Zémire et Azor, un opéra-comique de Grétry Par François Filiatrault
/ 1 avril 2015
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Zémire et Azor compte parmi les tout premiers et les meilleurs des quelque vingt-cinq opéras-comiques qui allaient en son temps assurer la renommée d’André Ernest Modeste Grétry. Présentée pour la première fois à Fontainebleau le 9 novembre 1771 et dédiée à Madame du Barry, l’œuvre connaîtra une immense popularité et sera représentée dans toute l’Europe pendant près de deux décennies.
Grétry naît à Liège en février 1741. Il s’établit à Paris en 1767, après cinq ans d’un séjour d’apprentissage en Italie, où il s’est familiarisé avec le style pétillant de l’opéra bouffe. Sa première œuvre lyrique ne remporte aucun succès, mais sa collaboration avec Jean-François Marmontel, qui durera jusqu’en 1777, établit sa réputation : leur premier ouvrage, Le Huron, donné en 1768, recueille tous les suffrages. Bien qu’il se consacre presque exclusivement à la scène, Grétry est bientôt maître de musique de la nouvelle reine Marie-Antoinette, qui favorisera sa carrière. Celle-ci aime l’opéra-comique, qui consiste en une alternance de dialogues parlés – ils remplacent les récitatifs – , et de morceaux musicaux, airs, ariettes et ensembles vocaux. Après la Révolution, et malgré les honneurs qu’on lui décerne, Grétry délaisse la composition et rédige ses mémoires. Il s’éteindra en décembre 1813 à Montmorency, dans l’Ermitage de Jean-Jacques Rousseau, qu’il avait acheté.
Pour le livret de Zémire et Azor, qualifié de « comédie-ballet mêlée de chants et de danses », sans doute en hommage à Molière, Marmontel reprend le conte La Belle et la Bête de Madame Leprince de Beaumont et le situe dans cet Orient exotique qui plaisait tant à l’époque. L’intrigue joue sur des registres variés : l’héroïque, le badin et la langueur amoureuse côtoient le comique, incarné par le personnage d’Ali, le serviteur. En voici le synopsis : pour remercier Azor, un être à l’aspect monstrueux, de l’avoir sauvé, Sander doit lui envoyer une de ses trois filles. Zémire accepte de se sacrifier et rejoint Azor. Celui-ci réussit bientôt par sa bonté, et malgré son apparence, à gagner le cœur de la belle. Au moment où sa famille manque à Zémire, Azor la fait apparaître dans un tableau magique et permet à la belle de rejoindre les siens avec la promesse de revenir. Contre l’avis de son père, Zémire retourne chez Azor et la constance de la jeune fille brise l’enchantement : Azor reprend sa forme première de jeune et beau prince…
Sur le plan vocal, la déclamation rend les sentiments avec beaucoup de vérité et l’œuvre regorge de belles mélodies qui ne manquent pas de charme. Les formules italianisantes sont employées particulièrement dans les ariettes, qui ne sont pas de « petits airs », comme le diminutif pourrait le laisser supposer, mais bien de grands airs souvent à da capo et avec vocalises, roulades et triolets – « La fauvette » en est un bon exemple. On leur confie des scènes champêtres ou galantes, un peu en marge de l’intrigue. Après une belle Ouverture, dont le troisième mouvement annonce le drame, les instruments installent les diverses atmosphères, participent aux émotions des personnages et se voient réserver quelques danses – chorégraphiées à l’époque par Gaëtan Vestris. Si nous n’avons pas ici la pâte symphonique de Haydn ou de Mozart, plus familière à nos oreilles, l’orchestration, transparente et soignée, ne manque ni de couleurs ni de poésie.
Nicolas Méhul, son meilleur disciple, dira de Grétry : « Il faisait de l’esprit et non de la musique! »
Zémire et Azor par André Grétry. Les Violions du Roy, Mathieu Lussier (Chef d'orchestre), Denys Arcand (metteur en scène). Les 23 (Montréal) et 27 mai (Québec). www.violonsduroy.com. Denys Arcand parlera de l'opéra au cours d'une conférence bénéfice pour La Scena Musicale le 3 mai. www.lascena.ca. English Version... | |