L'education musicale au Quebec Par Marie Valla
/ 1 septembre 2000
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Des professionnels de la musique, au Québec et
ailleurs,
se plaignent que les formations même les plus
prestigieuses
n'obtiennent pas du public le soutien qu'elles
devraient. Pour
beaucoup, ce manque d'intérêt pour la
musique comme
culture, et non comme simple divertissement, est
lié à
la faiblesse de l'enseignement de la musique
à l'école.
Jacques Desjardins, professeur
d'écriture à l'École
de musique de
l'Université de Sherbrooke, s'inquiète:
« Tant que
la musique ne sera pas considérée
comme une
matière de base, on aura du mal à remplir
nos salles de
concert. »
Le ministère de l'Éducation du
Québec
a réaffirmé la place de la musique
à l'école
dans son projet de réforme du primaire
pour la rentrée
2000. Mais la réforme n'a pas pour
objectif de redéfinir
l'importance de la musique en tant que
telle. Les difficultés
persistent d'une part parce que toutes
les écoles publiques
au Québec n'enseignent pas la
musique de la même
façon à leurs
élèves. D'autre part,
la musique doit encore disputer
sa place à d'autres spécialités,
artistiques,
informatiques, etc., elles aussi considérées
comme
secondaires. La véritable question est de savoir
si la musique
consiste en une somme de connaissances ou en une
méthode
pédagogique qui aide l'enfant dans son
développement.
« Devrait-on enseigner la musique
à l'école
primaire comme une fin en soi? Par ailleurs,
l'apprentissage de
la musique comme fin en soi serait-il la garantie
de la survie
de la musique symphonique au Québec en
particulier et dans
le monde en général? se demande
Nicole Carignan,
membre associée du Centre canadien de la
musique et professeur
à l'UQAM. Rien n'est moins sûr!
L'école primaire
doit privilégier la découverte,
l'exploration, l'imagination
et la
création. »
Certaines écoles du secteur
public offrent un enseignement
spécialisé en musique
à leurs élèves
tout au long de leur
scolarité. L'école Formation
Artistique au Coeur de
l'Éducation (FACE) est un cas particulier,
mais exemplaire.
Dans cet établissement public et bilingue
du centre-ville de
Montréal, la formation artistique est
intégrée
à l'apprentissage des disciplines
traditionnelles, langues et
mathématiques. Theodora Stathopoulos
y enseigne depuis 1992.
« À FACE, on considère
que la formation artistique
renforce les autres disciplines. »
La musique y occupe une place
particulièrement importante.
« Les élèves
doivent suivre des cours de musique
vocale et instrumentale et ne
peuvent les abandonner en cours
de
scolarité. »
À l'inverse
d'établissements comme l'École
du Plateau, qui offre un
programme musique-études, FACE
n'impose ni examen
d'entrée ni audition. Les élèves
ne sont pas
sélectionnés pour leur talent ou leur
facilité.
On attend d'eux qu'ils montrent leur détermination
à
travailler autant la musique que le théâtre
ou les arts
plastiques en plus des matières traditionnelles.
Mais
cet accent sur la formation musicale est loin d'être
le
dénominateur commun des écoles publiques.
« Le
succès d'un certain nombre a été plus
facile
à réaliser que l'accès du plus grand
nombre
à un enseignement de qualité », rappelle
Nicole
Carignan. La musique étant définie comme une
matière
secondaire, son enseignement varie en fonction des
établissements.
Au primaire, par exemple, les
réglements ministériels
indiquent que la musique est un
cours obligatoire une fois par
semaine. Certaines écoles font
appel à des enseignants
spécialistes en musique. Mais
comme le souligne Karine
Messier, étudiante au
baccalauréat en éducation
à l'UQAM, la
responsabilité des cours de musique
retombe souvent sur
l'enseignant titulaire.
La réforme de
l'éducation ne touche pas au principe
selon lequel
« chaque école a sa couleur », comme
le formule
Monique Gallant, présidente de la Fédération
des
associations des musiciens-éducateurs du
Québec
(FAMEQ). La réforme annonce davantage
d'enseignements dits
de spécialités, dont la musique
fait partie, dans
le programme. Mais il n'a pas été
prévu d'augmenter
le temps d'enseignement. La réforme
réserve 5,5
heures par semaine à ce bloc pour la
première année
du primaire. Mais il s'agit d'une
durée indicative. Le
temps effectivement imparti aux
différentes spécialités
est ensuite
discuté au conseil d'établissement de
chaque
école. Or, les spécialités artistiques
font
souvent peu de poids face à d'autres, tel le
multimédia,
d'emblée considérées plus
utiles.
Dans un contexte où le langage musical
évolue,
où les technologies se renouvellent rapidement
et où
les comportements culturels des jeunes se transforment,
il est
impératif, soutient le Ministère, que
« les
activités de la classe de musique [tiennent] compte
de
ces réalités ».
Monique Gallant veut en
finir avec une perception de la musique
réduite à
l'image de la vedette et du star-système.
« Certains
aspects de la musique, comme la discipline, la
rigueur,
indépendamment d'apprendre à jouer ou à
chanter,
peuvent se transposer dans la vie courante. »
Ce
désir de faire de la musique un élément
de
culture individuelle et collective est un des chevaux de bataille
de
la FAMEQ. La fédération, qui fête ses 30
ans, a
pour but de regrouper ceux qui font de l'éducation
musicale
à tous les niveaux pour défendre la place
de la musique
à l'école. La FAMEQ est l'un des interlocuteurs
du
ministère de l'Éducation, auquel elle fait
des
suggestions. Elle a été en particulier
à
l'origine d'une coalition défendant le rôle des
spécialistes
dans l'enseignement artistique.
À
l'école, la musique reste peu différenciée
des
autres disciplines artistiques, constituant un moyen parmi
d'autres
d'aider au développement de la personnalité
de
l'enfant. Ainsi le ministre François Legault
déclarait-il:
« L'art est un moyen d'expression important
pour les jeunes.
Les activités culturelles sont importantes
car elles contribuent
au développement des jeunes. »
Nicole Carignan pousse
plus loin les bienfaits de l'éducation
artistique: « Dans
notre monde fragmenté, en perte de
sens et d'imagination,
il me semble que l'enseignement des arts
pourrait contribuer à
redonner à nos jeunes un sens du
monde. »
Monique Gallant considère toutefois que
la musique a
un rôle bien à part. « Des
études montrent
que la formation de l'écoute
intérieure est indispensable
à l'acquisition de la
lecture et des mathématiques. »
Elle rappelle que
« seule la musique fait travailler les
deux lobes du cerveau en
même temps ». Son expérience
d'enseignante lui a
prouvé à plusieurs reprises
combien aider un enfant
à placer sa voix, c'est l'aider
à trouver sa place
socialement. Faire chanter des enfants
ensemble sans les mettre en
compétition les uns avec les
autres, c'est les aider à
développer une fierté
collective. « Faire de la
musique, c'est faire des choses
ensemble, à l'heure où
la télévision
et Internet isolent les
gens. »
Theodora Stathopoulos est également d'avis
que « tous
les enfants devraient être exposés
à la musique.
Ils devraient pouvoir atteindre le stade
à partir duquel
ils en comprennent l'essence. C'est ce qui
fera d'eux de bons
consommateurs de musique. C'est la même
chose en littérature.
On ne s'arrête pas de lire une
fois qu'on connaît
les lettres. On continue à lire
jusqu'à ce qu'on
y comprenne quelque
chose. »
« La clé, c'est de les exposer le
plus tôt
possible à la musique, de la leur enseigner en
même
temps que la lecture et l'écriture, comme une
langue, pense
Jacques Desjardins. Si on commence avec Daudet comme
matière
de lecture, pourquoi ne pas faire la même chose
en musique
avec Bach? » Les textes officiels, peu explicites,
laissent
les enseignants en musique assez libres de les
interpréter.
« Cela ouvre la possibilité d'une
révolution
de l'intérieur. Une fois sur le terrain, on
peut faire
davantage », ajoute-t-il.
La musique est un
des parents pauvres de l'éducation
au Québec comme en
France. La force de pays comme la Hollande,
la Hongrie ou le Japon,
dans ce domaine, repose, pour reprendre
les termes de Theodora
Stathopoulos, sur la conviction que « la
musique à
l'école ne doit pas seulement être
un dessert
proposé au menu. Elle est un ingrédient
indispensable
au plat principal sans lequel on n'est pas
rassasié. » English Version... |