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La Scena Musicale - Vol. 5, No. 8

Matthias Goerne - Une voix lumineuse

Par Uwe Siebert / 1 mai 2000

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Il est excitant de constater que l'on vit à un âge d'or de l'histoire du chant. Au cours de la dernière décennie, une nouvelle génération de chanteurs a produit une renaissance remarquable dans l'interprétation de la mélodie. Avec Wolfgang Holzmair, Christophe Prégardien et Thomas Quasthoff, le baryton allemand Matthias Goerne est à la tête de ce groupe d'élite.

Goerne est un homme extrêmement affable et chaleureux, au sourire instantanément contagieux, au regard brillant d'intelligence. Au goût du jour, son apparence et son habillement restent décontractés. Il affectionne le noir et il porte ses cheveux très courts. Son approche musicale est également moderne par son immédiateté communicative et son chant se caractérise par un raffinement et une profondeur de sentiment rares, de même que par une musicalité innée.

Talent musical précoce, Goerne sourit lorsqu'on lui rappelle qu'il aurait déclaré à l'âge de 9 ans, alors qu'il était jeune choriste dans sa ville natale de Weimar, qu'il voulait devenir chanteur. « Comme tous les enfants, je voulais être un tas de trucs quand j'étais jeune, mais j'ai vite compris que la musique devait faire partie de ma vie. »

Son jeune talent a été encouragé par des phares tels Elizabeth Schwarzkopf et Dietrich Fisher-Dieskau, auquel on le compare souvent. « Fisher-Dieskau est un merveilleux musicien », dit Goerne. « Il m'a certainement fait comprendre l'importance du mariage entre les mots et la musique. » En effet, Goerne possède cette même habileté à illuminer musicalement les mots et à leur conférer une force inédite - mais sans artifice, dans son cas. Il existe même des similitudes sur le plan vocal : Goerne possède un baryton haut et léger, d'une beauté, d'un registre et d'une puissance insoupçonnés. Sa grande qualité tient toutefois à l'usage qu'il en fait : la palette des couleurs de l'interprétation et la maîtrise de la dynamique sont à ce chapitre exemplaires.

Bien que son répertoire comprenne de nombreux rôles à l'opéra (notamment le Papageno de Mozart, le Marcello de Puccini et le Wozzeck de Berg), c'est au concert et au récital qu'il revient le plus souvent. Bach est l'un de ses « premiers et grands amours en musique. L'interprétation de Bach présente d'énormes défis vocaux et d'interprétation, mais les fruits de l'effort sont incomparables ». Son récent enregistrement de cantates de Bach pour Decca illustre bien son brio dans ce répertoire.

Il a aussi démontré en récital et sur disque que ses lectures de Schubert, de Schumann et même d'Eisler le rangent parmi les meilleurs de la jeune génération. Il a attiré l'intérêt de pianistes aussi renommés que Andreas Haeflinger, Vladimir Ashkenazy et Alfred Brendel, avec lequel il a fait une tournée l'an dernier. « La tournée était excitante, mais fort exigeante : nous avions monté deux programmes que nous donnions souvent en alternance. Brendel est un musicien génial, d'une intelligence stupéfiante, une figure légendaire. Faire de la musique au côté d'une légende peut être à la fois écrasant et incroyablement gratifiant. »

Cette année, le partenaire de Goerne dans sa tournée nord-américaine est un complice de longue date, Eric Schneider. Ils ont souvent travaillé ensemble depuis que Goerne a fait irruption sur la scène internationale en remportant le concours Hugo Wolf en 1990. À juste titre, Hugo Wolf (de même que Schumann) figureront au programme du récital nord-américain de cette saison, ce qui démontre encore une fois le flair de l'artiste en matière de programmation.

Le groupe consacré à Wolf comprend des uvres aussi célèbres que Prométhée et Ganymède mais aussi les trois Harfenspieler sur des textes de Goethe. Goerne chantera aussi côte à côte Nachtlied et Abendlied de Schumann ainsi que cinq mises en musique de poèmes de Nikolas Lenau. Ce genre de programme inspiré et inspirant est révélateur du personnage. Goerne adore explorer des répertoires nouveaux et négligés. « Il y a tellement de belle musique, comme le Hollywood Liederbuch d'Eisler, que j'ai eu le bonheur d'enregistrer, qui mérite mieux que les oubliettes. »

Sa discographie reflète cela parfaitement. En plus des lieder d'Eisler, elle comprend le Deutsche Symphonie du même compositeur et l'opéra Die Vögel de Braunfels. De même, lorsque Graham Johnson lui a proposé de participer à la monumentale intégrale Schubert d'Hyperion, c'était pour lui confier le morceau de choix, Die Winterreise, mais il a aussi enregistré ce qui est peut-être le plus beau joyau de toute la collection, le fabuleux Im Walde, D.708.

Selon Johnson, Goerne reste « l'un des talents les plus étonnants à tous égards que j'aie jamais rencontrés ». Le pianiste britannique a travaillé avec Goerne en Europe plus tôt cette année, suscitant des éloges enthousiastes aux Pays-Bas, en Espagne et en Italie. L'horaire chargé de Goerne le mène sur toutes les grandes scènes de concert d'Europe, par exemple, la Musikverein de Vienne, la Konzerthaus de Berlin, le Festival de Salzbourg et la Wigmore Hall de Londres. « J'essaie de trouver le bon rythme, de ne pas trop chanter, de me réserver du temps pour bien me préparer et passer autant de temps que possible à la maison. »

La popularité de Matthias Goerne croît constamment en Amérique du Nord. En plus de ses tournées de récitals, il a fait ses débuts au Met de New York en 1998 et au Carnegie Hall l'année suivante. Ce sera à maintenant au tour de Montréal d'être charmé par ce chanteur magicien.

Goerne fera ses débuts à Montréal le 19 mai avec la Société Musicale André Turp à la salle Pollack. (514) 397-0068. Il donne le même progamme au Toronto Center for the Arts deux jours plus tôt. (416) 870-8000.

[Traduit par Alain Cavenne]

Discographie de Matthias Goerne

Schumann. Liederkreis, op. 39 et 12 Gedichte, op. 35. (Eric Schneider, piano) , Decca 460 797-2.
Schumann. Dichterliebe et Liederkreis op. 24 (Vladimir Ashkenazy, piano), London 289 458 265-2.
Bach. Cantatas. Sir Roger Norrington, Camerata Academica Salzburg, Decca 466 570-2.
Eisler. The Hollywood Songbook (Eric Schneider, piano), London 289 460 582-2.
Schubert. Goethe-Lieder (Andreas Haefliger, piano), London 452 917-2.


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