Donna Brown revient chez elle Par Wah Keung Chan et Philip Anson
/ 1 février 1998
English Version... Pendant
20 ans, la soprano canadienne Donna Brown a mené une carrière
internationale en Europe participant à des récitals, des oratorios
et des opéras. Elle a trouvé difficile le choix à faire entre sa
carrière à Paris et sa vie personnelle avec son copain, qui habite
sa ville natale, Ottawa. Elle est maintenant de retour au bercail
parce qu'elle croit qu'il y a aujourd'hui plus d'ouvertures pour les
chanteurs au Canada. «Il y a beaucoup plus de possibilités qu'avant
dans le domaine musical canadien. Le Canada forme continuellement de
très bons chanteurs qui font d'excellentes carrières à l'échelle
nationale et internationale. Je crois même que par rapport à 1980,
on engage plus de chanteurs canadiens.»
(photo: Colette Masson/Enguerand)
Le retour de Brown constitue un atout pour la
scène musicale canadienne. On pourra entendre plus souvent cette
voix qui a enchanté des maestros européens comme John Eliot
Gardiner, Helmuth Rilling et Kent Nagano. En juillet dernier, lors
du Festival de Lanaudière, elle nous a donné un aperçu de sa voix
claire et vibrante dans le solo de la Neuvième de Beethoven.
En mars, elle interprétera pour la première fois le rôle de Rosina
dans Le Barbier de Séville de Rossini avec
l'Opéra Lyr d'Ottawa. «J'adore jouer la comédie et chanter des rôles
de soprano colorature. L'opéra est une forme de thérapie : sur
scène, on peut faire des choses qu'on n'oserait pas faire dans la
vraie vie. »
Donna Brown a grandi à Ottawa où elle a suivi
des leçons privées de chant, de piano et de théorie musicale.
Ensuite, après avoir obtenu un diplôme de l'Université
McGill, elle est allée étudier en France et en Autriche. «Au départ,
je devais suivre un cours d'été seulement, mais c'était tellement
intéressant que j'ai choisi de rester.» Elle aime bien se remémorer
le temps où elle étudiait à Paris et où elle assistait gratuitement
à des concerts en se faufilant dans la salle pendant l'entracte.
Elle a travaillé pendant quelques années au service
cinématographique de l'ambassade canadienne à Paris. «Je ne voulais
pas faire partie d'une chorale parce que je croyais que ma voix ne
le supporterait pas.» (Donna Brown, Gilda et Jose Bose,
Duke, Verdi: Rigoletto, Opéra de Montepellier, 1995,
photo: Marc Ginot)
Bon nombre de jeunes chanteurs s'orientent
vers les compagnies d'opéra, pour y faire leur apprentissage. Pour
Donna Brown, ce sont les récitals qu'elle a donnés à l'ambassade
canadienne de Paris qui ont lancé sa carrière. «Au Canada, dans les
années 80, il était difficile de gagner sa vie de cette manière. En
Europe, par contre, on pouvait percer grâce à des récitals et des
orchestres de chambre de moindre envergure qui malheureusement
n'existent plus aujourd'hui. »
C'est dans la tournée de Peter Brook en 1982-83
que Brown a interprété son premier rôle à l'opéra; celui de Micaela
dans La tragédie de Carmen. «J'adorais être sur scène; alors,
en 1984, je me suis trouvé un agent et j'ai commencé à passer des
auditions. » Peu de temps après, elle obtenait le rôle de Papagena.
Depuis, elle a joué plusieurs fois Pamina, Sophie (dans Der
Rosenkavalier) et récemment, Gilda. Elle attribue son succès au
fait qu'elle continue sa formation (pour cela, elle fait deux
séjours à Venise, chaque année), qu'elle travaille beaucoup et
qu'elle s'adapte facilement aux directives des chefs d'orchestre. La
discographie de Brown comprend 14 titres dont plusieurs sont des
interprétations d'¦uvres peu connues. Elle a chanté avec Kent Nagano
et l'Opéra de Lyon dans Rodrigue et Chimène, l'opéra inachevé
de Debussy, qu'on a d'ailleurs mis sur disque. Sous la direction de
J. E. Gardiner, elle a enregistré Scylla et Glaucus de
Leclair, la Messe solennelle de Berlioz et les messes de
Haydn. Ces dernières ont également été chantées en tournée. Malgré
le fait que son horaire lui laisse peu de temps pour participer à
chanter dans des opéras, Brown s'en accommode bien.
Sa voix a pris de la maturité lors de son
séjour en Europe ; elle est plus riche, plus ronde. Brown a appris
les techniques respiratoires nécessaires pour mieux exploiter sa
puissance vocale. «Il faut éviter de chanter en poussant sur le
diaphragme. La meilleure façon de maximiser les résultats et
d'économiser de l'énergie est de placer sa voix.» Elle aime beaucoup
transmettre son savoir dans des classes de maîtres (elle en a donné
deux à Edmonton et Calgary), mais elle ne sent pas encore prête à
enseigner sur une base régulière.
Maintenant qu'elle est de retour à Ottawa, elle
prévoit travailler au Canada la moitié du temps. «L'Europe est
passionnante avec toutes ses grandes traditions et ses chefs
d'orchestre réputés, mais le Canada fait d'énormes progrès.» Brown
devra repartir à zéro en Amérique du Nord, car elle est connue
surtout en Europe. Rosina sera son premier rôle sur la scène de
l'opéra canadien depuis qu'elle a tenu celui de Servilia dans La
clemenza di Tito de Mozart à la Canadian Opera Company en 1991.
Brown vit présentement une période heureuse de
sa vie tant sur le plan personnel que professionnel. Elle a
plusieurs passe-temps comme le Tai Chi, le piano, la lecture, le
patin, le ski de fond, la natation et la bicyclette. «Après avoir
vécu un peu partout dans le monde, je me rends compte à quel point
le Canada est un pays fantastique. Les gens y sont plus calmes, plus
spontanés et j'aime les saisons. Dans mon for intérieur, j'ai
toujours espéré qu'un jour, je reviendrais y vivre.» (Donna Brown, Gilda et Jose Bose, Duke, Verdi: Rigoletto,
Opéra de Montepellier, 1995, photo: Marc
Ginot)
Donna Brown chantera le rôle de Rosine
(version soprano) dans Le Barbier de Séville de Rossini,
produit par l'Opera Lyra d'Ottawa, les 14, 16, 18 et 21 mars 1998 à
20h. Pour information: (613) 233-9200. Le 4 mai, à 20h, Mme Brown
interprétera deux cycles de chant du compositeur Viktor Ullmann dans
le cadre d'un concert de Radio-Canada, destiné à souligner
l'anniversaire de naissance du compositeur. Mme Brown sera
accompagnée par le pianiste Andrew Tunis. Le concert aura lieu à
l'église St-Joseph dans la ville d'Aylmer, Québec, et sera
enregistré pour une diffusion ultérieure.
English Version... |
|