Accueil     Sommaire     Article     La Scena Musicale     Recherche   

La Scena Musicale - Vol. 3, No. 7

Un pur ravissementces nozze di figaro

Par Jacques Desjardins / 1 mai 1998


lenozze-.jpg (11177 bytes)Dès les premières mesures, on savait que ces Noces auraient de l'énergie à revendre. Bernard Labadie dirigeait ses Violons du Roy avec une ferveur à la limite de la fébrilité. Son tempo de départ, nerveux et endiablé, aurait pu nous essoufler s'il l'avait maintenu au-delà de l'ouverture. Heureusement, les choses se sont placées dès le lever du rideau. On surprend alors Figaro et Susanna, empêtrés dans leurs draps, s'offrant un avant-goût de leurs ébats nuptiaux. La scène déclenche quelques rires mérités : elle révèle déjà l'efficacité et la souplesse de la mise en scène de Serge Denoncourt. La scénographie sobre et dégagée favorise les nombreux déplacements des personnages. Et on félicite Serge Denoncourt d'avoir réussi à faire jouer ses chanteurs avec autant de naturel. Les dimensions plus modestes du Théâtre Maisonneuve permettent d'apprécier davantage le jeu des protagonistes et favorisent une meilleure projection vocale. Évidemment, on n'est pas encore dans une vraie salle d'opéra, mais on peut espérer qu'un jour, peut-être, Montréal l'obtiendra son amphithéâtre voué exclusivement à l'art lyrique. (Photo: Yves Dubé)

Cette coproduction de l'Opéra de Montréal et de l'Opéra de Québec brille par la qualité de sa distribution. Brett Polegato et Lyne Fortin en comte et comtesse Almaviva dominent une équipe qui aime se donner la réplique : ça bouge et ça se répond du tac au tac. En ce sens, les nombreux récitatifs défilent avec élan et l'usage d'un piano-forte, une réplique d'un instrument en vogue au temps de Mozart, au lieu de l'habituel clavecin, nous présente cette musique sous un autre jour, sans aucune entorse à la pratique instrumentale de l'époque.

Lyne Fortin et Brett Polegato font déjà partie de l'élite internationale de l'art lyrique . Leur technique impeccable leur permet de chanter d'une manière qui ne laisse transparaître aucun effort. Chez lui, le timbre séduit dans tous les registres. Son jeu scénique et l'ampleur de sa voix suivent les prescriptions du rôle : voilà un grand baryton mozartien. À quand son premier Don Giovanni ? Lyne Fortin nous démontre sa profonde compréhension du style dans le très difficile Dove sono du troisième acte : elle ornemente la reprise avec tant de grâce que sa prestation sidère le public, qui n'a d'autre choix que de retenir son souffle durant ces longues minutes de pur ravissement. Stephen Powell nous séduit par la justesse de son jeu et de sa voix. Son personnage de Figaro lui va comme un gant, bien qu'on aimerait que sa prononciation italienne soit plus claire par moments. Sa compatriote Christine Brandes campe une Susanna pleine de verve et d'esprit. La voix pure et jeune continuera de mûrir et nous souhaitons la réentendre à Montréal. Seule membre de l'Atelier Lyrique à obtenir un rôle dans cette production, Michelle Sutton nous dévoile à nouveau un instrument rempli de chaleur et d'intensité. Tout à fait à sa place parmi les vétérans, son jeu scénique étonne par sa fraîcheur et son dynamisme. Hugues Saint-Gelais réussit à faire bonne impression en dépit d'apparitions trop courtes et de certains maniérismes (pourquoi cet accent français chez Basilio et ce zézaiement chez Curzio qui empêchent de bien comprendre les mots ?). Colette Boky a réussi son retour à l'OdM après quinze ans d'absence. Sa voix est plus sombre, plus veloutée, mais la projection y est toujours, et surtout Madame Boky nous communique son plaisir de se retrouver sur scène.

L'Opéra de Montréal a fait un bon coup en s'associant avec l'Opéra de Québec. Cette production s'impose jusqu'ici comme la meilleure de la saison. Souhaitons que de semblables collaborations engendrent à l'avenir des projets d'aussi grande qualité.

(ci-haut: j.à.d. Christine Brandes, Lyne Fortin, Brett Polegato)

Le Nozze di Figaro à l'Opéra de Québec, les 9, 12, 14, 16, 19 mai 1998 à Québec. Voir calendrier.


(c) La Scena Musicale 2002