Interview de Pieter Wispelwey Par Philip Anson
/ 1 décembre 1997
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Depuis plus de deux
ans, le violoncelliste hollandais Pieter Wispelwey captive son
public québécois au Festival de Lanaudière et au Ladies' Morning
Musical Club. Le style de ce musicien de 34 ans est un modèle
d'intensité et d'intégrité, dépourvu de tout effet superflu.
Wispelwey jouera en décembre avec l'Orchestre Métropolitain et le
LMMC. La semaine dernière, La Scena Musicale a communiqué
avec lui en Angleterre. Il supervisait alors la postproduction de
son enregistrement de le Concerto pour violoncelle de
Schumann (le lancement est prévu pour janvier 1998 sous l'étiquette
Channel Classics).
SM : Parlez-nous de votre nouvel album ...
PW : J'ai enregistré ce concerto de Schumann il y a trois
semaines avec l'Australian Chamber Orchestra et le Netherlands Wind
Ensemble. Un aspect intéressant de cet enregistrement est que nous
n'avions pas de chef d'orchestre. Mais je pense que l'orchestre
semble plus uni encore dans ce concerto que dans n'importe quel
autre enregistrement que j'ai pu entendre.
SM : Supervisez-vous toujours la réalisation de vos propres
albums ?
PW : J'ai supervisé mes quatre derniers albums parce qu'il n'y a
que moi qui connaisse le résultat auquel j'aspire. Je m'occupe de la
plupart des décisions touchant l'interprétation et les ingénieurs se
chargent du reste.
SM : En quoi votre album différera-t-il de celui de harmonia
mundi réalisé par Christoph Coin et Philippe Herreweghe avec des
instruments d'époque?
PW : L'ACO, dont la grandeur est environ la même que celle de
l'Orchestre des Champs-Élysées, utilise à l'occasion des instruments
d'époque. Mais pour cet enregistrement, de tels instruments auraient
été trop dispendieux. Même si nous utilisons des instruments
modernes, je crois que dans l'ensemble, notre album est plus
authentique et d'une sonorité plus transparente que celui d'harmonia
mundi. L'interprétation de Coin est très larmoyante et plutôt
démodée ; elle nous rappelle le style des années '20 et '30 et non
celui du 19e siècle. Il se complait dans les vibratos nerveux. Je
préfère un son plus pur avec peu ou pas de vibratos.
SM : Quel effet cela vous fait-il d'avoir remporté le Diapason
d'Or pour votre enregistrement des sonates de Poulenc et de Chopin
(Channel Classics 10797) ?
PW : Recevoir un prix est très gratifiant. Commercialement, la
meilleure chose est de gagner tous les prix pour un même album. Bien
sûr, ces prix sont quelque peu arbitraires : même si cet album a
remporté le Diapason d'Or, il a été critiqué dans le
Répertoire.
SM : Avec quelle violoncelle jouez-vous présentement ?
PW : En ce moment, on m'expédie un Contino violoncelle à Rome.
J'irai le chercher après mes concerts à Montréal. Tout ce que je
peux vous dire c'est qu'il appartient à une organisation qui me le
prête jusqu'à ce que je trouve un commanditaire. À Montréal, je
jouerai avec mon violoncelle anonyme français, que j'aime
beaucoup.
SM : Pourquoi dites-vous que jouer avec un orchestre équivaut
à un combat ?
PW : Souvent, les concertos sont composés de manière à ce que le
soliste ait à se débattre comme un héro tourmenté. Le public
apprécie ce genre de divertissement physique. Aujourd'hui, il y a si
peu de temps pour les répétitions que le soliste finit par se
débattre avec le chef d'orchestre. C'est un heureux hasard si
l'interprétation est réussie.
SM : Vous préférez donc les récitals ?
PW : Les exécutions en solo sont artistiquement plus
satisfaisantes, mais jouer avec un orchestre est à la fois chaotique
et exaltant. J'aime les défis, les situations où l'on doit fournir
beaucoup d'efforts afin de transmettre un message musical.
SM : Quel est votre style ?
PW : Le lyrisme est important. La sonorité doit se rapprocher de
l'expressivité de la voix. J'ai été influencé par Dietrich
Fischer-Dieskau. Il m'a enseigné l'art d'être expressif et
dramatique sans commettre d'excès. Je déteste les exécutions lourdes
qui, pour s'affirmer, ralentissent le tempo. J'apprécie le style de
Steven Isserlis. J'aime beaucoup l'honnêteté de Yo-Yo Ma, mais pas
ses interprétations !
SM : Avez-vous d'autres projets d'enregistrement ?
PW : Le mois prochain, j'enregistrerai pour la deuxième fois les
suites de Bach. Je crois qu'elles seront plus vivantes, plus libres
et plus expressives aussi, puisque je suis plus sage et moins
intimidé par le microphone. L'an prochain, j'enregistrerai les
concertos de Lutoslawski et de Dutilleux.
SM : Vous n'allez pas souvent aux États-Unis, pourquoi
?
PW : J'ai quelques
projets en perspective avec le Boston Symphony et le Chicago
Symphony. Mais je trouve les Américains plutôt étranges, ils
préfèrent les vedettes et les enfants prodiges. Je reçois un accueil
bien plus chaleureux en Australie, en Amérique du Sud et au
Canada. Pieter Wispelwey interprétera le Concerto pour
violoncelle de Schumann avec
L'Orchestre Métropolitain le 2 décembre à la Place des Arts. Les 4
et 5 décembre, il sera en tournée. Le 7 décembre, 15h30, il jouera
en duo avec Paolo Giacometti à la salle Pollack pour le Ladies'
Morning Musical Club. Au programme : Debussy, Franck, Poulenc,
Hindemith et Webern (932-6796).
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