LA MUSIQUE ET L'ART Par Robert Markow
/ 1 juin 2000
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Une relation intime entre la musique et les arts visuels existe
depuis que le premier homme des cavernes a gratté sur la
paroi rocheuse de sa grotte l'image d'un tambour. Au fil de l'histoire,
d'innombrables oeuvres d'art ont traité ou représenté
des instruments de musique. Les bas-reliefs assyriens montraient
des harpistes. Les peintures sur les urnes de la Grèce
antique reproduisaient souvent la kithera et l'aulos.
Fra Angelico peint des choeurs d'anges, Vermeer favorisait quant
à lui le virginal, Chagall le violon, Picasso la guitare
et Dufy le grand orchestre. L'iconographie musicale, l'étude
des instruments tels que représentés dans les arts
visuels, est en soi un sujet fascinant. Toutefois, ce qui nous
occupe ici tient davantage à la nature même de la
musique et de l'art pictural: quels liens unissent ces formes
soeurs? Chacune prend son élan et son inspiration de l'autre,
dans une relation de symbiose à la fois opulente et féconde.
Dans les discussions sur l'art ou la musique, des mots comme
style, tension, équilibre, forme et texture font à
coup sûr partie du vocabulaire. Mais de tous les éléments
communs à l'art et à la musique, nul n'a exercé
autant de fascination sur les compositeurs et les artistes que
la couleur, particulièrement au cours des deux derniers
siècles.
Wassily Kandinsky était convaincu qu'il pouvait entendre
les couleurs et les associait à des instruments précis:
jaune pour la trompette, orange pour l'alto, rouge pour le tuba,
etc. Ce phénomène est appellé synesthésie.
En 1909, Kandinsky créa un «opéra couleur-lumière»
en un acte en collaboration avec Thomas de Hartmann, un compositeur
mineur. Der gelbe Klang (Le son jaune) ne comporte que
quatorze lignes de texte, mais des centaines de jeux de lumières.
Matisse, entre autres, fut prudent devant l'envie de tenter
l'impossible: «On ne peut pas s'attendre à traduire
en peinture les symphonies de Beethoven», dit-il. Et c'est
justement ce que fit August von Briesen, ou du moins ce qu'il
tenta de réaliser, dans les six esquisses en noir et blanc
de la Symphonie no 8 de Beethoven. Pour sa part, Pamela Colman
Smith créa des images engendrées par l'écoute
de la Sonate pour piano no 11 de Beethoven, comme le fit Joseph
Stella après l'audition de l'opéra Der Rosenkavalier
de Richard Strauss.
Le processus inverse s'est révélé être
un matériau encore plus fertile, avec des compositeurs
comme Moussorgski, inspiré par les toiles de Viktor Hartmann
(Tableaux d'une exposition), Rachmaninov et Reger par Böcklin
(L'Île des Morts) et Debussy par Whistler, Velasquez,
Watteau et Botticelli. Le Twittering Machine de Paul Klee
à été la source de plus de réponses
musicales (au moins trente) que pour toute autre toile, le Jardin
des délices terrestres de Bosch et le Guernica
de Picasso occupant, loin derrière, les deuxième
et troisième rangs.
Au moyen de points de repères tels que l'harmonie, la
polyphonie, la tonalité, le rythme, la couleur et la forme,
l'esprit peut librement s'envoler dans le vaste univers des affinités
par lesquelles l'art et la musique sont liés, un sujet
qui, depuis que l'Homme existe, est synonyme d'aventure et de
fascination éternelle.
Traduction: Jean Prévost
Grands maîtres : Musique & Art est le thème
du Festival de musique de chambre de Montréal qui sera
présenté du 1er au 10 juin. Le texte ci-dessus est
une version écourtée du texte de Robert Markow qui
est publié dans son format original (en anglais et en français)
dans les programmes du festival et qui peut être
lu à www.festivalmontreal.org English Version... |
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