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La Scena Musicale - Vol. 21, No. 3 novembre 2015

Jazz : Jeu de dames

Par Marc Chénard / 1 novembre 2015

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On connaît le cliché : femme de jazz = pianiste ou chanteuse. Et pourtant, le jazz au féminin (si cela existe) se décline à tous les instruments. Saxos, trompettes, même contrebasses ou batteries, elles jouent de tous de nos jours, et en plus grand nombre que jamais. Preuves à l’appui : les trois musiciennes suivantes, issues de la relève du jazz québécois, et qui se racontent au féminin pluriel.

Rachel Therrien

Rachel Therrien

L‘Instrument

De la région de Rimouski d’où je viens, ma famille s’est installée à Québec d’abord, puis à Pointe-Claire trois ans plus tard. Je ne voulais pas fréquenter l’école secondaire du quartier et on m’a placée dans une autre à Dorval. Je suis entrée deux semaines après le début de l’année et le premier cours auquel j’ai assisté était un cours de musique. Tous les instruments étaient déjà assignés, sauf la trompette et le trombone. Je ne savais même pas ce que c’était et ma mère a ouvert un dictionnaire illustré pour me les montrer. Comme la trompette a des « pitons », j’ai cru avoir une meilleure idée de ce qu’il fallait faire pour la jouer.

Parcours

J’avais eu très peu de contacts avec la musique avant cela, ma mère ne jouant qu’un peu de piano. Mais je me suis sentie très à l’aise avec la trompette et le professeur de musique nous traitait comme les enfants qu’il n’avait pas. On faisait même des pièces de King Crimson et de Jethro Tull. Comme je progressais, on m’a mise avec des étudiants de classes plus avancées. De là, j’ai étudié dans un programme de technique de musique populaire au cégep, mais je ne l’ai jamais complété. En fait, je voulais voir Ron di Lauro à l’Université de Montréal pour qu’il m’évalue, mais on m’a admise avant même que j’aie terminé mes études collégiales.

Influences

En tant qu’instrumentiste, je passe par des phases d’écoute, mais il n’y aucun trompettiste que je place en tête de liste. Freddie Hubbard, Clifford Brown ou Miles, je les ai écoutés, mais si j’ai besoin d’inspiration, je tends à revenir à Art Farmer, Booker Little ou Chet Baker, ce dernier surtout, parce qu’il n’a jamais besoin de défiler toute une série de notes pour te chercher. J’écoute aussi beaucoup de styles, comme les musiques du monde issues de l’Afrique, de l’Amérique latine ou de Cuba. En fait, en écoutant le disque de Steve Coleman (Sign of the Seal), je suis tombée sous le coup de l’afro-cubain, tellement même que je me suis rendue au pays pour l’étudier pendant plus d’un an.

Projets

Le fait d’avoir gagné le concours au festival de jazz en juillet dernier est la première réelle reconnaissance que je reçois depuis avoir monté mon groupe en 2009. Mais je ne pense pas sortir un troisième disque dans l’immédiat parce que j’ai un autre projet qui me tient à cœur, le Gypsy Kumbia Orchestra. Au printemps dernier, je suis allée en Colombie avec 17 musiciens d’ici et une douzaine d’autres de là-bas se sont joints à nous; on a tourné au pays pour enfin se retrouver en studio à Bogota pour une séance d’enregistrement. J’espère sortir cela au cours de l’hiver, de mon propre chef ou encore avec une étiquette de disques aux États-Unis et je suis en pourparlers en ce moment. Cet automne, je passerai un moment à New York pour absorber autant de musiques que possible.

» Sur Disque : Home Inspiration (autoproduction)
» En concert : 28 novembre (Resto-bar le Dièse Onze, 4115, rue Saint-Denis)
» www.racheltherrien.com

Lisanne Tremblay

Lisanne Tremblay

L‘instrument

Au primaire, j’ai commencé au violon dans une école qui offrait un programme de musique concentré spécialement sur les cordes. Au cégep, cependant, j’ai tâté les percussions pendant un moment, mais c’est le violon qui m’a fait découvrir la musique.

Parcours

Mes parents sont mélomanes et chantaient à l’église. Je m’initie au jazz au cégep seulement et ma passion pour l’improvisation vient de là. Je continue dans cette voie jusqu’à l’Université McGill et en sort comme première diplômée en études jazz sur cet instrument. Cette année, on m’a engagée pour enseigner le violon jazz, une autre première.

Influences

Le violon a une certaine histoire en jazz et j’ai fait quelques recherches en ce sens, mais ce sont les grands comme Parker ou Coltrane qui m’ont le plus marquée, l’album A Love Supreme étant une révélation. Plus tard, un professeur de guitare m’a fait découvrir le groupe Shakti de John McLaughlin avec le violoniste Shankar, alors je me suis mise à écouter cela de très près, même si ce n’est pas vraiment du jazz. Il n’y a pas autant de modèles pour le violon en jazz. Cela peut sembler un avantage, mais c’est aussi un défi parce que le terrain est moins défriché. À part ma découverte du jazz, que j’aurais dû faire bien avant, je me suis rendue à Cuba en 2003 pour apprendre la musique et la culture du pays. J’ai passé sept mois au conservatoire de La Havane et c’est durant mon séjour que j’ai été vraiment absorbée par le rythme, qui est devenu une préoccupation majeure chez moi. C’est là que j’ai rencontré Rafael Zaldivar qui est maintenant mon conjoint.

Projets

J’ai de la chance d’avoir pu lancer au printemps dernier mon premier disque sur une étiquette américaine, celle du saxophoniste Greg Osby (voir référence ci-dessous). Je l’ai rencontré brièvement dans un atelier, mais nous nous sommes connus quand il a participé au disque de Rafael en 2012 (Drawing, disques Effendi), dans lequel j’ai aussi joué. L’été suivant, ils ont joué de nouveau au festival de jazz et je me suis jointe à eux après l’entracte. Pour le moment, je veux me concentrer sur la musique de mon album, mais j’ai aussi beaucoup de nouveau matériel que je veux développer avec mon quartette. Cela ne m’empêche pas de contempler d’autres choses, mais c’est encore vague en ce moment, peut-être un trio inusité avec percussions. On verra.

» Sur disque : Violinization (Inner Circle INCM042CD) (Critique du disque dans notre section du mois prochain.)
» En concert : 12 décembre, 18 h. (Café Résonance, 5175, avenue du Parc)
» www.lisannetremblay.com

Annie Dominique

Annie Dominique

Instruments

Jeune, je jouais de la flûte à bec. Je passais mon temps à essayer de reproduire des airs à la radio et il n’était pas facile pour mes parents de m’endurer. Je n’avais cependant aucune ambition de me lancer en musique. À douze ans, par contre, j’avais le choix entre les arts plastiques et la musique et, comme je ratais toujours mes dessins, j’ai décidé d’essayer la flûte. L’année suivante, je me suis mise au saxo alto; au cégep, on m’a demandé de jouer du ténor pour le big band et tout de suite j’ai su que cela serait mon premier instrument. Je me suis alors procuré une clarinette, parce que j’aimais la musique dixie et j’ai commencé un groupe dans ce style. Plus récemment, j’ai ajouté une clarinette basse, sans oublier un saxo soprano. Mon instrument de prédilection demeure cependant le ténor et c’est toujours lui que je prends quand je veux aller « jammer » avec d’autres.

Parcours

Après mon secondaire, je suis allée au cégep André-Laurendeau où j’ai découvert ma passion pour le big band. Par la suite, je me suis inscrite à McGill au baccalauréat. J’ai laissé passer huit ans après la fin de mes études de premier cycle avant d’entreprendre une maîtrise au même endroit. En 2014, j’ai bouclé mes études par un concert et un enregistrement que je viens de sortir au printemps dernier. (Voir ci-dessous). En ce moment, je donne des cours particuliers aux étudiants d’une école secondaire sur la Rive-Sud, mais je continue toujours de pratiquer le métier de musicienne toute l’année. Je fais beaucoup de piges et du travail de substitut, comme l’été dernier dans le concert de l’ONJ – Montréal au Festival de Lanaudière.

Influences

Parmi les classiques, j’ai beaucoup écouté Coltrane et Stan Getz – pour ce dernier, ses rencontres avec Bill Evans ou Chick Corea sont fabuleuses. Chez les modernes, je suis David Binney et Donny McCaslin de près; ils sont venus dans notre école une fois avec leur groupe new-yorkais Lan Xang. Récemment, j’ai vu le pianiste Baptiste Trotignon avec le saxo Mark Turner et ce dernier est également très intéressant. Généralement parlant, je préfère les saxos qui jouent de manière plus aérée, avec plus d’espace, à ceux qui jouent de longues phrases. Mais je ne fais pas qu’écouter des saxos, j’apprécie beaucoup le trompettiste Dave Douglas, en plus de m’intéresser à d’autres musiques que le jazz, dans la pop et le classique aussi.

Projets

Depuis la rentrée, j’ai joué à trois reprises avec mon groupe, comme au OFF Festival le mois dernier, mais je commence à regarder maintenant vers la saison estivale. Je suis le genre de personne qui doit toujours se fixer des objectifs, cela me motive constamment. Par exemple : j’aime bien écrire de la nouvelle musique si une occasion se présente de pouvoir jouer avec mon propre groupe.

» Sur disque : Annie Dominique Quintet – Tout Autour (MCM 017 2015) (Critique du disque dans notre section du mois prochain.)
» En concert : 30 novembre (Café Résonance, 5175, avenue du Parc)
» www.anniedominique.com


À lire sur le blogue : Reportage de l’Off Festival par Annie Landreville


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