Penderecki sur le Requiem polonais Par Philip Anson
/ 1 avril 1998
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Le compositeur polonais Krystof Penderecki
(prononcer Pen-dé-RET-ski) revient à Montréal le 8 avril pour
diriger la première nord-américaine de la version intégrale
(comprenant le récent Sanctus) de son monumental Requiem
polonais. L'Orchestre symphonique de Montréal et son choeur
pourraient-ils souhaiter un meilleur chef que le compositeur
lui-même, qui a déjà dirigé l'oeuvre plus de 100 fois dans le monde
entier? La Scena musicale s'est entretenue du
Requiem avec maestro Penderecki en octobre dernier, à New
York.
La rencontre a eu lieu dans l'Oak Room de l'hôtel Plaza, où le
maestro était descendu avec son épouse. À 65 ans, Krystof Penderecki
est l'archétype de la haute figure culturelle de l'Europe centrale:
accent très prononcé, costume impeccable, barbichette blanche,
regard pénétrant du maître. C'est également un homme charmant, prêt
à répondre avec amabilité à des questions qu'on lui a sans doute
posées des dizaines de fois.
Comme toutes ses grandes oeuvres, explique-t-il, le
Requiem est un ensemble de morceaux qui ont été composés sur
une période de nombreuses années. «C'est ma méthode. Je fixe d'abord
la forme. C'est le plus important. Ensuite j'élabore les détails,
les thèmes, motifs et développements. La structure complète ressort
mieux de cette façon que si vous procédez chronologiquement du début
à la fin.» Penderecki n'a aucune difficulté à entretenir son élan
créateur pendant des mois ou des années. Au contraire, il estime que
ses oeuvres «se cristallisent» avec le temps.
Le Requiem polonais, dédié à la mémoire de son pays
meurtri, a été amorcé à partir de pièces et oeuvres de commande qui
n'avaient à l'origine aucun lien entre elles. La première date de 1980; elle a été commandée par
Lech Walesa, le chef du parti Solidarité, pour marquer
l'inauguration d'un monument aux victimes du soulèvement de Gdansk.
« Un mois avant l'inauguration, je n'avais toujours pas trouvé mon
sujet d'inspiration, se rappelle le compositeur. Je dirigeais à
Baden-Baden quand je suis tombé sur une partition du Requiem
de Verdi. Le texte du Lacrimosa m'a semblé parfait et j'ai
terminé la commande à temps.» A-t-il été influencé par Verdi?
«Évidemment que non!»
Puis, en 1981, Penderecki perd un ami, le cardinal Wyszynski.
«J'ai appris la nouvelle le matin et, à la fin de l'après-midi,
l'Agnus Dei était terminé.» Le Dies irae a été composé
sur commande en 1984 pour commémorer la résistance de la Pologne au
nazisme. C'est ainsi que, petit à petit, cette singulière messe des
morts a vu le jour. Penderecki est allé jusqu'à incorporer un ancien
hymne polonais dans le Recordare, Jesu pie, tronquer
l'Offertorium et adjoindre un grand Finale: Libera
Animus, qui récapitule tous les thèmes de l'oeuvre. Le
dénouement, optimiste, promet la fin des malheurs de la Pologne.
«C'était une époque troublée, marquée par les bouleversements,
confie le compositeur, mais il nous semblait que l'avenir ne pouvait
être que meilleur.»
Le Requiem polonais dans sa version complète de 1984 a été
créé par Mstislav Rostropovich à Stuttgart le 28 septembre de la
même année et enregistré par Deutsche Grammophon. À l'occasion du
festival Penderecki de 1993 à Stockholm, cependant, le compositeur a
écrit un nouveau Sanctus. L'enregistrement intégral du
Requiem nouvelle version sur étiquette Chandos fait autorité
depuis.
Catholique de naissance, Penderecki ne considère pas pour autant
son Requiem comme une oeuvre religieuse. «Il m'est arrivé de
puiser à la musique religieuse juive et russe orthodoxe, mais c'est
plutôt dans la solide tradition allemande du XIXe siècle et la
polyphonie de la Renaissance que je trouve mon inspiration.» Malgré
la signification historique et patriotique du Requiem
polonais, il se défend d'avoir voulu en faire une oeuvre
politique. «Je n'écris pas de musique politique. La musique
politique tombe tout de suite en désuétude. Mon Thrène
demeure important parce que c'est de la musique abstraite. La
dédicace du Requiem se rapporte à des gens et à des
événements particuliers, mais la musique, elle, a une portée
beaucoup plus large.»
Sur le plan stylistique, le Requiem polonais n'a pas de
rapport avec la production des années 1960, une période
d'expérimentation tous azimuts. «J'ai commencé à faire des essais
pour savoir quelle gamme de sons je pourrais tirer de mon violon, ou
d'une contrebasse, en jouant sur le cordier ou derrière le chevalet.
Personne n'a écrit de musique aussi avancée pour les cordes.
Aujourd'hui, 35 ans plus tard, mon Thrène à la mémoire des
victimes d'Hiroshima est encore d'avant-garde, mais l'ère des
découvertes est révolue. Nous avons déjà tout découvert!»
Le Requiem reflète le nouveau pluralisme de Penderecki. On
entendra donc des mouvements véritablement tonals aussi bien que des
agrégats sonores bruyants. La partition exige un immense orchestre
avec quadruple section de bois, six cors, de fortes percussions, un
choeur mixte et quatre solistes. Penderecki a fait venir plusieurs
solistes d'Europe de l'Est qui ont déjà chanté le Requiem.
Iwan Edwards, le chef des choeurs, qui n'a jamais dirigé de
Penderecki, estime que l'oeuvre est l'une des plus difficiles que
les choristes aient eues à affronter.«Techniquement, le défi est
très grand à cause des dissonances, de la division des voix et du
rythme. Quand les choristes ont vu la partition, ils se sont
inquiétés mais ils commencent maintenant à l'apprécier. Le
Requiem est formidablement expressif et émotif, mais il est
également lyrique et accessible.» Quant au compositeur, il fait
confiance au choeur de l'OSM. «Pour exécuter le Requiem, il
faut un excellent orchestre et un très bon choeur. Je sais, de par
mes précédentes visites, qu'ils y arriveront sans problème.»
Penderecki dirigera l'Orchestre symphonique de Montréal dans
le Requiem polonais le 8 avril 1998 à 19 h 30 à la basilique
Notre-Dame (10 $, 20 $, 36 $). Billets: 842-9951. Un Festival de
musique polonaise se tiendra au consulat de Pologne (1500, av. des
Pins Ouest) du 2 au 5 avril: concerts les 3 et 4, de même que le 5
en présence de Penderecki. Billets:
487-5550. English Version... |
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