Kissin in Quebec Par Martin Kamela
/ 1 juin 1997
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Le 4 mai dernier, le pianiste
Evgeni Kissin était invité à l’occasion de l’avant-dernier récital
de la saison 1997-1998 du Club Musical de Québec. Le concert, tenu à
guichets fermés, a eu lieu à la Salle Louis-Fréchette du Grand
théâtre de Québec, près de l’Assemblée Nationale. Cette salle
polyvalente peut accueillir 1878 personnes. Elle est légèrement plus
grande que le Théâtre Maisonneuve de Montréal, avec une acoustique
similaire, assez sèche, mais sans absorption importante. La plupart
des sièges sont situés au parterre, dont l’acoustique est excellente
jusqu’aux derniers sièges, ce qui favorise une excellente
communication entre l’artiste et l’auditoire, essentielle au succès
du piano, de la voix ou des récitals de musique de chambre.
Madame Louise Forand-Samson,
administratrice du Club musical de Québec (également directrice
adjointe du festival de Lanaudière) a présenté Monsieur Kissin avec
humour en déclarant qu’il était un jeune homme énergique adorant
donner des rappels. Au signal d’entrée, M. Kissin se présente sur la
scène, s’incline sans laisser l’auditoire des yeux et prend place au
piano Steinway. Il ouvre le récital avec les Rondos des opus 51 no 2
et 129 de Beethoven. Le rondo de l’opus 129 est bien connu sous le
nom de «Die Wut über den verlorenen Groschen» («Colère pour un sou
perdu ») et Kissin le joue avec grande maestria. Dans la difficile
sonate en do mineur D. 958 de Schubert, rarement jouée, le pianiste
tente de faire ressortir l’intense expressivité de la musique par
des contrastes dynamiques abrupts et un doigté brillant. Schubert
équilibre les passages intenses en insérant des sections douces et
mélancoliques, mais Kissin n’a pas réussi à vraiment marquer les
transitions.
L’intermission est suivie des
quatre Ballades de Chopin. Kissin y exhibe un toucher discret et une
admirable intelligence des traits mélodiques des douze premières
mesures de chacune des quatre pièces. Cependant, comme dans la
sonate de Schubert, la virtuosité dépasse parfois la poésie.
Certaines parties des Ballades no 1 et 3 ont été jouées trop vite et
trop fort pour rendre justice à la couleur et la profonde
expressivité de la musique. La Ballade no 2 de Chopin, avec ses
contrastes dynamiques soudains et ses passages ultra rapides, était
plus propice au style impétueux de Kissin. Il semblait plus calme en
abordant la Ballade no 4, la plus complexe des quatre. Son jeu s’y
est révélé intense, plus équilibré et discipliné. La dernière
Ballade l’a montré au sommet de son art et l’auditoire (attentif et
respectueux tout au long du programme) lui a réservé une ovation
debout.
Le plus remarquable des cinq
rappels donnés par Kissin a été l’arrangement d’Anton Rubinstein de
la Marche turque de Beethoven, qu’il a joué avec la scrupuleuse et
furibonde précision d’un Horowitz. La transcription de Godowski d’un
Moment musical de Schubert a prouvé que Kissin peut magnifiquement
jouer une pièce qui ne contient pas un seul fortissimo. Le «Warum?»
de Schumann, de la Fantasiestücke opus 12, a été rendu d’une façon
extraordinaire.
Depuis la dernière fois que
j’ai entendu Kissin (octobre 1991, au défunt et regretté concert
Esso de l’orchestre symphonique de Montréal), il n’a pas corrigé les
irrégularités de programme et de jeu que j’avais alors notées.
Technicien émérite mais interprète imprévisible, Kissin dispose
d’immenses ressources de puissance et d’esprit, qu’il n’a pas encore
traduites pour ses nombreux admirateurs en pleine maturité au
clavier.
La saison 1997-1998 du Club
Musical de Québec présente sept concerts. Mentionnons la présence du
quatuor à corde Emerson avec le clarinettiste David Shifrin, le 4
décembre. Le baryton-basse gallois Bryn Terfel donne un récital le
20 novembre. La chorale a cappella d’Angleterre, les Tallis
Scholars, viendront le 15 avril 1998. Les pianistes Garrick Ohlspon
et Bruno Leonardo Gerber joueront respectivement le 2 février et le
3 mars 1998. La saison prendra fin le 3 mai avec le jeune violoniste
russe Maxim Vengerov. Tous les concerts commencent à 20 heures et
ont lieu à la Salle Louis-Fréchette du Grand Théâtre de Québec. Les
prix des billets varient de 25 $ à 50 $. Pas d’escompte pour
étudiants ou abonnement immédiat. Tél.: (418) 643 8111. http://www.grandtheatre.qc.ca .
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