Massenet:
Manon Busser / l’Opéra-Comique
de Paris Marston
La nouvelle étiquette
Marston qui a comme vocation de repiquer des documents sonores du
début du siècle, a récemment fait paraître la version de 1923 du
Manon de Massenet. L’enregistrement met en vedette la soprano
belge Fanny Heldy et le ténor Jean Marny sous la direction de Henri
Busser.
Première constatation: l’excellente qualité de la reproduction.
Cet enregistrement acoustique est évidemment un document historique
mais le repiquage gagne en présence et chaleur de son. Secondo, le
livret est une mine d’information (et de certaines opinions
gênantes) et très bien produit mais hélas, uniquement en
anglais.
Quant à l’interprétation, cette version comporte plusieurs
coupures, certaines ‘traditionnelles’ d'autres sans doute ajoutées
pour accommoder le système d’enregistrement Hill and Dale que Pathé
utilisait en 1923. Néanmoins Busser crée une version théâtrale et
cohérente du chef-d'œuvre de Massenet. C’est une version qui reflète
surtout les qualités de l’Opéra-Comique de l’époque qui regorge d’un
sens idiomatique du phrasé et du style, une tradition qui nous
semble perdue aujourd’hui.
Cette Manon, Heldy, fut une des divas de Paris pendant
25 ans entre 1920 et 1945. Celle que Toscanini a choisie pour
incarner Louise et Mélisande à La Scala en 1926 nous révèle ici un
timbre typiquement français et brillant mais sans affectation. Une
Manon à la fois innocente et juvénile dans "Je suis encore toute
étourdie", touchante dans "Adieu notre petit table", séduisante dans
"N’est-ce plus ma main" et dramatique dans "Dieu de toute
puissance"; en somme une Manon infiniment variée et
convaincante.
Son Des Grieux, Jean Marny, n’était pas du même niveau. Armé
d’une splendide diction, il est plus à l’aise dans la déclamation
que dans le lyrisme du rôle. Trop souvent le charme et le simple
romantisme du personnage semblent lui échapper. Ce charme et cette
séduction, on les retrouve dans le Lescaut du baryton Léon Ponzio.
Ce beau et vibrant chanteur est plus convaincant que le Comte,
plutôt effacé et léger de timbre de Pierre Dupré. Les multiples
rôles secondaires sont tous fort bien tenus mais les choeurs
laissent à désirer.
Cette parution est d’une importance capitale. Son importance
réside non seulement dans l'évocation d’une tradition oubliée et
dans la qualité du repiquage mais aussi à cause de cinq sélections
‘bonus’ qui complètent le deuxième CD. Parmi les Manon
historiques incluees, nous retrouvons Georgette Bréjean-Silver et
Marguerite Carré.
Marston espère repiquer onze intégrales d’opéras enregistrés par
Pathé. Ceci est un beau point de départ et j’attends les prochaines
parutions avec impatience.
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