spectateurs poursuivent cette tradition partout dans le monde. Mais qui est donc Händel?

La jeunesse de Händel

George Frederick Händel est né à Halle, en Allemagne, le 23 février 1685, quelques semaines avant Bach. Bach a d’ailleurs habité près de la ville natale de Handel toute sa vie mais leurs chemins ne se sont jamais croisés.

Le père de George était chirurgien et barbier, une combinaison de métiers qui fait sourire aujourd’hui mais qui était pourtant assez habituelle en ces temps-là. (Après tout, il faut savoir manier habilement la lame dans les deux cas!) Très jeune, George manifeste des dons surprenants pour la musique. Peu encou-ragé par son père, très vieux jeu (il avait 63 ans quand George est né), il parvient tout de même, probablement avec la complicité de sa mère, à cacher un clavicorde au grenier. L’ancêtre du piano, cet instrument avait l’apparence extérieure d’un synthétiseur mais ne possédait qu’une faible puissance sonore, ce qui a sans doute empêché son père de le trouver. Il s’exerçait sans relâche, sans l’aide d’un professeur. Un jour, la chance lui sourit: le duc de Saxe-Weissenfels l’entend et ordonne à son père de lui offrir de vraies leçons de musique. L’organiste local deviendra son professeur et lui enseignera non seulement les bases de l’instrument mais également la composition.

Après la mort de son père en 1697, George se dirige vers le droit, s’y sentant probablement moralement obligé. Pourtant, Händel démontrait déjà une virtuosité exceptionnelle comme organiste et comme claveciniste, maniait le violon avec beaucoup de talent et avait déjà deux malles remplies de compositions! À son entrée à l’Université de Halle, il accepte un poste d’orga-niste, histoire d’arrondir ses fins de mois et de ne pas perdre la main.

La découverte de l’opéra

En 1703, après un an d’études en droit, Händel opte définitivement pour la musique et déménage à Hambourg, ville plus cosmopolite. Il enseigne et joue dans l’orchestre de l’opéra (violon et clavecin). À l’âge de 20 ans, il compose son premier opéra, Almira, qui reçoit un accueil chaleureux du public. Händel adorait l’opéra. En 1706, il entreprend un voyage en Italie, l’endroit que tous les compositeurs du temps rêvaient de visiter, un peu comme Hollywood pour les acteurs d’aujourd’hui.

À l’âge de 25 ans, Händel décide d’accepter un poste permanent chez un prince allemand. Il s’ennuie rapidement et demande une année sabbatique pour aller visiter Londres. La fièvre de l’opéra italien vient juste d’atteindre les côtes anglaises. Il faut se rappeler que les moyens de communication et de transport étaient beaucoup plus rudimentaires à l’époque et qu’une œuvre pouvait mettre plusieurs années avant d’être entendue dans un autre pays.

En deux semaines, retravaillant du «vieux» matériel, il compose l’opéra Rinaldo, qui séduit immédiatement les Anglais. Il finira par s’établir à Londres en 1714. Il y restera jusqu’à sa mort en 1759 tout en conservant une passion dévorante pour les voyages.

Le Messie

En juillet 1741, devant le peu de succès remporté par ses deux derniers opéras (il en a tout de même composé 40), Händel décide d’abandonner le genre. Il retourne à l’oratorio. Un oratorio est une pièce musicale de grande envergure pour solistes, chœur et orchestre. Le sujet en est toujours religieux. On pourrait comparer l’oratorio à un opéra sans décors ni costumes.

Son ami Charles Jennens avait déjà rédigé le texte de deux oratorios de Händel. Il lui propose un nouveau texte à mettre en musique, basé sur une traduction de la Bible du roi James. Jennens choisit quelques événements de la vie de Jésus, utilise des citations connues et quelques textes des Évangiles. Le reste du texte fait référence à des livres méconnus de l’Ancien Testament.

Händel s’emballe pour le projet: un blitz de créativité l’envahit et il termine la composition en trois semaines. Le Messie est divisé en trois sections: la naissance, la mort et la résurrection de Jésus. Händel, avec tout son talent de compositeur d’opéra, a su mettre en valeur le côté dramatique de chaque texte. Il aurait dit, en composant l’Hallelujah, que c’était «comme si je voyais Dieu sur son trône, avec les anges qui l’entourent». Toute une fête en perspective si on se fie à la musique!

Händel donnera la première de son oratorio à Dublin en Irlande, le 12 avril 1742. Le but de ce concert était d’amasser des fonds pour la prison et deux hôpitaux de la ville. La rumeur de ce concert ayant été judicieusement propagée par les potins des journaux de l’époque, 700 personnes se pressent aux portes de la salle le soir du concert. L’annonce demandait d’ailleurs aux dames de venir sans leurs cerceaux (ceux de leurs robes!) et aux gentilshommes sans leur épée, histoire de permettre à un plus grand nombre de personnes de se masser dans la salle. La soirée s’avère un succès éclatant.

Quand il décide de présenter le Messie à Londres en 1743, le public réagit pourtant avec fort peu d’enthousiasme. On s’oppose à ce qu’un texte religieux soit chanté dans un théâtre et, en plus, par une actrice.

Sept ans plus tard, Händel décide de reprendre son oratorio pendant le carême (à l’époque on ne le chantait pas à Noël), encore une fois pour une levée de fonds qui aiderait l’hôpital des orphelins. Le Covent Garden (la Place des Arts de Londres) fait salle comble: enfin le succès! Händel reprendra annuellement l’œuvre, toujours à des fins charitables, jusqu’à sa mort. Depuis, le Messie a conservé sa cote de popularité et reste une des œuvres du répertoire choral les plus connues.

D’hier à aujourd’hui

Il faut mentionner des différences majeures entre la façon moderne de présenter le Messie et ce que Händel avait en tête.

• Les choristes de Händel étaient uniquement des hommes, les parties de soprano et d’alto étant chantées par de jeunes garçons et des hautes-contre. Les femmes pouvaient chanter les solos.

• La chorale restait debout pendant toute la représentation (trois heures), évitant les pauses et les bruits de chaises.

• Les cinq solistes chantant avec la chorale entre leurs numéros, l’équilibre sonore avec l’orchestre restait plus naturel.

• Händel «adaptait» ses pièces selon les représentations ou les chanteurs (un homme pouvait remplacer une femme pour un concert particulier par exemple, ou on transposait la pièce pour accommoder le soliste du soir).

• Il n’y avait pas de chef d’orchestre. Händel dirigeait plutôt du clavier et n’engageait que des musiciens en qui il avait totale confiance. Son orchestre comptait 35 musiciens et ses chœurs, 19 chanteurs. (On est loin des hordes d’exécutants de certains concerts du xixe siècle qui pouvaient regrouper 3000 exécutants!)


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