Barbara Hendricks, une musicienne au service de son art Par Dominique Olivier
/ 1 décembre 1999
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Lorsqu'elle a décidé de consacrer sa vie à la musique, la soprano
américaine Barbara Hendricks a cherché, d'emblée, ce qui lui semblait être
la bonne raison de chanter. Cette réflexion est à son image. Intense,
engagée, la musicienne s'est voulue dès le début au service de son art.
Animée d'un besoin de donner, elle s'est investie pleinement dans une
carrière dont on connaît le succès, mais également dans une action
humanitaire de grande envergure. Goodwill Ambassador of the United
Nations High Commission for Refugees and Special Advisor on
Intercultural Relations to the Director General of Unesco, Barbara
Hendricks a chanté sur les plus grandes scènes du monde, avec les
orchestres et les solistes les plus prestigieux et a incarné à l'opéra les
plus grands rôles féminins. Dans un tiroir, elle garde pourtant un diplôme
universitaire en chimie et en mathématiques, obtenu au tout début de la
vingtaine. « Je crois que, jeune, j'étais douée pour les mathématiques,
nous a raconté la chanteuse depuis Londres, où elle était en tournée. On
m'a encouragée là-dedans, et je n'ai jamais eu l'impression que c'était
difficile. Mais à l'église où mon père était pasteur et à l'école, je chantais,
pour le plaisir. D'aussi loin que je me souvienne, dès que j'ai pu pousser un
son, j'ai chanté... »
La jeune Barbara était loin, alors, de penser à une carrière de chanteuse.
Tout a basculé lors d'un stage musical à Aspen, entre sa troisième et sa
quatrième année d'université. « Ça a été une sorte de tournant. Je me suis
retrouvée entourée de musique et, à la fin de ces neuf semaines, il était
clair qu'il y avait quelque chose à faire avec ma voix. Jennie Tourel, qui
m'avait enseigné durant l'été, m'a proposé de me prendre comme élève à
New York. Je me suis dit : J'ai ce talent, je ne sais pas où ça va me mener,
mais je me dois d'aller voir. Je ne voulais pas, à 45 ou à 50 ans, dire à mes
enfants : Ah! si j'étais allée étudier à New York, je pourrais être une
grande star aujourd'hui. Je ne voulais pas avoir de regrets. À l'âge de 20
ans, je pouvais prendre le risque de me tromper. » Ce sera donc la grande
aventure. Mais auparavant, la sage universitaire terminera son
baccalauréat. « J'ai grandi en Arkansas, à une époque où régnait la
ségrégation et, pour une jeune noire, avoir un diplôme universitaire en
main était la clé de l'avenir. Pour mes parents, le fait de vouloir quitter
les études scientifiques, c'était la folie totale, mais je les comprenais!
Alors, j'ai préféré finir mon cours, au cas où ça ne marcherait pas en
musique. »
La soprano a eu la chance d'avoir, immédiatement, un professeur qui a su
la guider. « Jennie Tourel était une vraie artiste. J'ai pu parler avec elle
de l'importance d'être au service de son art. Recevoir les hommages, ça
compte beaucoup, mais on ne peut pas être sur scène pour ça. Elle a été
pour moi l'exemple de ce qui me semblait être la vraie raison de chanter.
Mon père était pasteur et j'ai eu une éducation religieuse très stricte dans
laquelle la musique était associée au plaisir. J'ai donc eu besoin d'un but
plus noble que ma propre satisfaction. » À travers les oeuvres qu'elle
choisit de chanter, on perçoit la curiosité de la chanteuse, son besoin
d'aller au-delà des apparences, d'éviter les sentiers battus. « Je choisis
toujours des oeuvres avec lesquelles je peux avoir une relation. J'ai appris
très tôt, en donnant des concerts dans les écoles des ghettos de New York,
que c'est cette relation que j'entretiens avec la musique que je chante qui
touche le plus les gens. Ils ne connaissent pas le compositeur mais ils
sentent qu'il y a quelque chose qui se passe entre moi et la musique. C'est
ça qu'ils viennent chercher, pas ce qu'ils connaissent déjà. »
Barbara Hendricks s'implique totalement dans ce qu'elle chante, que ce
soit Mimi, Susanna ou des lieder de Brahms. « C'est un besoin que j'ai, tout
comme mon action humanitaire répond à un besoin. J'ai réalisé très jeune
qu'il y avait quelque chose, dans l'idéal de la démocratie, qui me donnait la
possibilité d'être une citoyenne à part entière. Que j'avais des droits, mais
aussi des responsabilités et que si je voulais préserver mes droits, il me
fallait prendre mes responsabilités très au sérieux. Quand j'ai découvert
la Déclaration des droits de l'homme, il est devenu impérieux pour moi de
la promouvoir, d'expliquer aux gens qu'il est possible de vivre ensemble,
qu'il y a assez de place pour tout le monde. Je le sens tellement
profondément que je ne peux pas faire autrement que de lutter pour cette
cause. » Forte et sereine, la chanteuse a des assises solides, celles de sa
famille, de son art, de sa foi en l'humanité. « Je dis souvent qu'il faut
prendre le risque d'être soi-même. Moi, je chante une musique qui a été
faite par des hommes blancs qui sont morts, et, pourtant, je suis faite
pour chanter cette musique. Je le sens, comme si j'étais née ailleurs! »
Barbara Hendricks à Montréal
Barbara Hendricks sera à Montréal, invitée par Pro Musica, le 31 janvier
2000, dans un programme Brahms, Wolf, Fauré et Richard Strauss,
accompagnée du pianiste Staffan Scheja.
CD Contest
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Discographie
Barbara Hendricks a une discographie considérable, dont une grande
partie a été réalisée chez EMI. Sous cette étiquette, la chanteuse a
enregistré plusieurs opéras, dont Les pêcheurs de perles de Bizet, Orphée
de Gluck, Don Carlo et Falstaff de Verdi, Der Rosenkavalier de Strauss.
Chez Philips, elle a enregistré, notamment, Idomeneo et Le Nozze di Figaro
de Mozart; chez Deutsche Grammophon, Turandot de Puccini et, chez Erato,
La Bohème, du même compositeur. On trouve de plus, au sein de sa
discographie, des oratorios de Handel, des cantates de Bach, des motets de
Vivaldi, des messes de Haydn, le Requiem de Fauré, la Messe en do mineur
de Mozart, la Messe solennelle de sainte Cécile de Gounod, etc. Outre
l'opéra et l'oratorio, genres dans lesquels elle excelle, la soprano a
également endisqué beaucoup de lieder et de mélodies françaises. Avec un
art consommé qui a grandement contribué à sa renommée, Barbara
Hendricks a livré au disque ses interprétations de mélodies de Berlioz,
Debussy, Fauré, Ravel et Duparc, de lieder de Strauss et de Schubert, pour
la plupart chez EMI. English Version... |
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