La résurrection des grands classiques, au studio DOREMI Par Wah Keung Chan
/ 1 juin 1998
English Version... L'ingénieur du son Jacob Harnoy est le directeur du
studio de matriçage et de la maison de disques DOREMI en banlieue de
Toronto. Présentement, Harnoy est l'un des experts les plus avancés
dans la restauration sur disques compacts de vieux enregistrements
sonores, des 78 tours pour la plupart. Son studio audionumérique,
DOREMI, se spécialise dans la remise en leur état premier des
héritages laissés par les grands musiciens classiques tels que les
violonistes Jascha Heifetz, David Oistrakh et Nathan Milstein, le
guitariste Andres Segovia, les celliste Vladimir Orloff, pianiste
Sviatoslav Richter et l'altiste William Primrose.
Harnoy a reçu une formation de violoniste et a
aussi étudié les mathématiques, la physique et la chimie. Il a
enseigné à l'Université de Toronto avant de devenir chercheur pour
Hydro-Ontario, mais la musique est toujours demeurée l'amour de sa
vie. Dans les années 1970 et 1980, il a produit et dirigé un grand
nombre d'enregistrements de sa fille, la violoncelliste canadienne
Ofra Harnoy, pour RCA Red Seal. Jusqu'ici, il a produit près de 250
enregistrements sous différentes étiquettes, entre autres, pour RCA
et Analekta. Maintenant dans la cinquantaine, Harnoy a pris sa
retraite, il y a deux ans, pour fonder sa propre entreprise,
spécialisée dans la restauration d'enregistrements audio.
L'intérêt de Harnoy dans ce domaine remonte au
milieu des années 1980, lorsqu'il en a eu assez de la piètre qualité
des DC disponibles sur le marché, où l'on avait transféré ses vieux
78 tours et microsillons préférés. «En fait, ces transferts
produisaient des sons pires que ceux des enregistrements originaux.
Ils comportaient trop de bruits de surface, ce qui les rendaient
difficiles à écouter. Je savais que je pourrais faire mieux».
Harnoy a consacré un an à mettre au point les
éléments nécessaires pour la restauration numérique et à
expérimenter les logiciels de réduction de bruit tels que CEDAR et
Sonic Solution's No-Noise. Durant cette période, en compagnie de son
technicien Harry Quan, il a conçu un appareil spécial pour convertir
les données analogiques en données numériques.
La véritable restauration d'un vieil enregistrement
exige beaucoup de temps. Harnoy ne répugne pas à passer de 200 à 400
heures pour perfectionner un seul DC. Pour lui, la restauration
sonore est un travail d'amour : «La plupart des entreprises fixe un
montant limite pour la restauration de chaque disque. Elles ne
pourraient pas allouer le temps que je prends».
À DOREMI, le processus habituel de restauration
comporte quatre étapes:
-
La conversion numérique de la source sonore
analogique.
-
La réduction du bruit avec le système CEDAR.
-
La réduction du bruit avec le procédé No-Noise
(si nécessaire).
-
L'égalisation numérique et le conditionnement
binaire.
Naturellement, il importe avant tout d'utiliser de
bonnes sources et une aiguille appropriée aux 78 tours.
Collectionneur avide depuis l'âge de 10 ans, Harnoy a accumulé une
énorme quantité de vieux disques. Il s'approvisionne aussi chez une
confrérie de collectionneurs et reçoit l'aide des chercheurs de
DOREMI.
Après la numérisation du matériel, Harnoy utilise
le système informatique de réduction de bruit CEDAR pour éliminer le
chuintement, la friture, les petits cliquètements et bruits secs. Il
vérifie les résultats obtenus en comparant le matériel «d'avant et
d'après» le traitement afin de s'assurer que la sonorité originale
est préservée. La conversion de l'analogique au numérique et la
réduction de bruit CEDAR sont effectuées en temps réel, c'est-à-dire
que les résultats sont enregistrés à mesure que le disque tourne. Le
procédé No-Noise, d'autre part, requiert de nombreuses heures de
travail informatique intense. À l'une des stations de travail
Macintosh de DOREMI, Harnoy démontre le processeur Sonic Solution's
No-Noise. Le travail ressemble à la retouche d'une photographie
égratignée. Les gros cliquètements doivent être traités
individuellement avec la technique d'interpolation No-Noise.
Harnoy m'a fait entendre un disque de démonstration
du matériel «d'avant et d'après» le traitement d'un enregistrement
de la Danse numéro 5 de Granados, par le guitariste Andres
Segovia. Les résultats étaient spectaculaires et l'instrument
résonnait avec une présence et une clarté remarquables. Harnoy
souligne que l'équipement d'enregistrement des années 1930 et 1940,
y compris les microphones, était «plus évolué que nous sommes portés
à le croire aujourd'hui». Il est souvent surpris par la richesse du
son original, après élimination du bruit de surface. «Les grands
violonistes avaient une sonorité et un caractère personnels et
distinctifs. J'essaie de les retrouver».
Quand on lui demande s'il cherche à conserver
l'authenticité absolue d'une interprétation ou s'il préfère
l'améliorer, il répond fermement : «Comme je le ferais pour de
nouveaux enregistrements que je produis, si je peux corriger une
fausse note, je le fais. Ce n'est pas la faute du musicien si
l'ingénieur a laissé l'erreur là. Mon but est de présenter l'art du
musicien à son meilleur».
Se tenant au milieu d'une pile de vieux disques
dans son studio, Harnoy réfléchit : «Il y a là beaucoup de grands
artistes négligés que je voudrais remettre en valeur». On peut donc
s'attendre à de nombreux trésors à venir.
La série Heifetz : Collection Jascha Heifetz, vol.1
(DHR 7703) des tests d'enregistrement des Laboratoires Bell de 1932
et 45 émissions de radio de 1943 (qui contiennent du matériel non
disponible sur le marché jusqu'ici, sous aucune forme). Le DC d'Andres
Segovia et de Julio M. Oyanguren (Segovia et ses contemporains, vol.
1 - DHR 7703), premier de trois, maintenant disponible dans la série
Segovia et qui a mérité le titre de «Meilleur DC classique
historique de l'année» voté par les détaillants de musique classique
à la conférence annuelle Allegro de 1997. Les quatre premiers
volumes dans la Collection David Oistrakh. Pour les prochaines
parutions, consultez le site Web de DOREMI : http://www.doremi.com/~doremi/
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