Petit historique des enregistrements des Variations Goldberg de Bach Par Morley Davidson
/ 1 septembre 1997
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La plupart des
clavecinistes et pianistes connus comme spécialistes de Bach ont
enregistré l'aria et les variations BWV 988 de Bach, les
célèbres Variations Goldberg. Plus d'une carrière a été
lancée grâce à l'enregistrement des Variations Goldberg, puisque très peu
d'oeuvres pour piano permettent la présentation d'une palette aussi
riche de qualités interprétatives et techniques.
Historiquement l'enregistrement probablement le
plus important des Variations Goldberg a été réalisé à Paris,
en novembre 1933, par la grande Wanda Landowska, au clavecin
évidemment. Cet enregistrement (aujourd'hui disponible sur EMI, Réf.
CDH 7610082 et Pearl GEMM 9265) était une édition limitée «Society»,
puisque l'¦uvre n'était généralement connue que des étudiants en
musique. Sa parution provoqua néanmoins un énorme intérêt chez le
public. Dix ans plus tard, après avoir fui l'Europe pendant la
Deuxième Guerre mondiale, Madame Landowska interpréta les
Variations Goldberg pour son premier enregistrement aux États-Unis.
Le jeune pianiste chilien Claudio Arrau
terminait à la même époque son propre enregistrement des
Variations Goldberg pour RCA. Arrau est probablement mieux
connu aujourd'hui pour son enregistrement des Nocturnes de
Chopin et n'est pas vraiment considéré comme un interprète de Bach.
Pourtant, au début de sa carrière, Arrau s'était fait connaître
comme un des grands interprètes de Bach. Il était le premier à avoir
joué l'¦uvre complète de Bach pour clavier, au cours de 12 récitals
donnés à Berlin en 1935. Après son triomphe à Carnegie Hall, en
février 1941, qui le rendit célèbre aux États-Unis, les
Variations Goldberg furent un de ses
premiers enregistrements, qui cependant ne fut distribué qu'en 1988.
Arrau n'insista pas pour faire paraître cet enregistrement parce
qu'il semble qu'il hésitât à l'époque, à savoir si Bach devait être
joué au piano ou au clavecin. Il professait également une grande
admiration pour le jeu de Landowska. Ainsi, lorsque RCA lui demanda
s'il voulait bien permettre qu'on fasse paraître l'enregistrement de
Landowska plutôt que le sien, il accepta aimablement.
Le plus célèbre de tous les enregistrements des
Variations Goldberg, et même de tout l'¦uvre pour piano de
Bach, est sans doute celui des débuts de Glenn Gould en 1955 (Sony
SMK 52594). La virtuosité technique y est tout simplement
stupéfiante. Les admirateurs de Gould hésitent quant à savoir si son
enregistrement de 1955 est meilleur que sa reprise plus rigoureuse
de l'¦uvre, enregistrée en 1981, peu avant sa mort (Sony MK 37779).
De nombreux critiques préfèrent l'enregistrement de 1955 pour sa
seule virtuosité technique, alors que l'enregistrement de 1981 est
généralement considéré comme plus mûr et coloré. Fort heureusement
pour les admirateurs de Gould, l'enregistrement de 1981 fut filmé.
Aucun film populaire (rappelons les « 32 courts métrages à propos de
Glenn Gould ») ne pourrait jamais dépeindre l'intensité de Gould
aussi bien qu'il ne le fait lui-même ! La performance vidéo d'Andras
Schiff pour Teldec souffre par comparaison avec celle de Gould : les
angles de la caméra sont beaucoup moins révélateurs et
l'enregistrement vidéo offre peu d'avantages sur l'enregistrement
audio. Glenn Gould a enregistré les Variations Goldberg à
deux autres reprises: en direct en 1954, à Radio Canada anglais,
(récemment transféré sur CD, à partir de rubans acétate, qu'on peut
trouver sur CBC PSCD 2007), ainsi qu'à Salzbourg, en 1959. Le
premier ferait l'objet d'une bonne question-piège, puisque la
plupart des admirateurs de Gould croient que l'enregistrement de
1955 des Variations Goldberg était son premier.
L'enregistrement en direct du concert de 1959 est une rareté, selon
Gould lui-même, en ce que la performance se déroula parfaitement
devant un auditoire, ce qui n'était pas pour Gould le contexte idéal
faire de la musique.
Contrairement à l'Art de la Fugue, les
Variations Goldberg, de Bach, d'abord publiées comme Partie
IV pour Clavier-Õbung, avaient certainement été composées pour être
jouées sur un clavecin à deux claviers. Les Variations
Goldberg, peut-être encore plus que l'Art de la Fugue, ont été
transcrites pour une pléthore d'ensembles instrumentaux. En plus des
transcriptions évidentes pour instruments divers, telles pour le
piano (un ou deux claviers) et l'orgue, il existe des transcriptions
et enregistrements pour trio à corde, orchestre, deux pianos,
synthétiseur électronique et même pour accordéon. L'enregistrement
pour accordéon, de Stefan Hussong, n'est pas vraiment une
transcription, puisqu'il s'agit d'une interprétation précise de
toutes les notes, empreinte de virtuosité ! Dans un enregistrement
appelé « The Chess Game », John et Mirjana Lewis jouent chaque
variation comme d'habitude au clavecin, puis enchaînent avec une
interprétation jazz au piano. Enfin, dans le royaume de l'espace
cybernétique, plusieurs versions en MIDI (musical instrument digital
interface) peuvent être téléchargées, permettant à chacun d'éditer
et d'instrumenter la musique selon son goût personnel. Glenn Gould
aimait beaucoup les nouveautés technologiques et aurait sans doute
été amusé par la possibilité pour l'auditeur de modifier la musique
par ordinateur, dans le confort de son propre foyer.
Morley Davidson, Asst. Professor, Department
of Mathematics, Kent State University, possède une des plus grandes
collections d'enregistrements des Variations
Goldberg. English Version... |
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