Mon cœur s’ouvre à ta voix Par Wah Keung Chan
/ 1 décembre 2014
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Dès qu’on entend l’air « Mon cœur s’ouvre à ta voix », on ne peut s’empêcher d’être captivé par ce joyau de Saint-Saëns. C’est pourquoi il se classait au quatrième rang dans le sondage des plus grandes chansons d’amour de La Scena Musicale (février 2001), et qu’il est un éternel favori dans la campagne annuelle de collecte de fonds de Valentins Chantés de La Scena.
L’air, qui suit la structure ABAB traditionnelle, commence par des accords ascendants-descendants répétés dans les cordes, évoquant une douce brise, et marqués andantino cantabile (la noire = 66). Selon Ralph Locke dans The Journal of Musicology (2007), le style de l’aria implique « des techniques habituelles de l’époque romantique pour exprimer la beauté, la passion et la séduction, y compris des sauts d’octaves extatiques, des phrases mélodiques assymétriques, une harmonie riche et une écriture liquide pour les vents ». La partie B est annoncée par un ralentissement sur une note tenue, avec l’indication un peu plus lent sur la phrase « Ah ! Réponds à ma tendresse », suggérant l’exotisme avec sa descente chromatique, que Locke décrit comme une « glissade serpentine ».
« L’air est écrit dans le registre le plus facile du mezzo normal, les graves sonnent rond dans la bouche… La tessiture s’étend jusqu’au sol bémol, où toutes les résonances de la bouche, du visage, du palais et de la tête peuvent se rencontrer glorieusement », écrit Martial Singher dans son Guide d’interprétation des airs d’opéras.
En fait, la chanson est l’air de Dalila au 2e acte de l’opéra Samson et Dalila, de Camille Saint-Saëns composé en 1877; le troisième grand air pour le premier rôle féminin, après « Printemps qui commence » et « Amour, viens aider ma faiblesse ». C’était en fait la première musique de Saint-Saëns composée pour cet opéra.
Dans le contexte de l’opéra, Samson, déchiré entre son combat pour libérer les Hébreux des Philistins et son amour pour Dalila, vient de lui avouer ses sentiments après qu’elle lui ait chanté « Je t’aime ». Dalila, qui prépare une vengeance pour son peuple, les Philistins, utilise toutes ses ruses féminines dans « Mon cœur s’ouvre à ta voix » pour qu’il s’abandonne à elle et lui révêle la source de son pouvoir.
À la fin de chaque couplet, l’aria devient un duo avec Samson qui chante « Dalila, je t’aime » jusqu’au si bémol aigu. En solo, la mezzo chante normalement cette phrase musicale avec les mots « Samson, je t’aime » jusqu’au même si bémol.
Marie-Nicole Lemieux en Dalila
« Mon cœur s’ouvre à ta voix » est au centre du répertoire de Marie-Nicole Lemieux comme pièce de concours depuis ses années d’étudiante. « C’est un moment magique, musicalement », dit-elle. Quand elle le chantera dans sa première production à l’Opéra de Montréal, « ce sera la première fois que je le chante avec un ténor », dit-elle. Il est rare pour un rôle d’avoir trois grands airs dans un opéra, et Lemieux a hâte de chanter ces trois grands airs. Toutefois, pour elle, le défi est d’aborder le rôle dans son ensemble. « Dalila est sur le côté sombre de la lune. Quand j’entre en scène, j’essaie de lui trouver un côté humain parce que personne n’est complètement noir ou blanc. Au début, malgré les objections de son peuple, elle aime véritablement Samson. Mais il la laisse à trois reprises pour lutter contre son peuple, ce qui la blesse, et elle se bat pour faire amende honorable. Elle n’est pas mauvaise. »
Il y a quatorze ans, Lemieux a dit à La Scena que Dalila était un de ses trois rôles de rêve. En 2014, elle aura ajouté trois rôles à son répertoire : le rôle-titre dans Tancredi de Rossini, Azucena dans Il Trovatore de Verdi, et maintenant Dalila. Elle sent que Dalila lui va comme un gant : « la tessiture est vraiment parfaite, très grave, idéale pour un contralto ». Donc le défi dans Dalila est de chanter le texte français avec le bon legato et la bonne couleur. « Je dois faire attention à la qualité de la voix pour trouver le moyen de chanter les mots clairement et d’exprimer la bonne émotion », nous dit-elle.
Dalila :
Mon cœur s’ouvre à ta voix,
comme s’ouvrent les fleurs
aux baisers de l’aurore !
Mais, ô mon bienaimé,
pour mieux sécher mes pleurs,
que ta voix parle encore !
Dis-moi qu’à Dalila
tu reviens pour jamais.
Redis à ma tendresse
les serments d’autrefois,
ces serments que j’aimais !
Ah ! réponds à ma tendresse !
Verse-moi, verse-moi l’ivresse !
Samson :
Dalila ! Dalila ! Je t’aime !
Dalila :
Ainsi qu’on voit des blés
les épis onduler
sous la brise légère,
ainsi frémit mon cœur,
prêt à se consoler,
à ta voix qui m’est chère !
La flèche est moins rapide
à porter le trépas
que ne l’est ton amante
à voler dans tes bras !
Ah ! réponds à ma tendresse !
Verse-moi, verse-moi l’ivresse !
Samson :
Par mes baisers je veux sécher tes larmes
et de ton coeur éloigner les alarmes.
Dalila ! Dalila ! Je t’aime !
version concert solo, Dalila :
Dalila ! Dalila ! Je t’aime !
Traduction : Eric Légault English Version... | |