Suggestions cadeaux Par Stéphane Villemin
/ 1 décembre 1999
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Le 150e anniversaire de la mort de Chopin a été fêté ici et là, avec plus ou
moins de faste et de cérémonies. Mais pour les inconditionnels du pianiste
polonais qui n'ont pu ni se rendre à Varsovie, Nohant ou Paris, ni assister
aux quelques concerts commémoratifs de nos métropoles canadiennes, il
reste toujours la possibilité de s'offrir (dans ce cas, l'égoïsme se mue en
hédonisme) un florilège des six meilleurs disques de sa musique. Même en
ne considérant que les enregistrements sur le marché, il s'avère difficile
de faire le bon choix, tant l'offre est large. En outre, d'aucuns pourraient
être tentés de se raccrocher à la solution de facilité qu'est l'intégrale.
Mais qu'on se le dise! Il n'y en a pas une qui puisse réellement satisfaire
l'amateur, puisque toutes font preuve d'un même cruel défaut : l'inégalité.
Comme la qualité d'un vin réside souvent dans son assemblage, la
discothèque Chopin du connaisseur résultera de recherches. Pour qui veut
réussir l'élaboration d'un tel cadeau de Noël, il faut les meilleurs cépages.
Voici ceux que je recommande.
Lorsqu'on parle de Mazurkas, Arthur Rubinstein (RCA) reste la valeur la
plus sûre. Son imagination poétique et son sens rythmique réalisent
l'équilibre idéal de ces danses polonaises qui ont inspiré Chopin.
Pour continuer la danse, c'est avec Jean-Marc Luisada (DG) qu'il faut
redécouvrir les Valses. Il réussit un tour de force en y mêlant le grand
style, la joie de vivre et une finesse d'esprit qui éloignent assurément ces
pièces de la vulgarité dont elles sont constamment menacées.
Le fantasque Samson François (EMI) nous emmène, avec ses Ballades, sur
des terres inconnues et enchanteresses qui laissent une trace indélébile
dans la mémoire de celui qui les entend. Mais attention! les amateurs de
lieux communs seront déçus. Avec François, point de sentiers battus, mais
de la rêverie, de la création, parfois surprenantes mais jamais déplacées.
Avec les Préludes, Alfred Cortot (EMI) a atteint des sommets de poésie et
d'inventivité qui n'ont pas été dépassés jusqu'ici. Seul, peut-être, le génial
et trop méconnu Grigory Sokolov (opus 111), dans un autre style, plus
slave et plus intuitif, se hisse au niveau des meilleurs.
Les Études de Chopin ont malheureusement fait les frais de toute une
génération de « machines à coudre » qui ont tenté de nous séduire avec la
beauté et la chaleur du marbre... Il suffit pourtant d'écouter Cziffra
(Philips) pour être rapidement convaincu que la propreté du jeu et la
virtuosité peuvent rimer avec une rondeur et une subjectivité à la hauteur
d'engagement personnel apparemment illimité.
Enfin (puisqu'il faut se limiter à six enregistrements et respecter un
budget raisonnable), on doit absolument se procurer les Sonates de Chopin
jouées par Martha Argerich (DG). « À peine pensable! Comment peut-elle
réussir cela? » se demande-t-on à l'écoute. Argerich y réalise un véritable
concentré de sensibilité, avec la fougue qu'on lui connaît. Après plusieurs
écoutes et même après plusieurs années, l'auditeur a toujours l'
impression de se trouver en présence d'une inépuisable source de vie et
d'énergie. En outre, Deutsche Grammophon a eu la bonne idée de coupler les
Sonates avec un choix de Scherzos et de Polonaises, ainsi qu'avec la
Barcarolle, le tout sous les doigts de la pianiste argentine, pour notre plus
grand plaisir.
Bon Noël!
Suggestions cadeaux
Une suggestion de cadeau pour les amateurs d'opéra qui pourraient être
portés à croire que les compositeurs d'aujourd'hui n'ont rien à leur offrir...
The Three Hermits
Opéra en un acte (et un disque) d'après un récit de Léon Tolstoy.
L'histoire d'un évêque qui, ayant entendu dire que la formation religieuse
de trois ermites très pieux vivant sur une île laissait quelque peu à
désirer, décide d'aller leur donner une leçon de catéchèse. Au lieu, c'est lui
qui se fait servir une belle leçon d'humilité et de spiritualité...
Sur étiquette D'Note Classics (DND1025), peu connue, mais présente sur
Internet : www.dnote.com
- Pierre Bellemare
Debussy : Pelléas et Mélisande
Richard Stilwell (Pelléas),
Frederica von Stade (Mélisande),
José van Dam (Golaud),
Ruggero Raimondi (Arkel),
Nadine Denize (Geneviève),
Christine Barbaux (Yniold)
Pascal Thomas (Le berger et le médecin)
Herbert von Karajan/Orch. Phil. de Berlin et Chor der Deutschen Oper Berlin
EMI «Great Recordings of the century» 7243 5 67168 2 7 (3CD-162 min 58 s)
Il est toujours difficile de trouver le cadeau idéal, mais si vous
connaissez quelqu'un qui aime l'opéra et ne connaît pas encore ce
chef-d'oeuvre, voilà l'occasion rêvée de le lui faire découvrir, et, qui plus
est, dans un enregistrement passé à l'histoire. Laissez-vous (à supposer
que vous l'écouterez avec elle ou lui) bercer par les couleurs ravissantes
et chatoyantes de ce magnum opus de Debussy. (Pour plus d'information,
lire la critique dans La Scena Musicale d'octobre 1999).
- Frédéric Cardin
Comprendre et identifier les genres musicaux
Par Gérard Denizeau
Larousse 255 p.
Voici un petit livre absolument indispensable pour qui cherche à se
familiariser avec les différents termes, époques, styles et compositeurs
du monde musical. Divisé par époques, allant de l'Antiquité jusqu'à
aujourd'hui, le livre offre des résumés assez complets sans être trop
exhaustifs de la plupart des termes musicaux, des plus connus
(passacaille, symphonie, impromptu, poème symphonique, etc.) au plus
obscurs (gymel, conduit, trait, etc.). Les articles s'accompagnent d'une
mise en contexte historique, d'une liste d'oeuvres et de compositeurs à
surveiller en rapport avec le terme ou style étudié. Papier glacé de
qualité, couleurs démarquées pour bien différencier les époques, le tout
est agrémenté de nombreuses et très belles illustrations qui rendent le
parcours de cet ouvrage particulièrement agréable. Un excellent cadeau à
offrir à un jeune (ou même un adulte) qui apprend la musique et qui a
besoin d'un ouvrage de référence, simple, clair et complet.
- Frédéric Cardin
Piano sonatas
W.A. Mozart.
Mitsuko Uchida, pianiste.
Coffret de 5 CD, Philips, 1991.
Une version de référence pour la justesse et le raffinement de
l'interprétation. La clarté de l'articulation et l'intelligence du phrasé sont
remarquables.
- Lucie Renaud
Vier letzte Lieder et Orchesterlieder
Richard Strauss.
Jessye Norman, soprano,
orchestre dirigé par Kurt Mazur,
Philips, 1983.
Les letzte lieder (derniers lieder), chant du cygne de Strauss, occupent une
place à part dans son oeuvre. À l'âge de 84 ans, il jette un ultime regard
sur sa vie bien remplie mais assombrie vers la fin par la maladie. La voix
magnifique de Jessye Norman rend admirablement l'oeuvre. Les six lieder
pour orchestre qui complètent l'enregistrement, instrumentés par Strauss
à l'intention de sa femme, cantatrice réputée, sont également magnifiques.
Un beau témoignage d'amour!
- Lucie Renaud
Los tangueros, the tangos of Astor Piazzolla
Emanuel Ax et Pablo Ziegler, pianistes,
Sony, 1996
Une collaboration des plus intéressantes entre le pianiste classique
Emanuel Ax et le pianiste de tango argentin Pablo Ziegler. Ce dernier,
pianiste du quintette d'Astor Piazzolla pendant 10 ans, a transformé les
tangos du maître en duos virtuoses pour deux pianos. Une combinaison
exclusive qui fait le pont entre le monde sérieux du classique et les
ruelles de Buenos Aires!
- Lucie Renaud
Coffret des six plus grands opéras de Richard Srauss sous la
direction de Georg Solti.
Ce luxueux coffret réunissant les intégrales d'opéras de Strauss réalisées
par Georg Solti pour la compagnie Decca-London, renferme au moins deux
must absolus : l'Arabella de 1957 avec Lisa della Casa et George London
ainsi que l'Elektra de 1966 avec Birgit Nilsson (pour chacune de ses
oeuvres, on n'a jamais fait mieux en studio). La Salome de 1961 avec
Nilsson, le Rosenkavalier de 1968-69 avec Régine Crespin et la Frau
ohne Schatten de 1989-1991 ne constituent pas ce qu'on appelle des
«versions de références», mais sont considérées unanimement comme
étant très réussies. Seul l'Ariane à Naxos de 1977 avec Leontyne Price
et Edita Gruberova est légèrement en retrait, bien que son niveau général
soit tout à fait honorable. Tous ces enregistrements ont été entièrement
remastérisés à partir des technologies de pointe et traités selon le
procédé Cedar permettant ainsi une réduction notable du souffle de bande.
De surcroît, le coffret de 14 CD est vendu à prix moyen.
- Michel Veilleux
The Magic Flute / La Flûte enchantée
Film d'Ingmar Bergman
à partir de l'opéra de Mozart.
Réalisé en 1974 pour la télévision suédoise, ce film demeure à ce jour une
des deux réussites absolues dans le genre très problématique du
film-opéra (l'autre étant le Parsifal de Syberberg). Le cinéaste ne cherche
en aucun moment à nier les conventions de l'opéra (l'oeuvre est captée sur
scène dans une reconstitution en studio du petit théâtre de
Drottningholm), mais en même temps, il utilise abondamment l'immense
éventail de ressources expressives offert par le cinéma (gros plan,
montage alterné, reaction-shot, etc.). De plus, en éliminant ou condensant
certaines scènes et en modifiant habilement certaines des données
concernant les personnages, Bergman a réussi à rendre très concis et clair
un récit qui, à la scène, possède rarement un tel degré de limpidité.
Ajoutons que l'exécution musicale et vocale est de très bon niveau (on y
retrouve notamment Hakan Hagegard en Papageno et Ulrik Cold en
Sarastro) et que tout le film est empreint d'une atmosphère du temps des
fêtes très à propos. Disponible en cassette vidéo de format VHS sous
étiquette Home Vision (chanté en suédois avec sous-titres anglais).
- Michel Veilleux
The Art of Singing - Golden Voices of the Century.
Cette magnifique anthologie de presque deux heures propose près d'une
trentaine d'extraits vidéo s'échelonnant de 1911 à 1974 et mettant en
vedette quelques-uns des plus grands chanteurs d'opéra du siècle dans des
extraits de leurs plus grands rôles et captés soit sur scène, au cinéma ou
dans des studios de télévision. Les noms parlent d'eux-mêmes : Callas,
Caruso, Chaliapin, Corelli, De Luca, Di Stefano, Flagstad, Gigli, Martinelli,
Melchior, Olivero, Pinza, ainsi que plusieurs autres. Deux extraits plus
substantiels (une quinzaine de minutes chacun) nous proposent Bjoerling
et Tebaldi dans la scène finale du premier acte de La Bohème et la scène
de la mort de Boris Goudounov avec Christoff. Bien que certains de ces
documents étaient déjà disponibles par l'intermédiaire des cassettes de la
série The Voice of Firestone et certains titres publiés par la Bel Canto
Society, le nombre d'inédits est suffisamment élevé pour justifier une
telle entreprise. Soulignons que le screen test de Rosa Ponselle dans deux
extraits de Carmen vaut à lui seul le prix de la cassette. Disponible chez
Warner Music Vision (NVC Arts).
- Michel Veilleux
Les grands pianistes ont la cote!
Les Grands Pianistes, c'est le titre d'un livre passionnant qui vient juste
d'être publié par Georg Editeur et distribué par DPLU. Son auteur, Stéphane
Villemin, nous plonge dans l'univers des grands interprètes des origines à
nos jours. Il propose une anthologie de vingt-cinq grands pianistes comme
Rubinstein, Gould et Argerich, fort révélatrice de la sensibilité de son
auteur qui semble avoir fait sienne la philosophie d'Yves Nat : « Tout pour
la Musique, rien pour le piano ». Agrémenté de nombreuses anecdotes, Les
Grands Pianistes se lit avec le même plaisir de la première à la dernière
page. Il possède en outre l'originalité d'aborder les grands duos de
pianistes, trop longtemps ignorés par la critique. Livre à acquérir sans
aucune hésitation!
Gottschalk est souvent présenté comme le premier grand pianiste
américain. Sa vie est un roman plus vrai que nature, faite d'aventures
rocambolesques, d'engagements politiques contre l'esclavage et
d'histoires d'amour qui ne finissent pas toujours bien. La biographie que
signe Réginald Hamel aux éditions Guérin, richement documentée et
illustrée, constitue sans aucun doute l'ouvrage de référence sur le sujet.
Charles Timbrell vient de publier chez Amadeus Press la seconde édition
de son livre French Pianism, A Social Perspective. Par rapport à la
première édition, quinze nouveaux entretiens ont été insérés avec des
personnalités comme Michel Dalberto, Jean-Marc Luisada et Anne
Queffélec. Ce livre synthétise les subtilitées de cette école du piano,
reconnaissable entre toutes par son toucher et ses notes perlées.
Les Grands Pianistes, c'est également le titre d'une cassette vidéo
commercialisée par Philipps qui nous permet de voir les maîtres à
l'oeuvre. Comparer les manières d'aborder le clavier, les positions des
doigts, le toucher et les mimiques des interprètes s'avère d'un intérêt
primordial pour qui veut approfondir ses connaissances de l'univers
pianistique. Avant que le disque n'existe, les pianistes étaient toujours
jugés « sur pièce » lors d'un concert. A ce titre, le film se révèle
historiquement plus juste que le disque dans la mesure où il montre tout
ce qui a pu influencer, séduire ou agacer le public et les critiques. En
1998, le Festival du Louvre « Classique en Image » nous avait déjà fait
part de ces révélations extrêmement précieuses pour qui n'a pas eu la
chance de voir jouer Cortot ou Fischer. La cassette de Philipps qui reprend
en partie certains films diffusés au Louvre, s'avère être le seul document
visuel du genre disponible sur le marché.
- Valérie Mouraux
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