Développer le mécénat dans le financement des arts au Québec Par Philip Ehrensaft
/ 1 avril 2014
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Le travail remarquable effectué au Québec par le Groupe de travail sur la Philanthropie culturelle (GTPC), dirigé par le mécène Pierre Bourgie, a donné lieu, très rapidement, à des actions concrètes du gouvernement du Québec pour mettre en œuvre ses principales recommandations. Le Québec est ainsi devenu la meilleure référence au Canada en matière de développement des ressources dans le secteur des arts par la mise sur pied d’un modèle hybride combinant le mécénat privé et le financement public.
Contrairement aux idées reçues, le pourcentage des contribuables québécois qui font des dons de charité est légèrement supérieur à la moyenne nationale canadienne : 85 pour cent contre 84 pour cent, selon les statistiques de 2010. Cependant, le montant moyen des dons est de 208 $ au Québec tandis que la moyenne au Canada est de 446 $. Cette nette différence est probablement due à deux facteurs : les revenus sont moins élevés au Québec que la moyenne nationale, et les taux d’imposition sont plus élevés au Québec que dans les autres provinces; qui dit revenu disponible plus faible dit aussi dons moins élevés.
Les organisations artistiques au Québec sont le parent pauvre du monde des dons de charité : seulement 3 % de tous les dons philanthropiques de la province vont au domaine des arts, loin derrière la santé, l’éducation et la religion. Les données les plus complètes sur les dons philanthropiques indiquent qu’en 2010, les Québécois n’ont versé que 45 millions de dollars aux organismes de bienfaisance œuvrant dans le domaine artistique. La question à laquelle il nous faut trouver une réponse est double : comment, à la fois, amener les Québécois à donner plus au monde des arts et comment permettre aux organismes artistiques au Québec de recueillir davantage de fonds ?
Dans le but de hausser les contributions dans le domaine des arts, le gouvernement du Québec a créé, en janvier 2013, le GTPC, qui regroupe plusieurs grosses pointures du monde des affaires, augmentant ainsi les chances de voir les propositions du GTPC se transformer en mesures concrètes.
Après plusieurs mois de travail intensif, le GTPC a déposé, le 11 juin 2013, un document intitulé Vivement, pour une culture philanthropique au Québec, une analyse en profondeur du financement des arts.
Très rapidement, le ministère des Finances a émis discrètement un bulletin technique qui mettait en œuvre officiellement les recommandations du GTPC concernant les déductions d’impôt pour les dons aux organismes artistiques, en vue d’augmenter les dons dans le domaine des arts de 50 % pour un montant total de 68 millions de dollars. Dans cette perspective, en date du 3 juillet 2013, le gouvernement a annoncé la création de quatre nouvelles règles sur les déductions d’impôt liées aux dons de charités dans le domaine des arts : (1) un crédit d’impôt additionnel de 25 pour cent pour toute première contribution importante au domaine des arts; (2) le taux de crédit d’impôt est augmenté à 30 pour cent pour toute contribution personnelle à un organisme culturel; (3) des incitatifs pour le don d’œuvres d’art qui seront installées dans des lieux accessibles au public ou dans des institutions d’enseignement; (4) une augmentation des crédits d’impôt pour le don d’immeubles qui accueilleront des ateliers d’artistes ou des organismes culturels.
Depuis sa création en 2006, le programme Mécénat Placements Culture (MPC) s’est avéré une mesure incitative efficace permettant aux groupes artistiques de créer des fonds de dotation à long terme. On partait alors du principe que les fonds de dotation, avec leurs revenus annuels, assureraient la survie à long terme des groupes artistiques et une possible baisse de leur dépendance aux subventions gouvernementales. Pour chaque dollar donné, le MPC a versé de un à trois dollars, selon la taille de l’organisation, mesurée à l’aune de ses revenus annuels.
Cependant, l’immobilisation pendant 10 ans des fonds de financement a joué un rôle dissuasif auprès de plusieurs petites organisations, et pour pallier cet effet, en 2009, le programme a permis d’utiliser la portion allouée pour le fonds de réserve de deux ans comme garantie d’une marge de crédit à la banque. Ce n’était pas la solution parfaite, mais cela constituait une nette amélioration du programme !
Le GTPC a recommandé d’autres changements au programme MPC, qui ont d’ailleurs été annoncés, le 1er octobre 2013, avec plus d’éclat encore que les nouvelles règles en matière de déductions fiscales. Selon Frédéric Doyon, du Devoir, les augmentations modestes et graduelles du fonds du MPC vont simplement permettre au fonds de 2015 d’égaler le montant de 10 millions de dollars atteint en 2010, et sans indexation au coût de la vie.
D’autres changements apportés au MPC ont permis de réduire la bureaucratie et ont apporté deux éléments qui ont permis de financer plus d’organismes : (1) les organismes peuvent maintenant procéder à leur levée de fonds avant de déposer leur candidature au programme, ce qui réduit le temps d’attente et les procédures administratives; (2) création d’un nouveau programme moins lucratif mais qui permet un financement immédiat et (3) création d’un nouveau programme pour aider les groupes à se produire hors Québec, un soutien à l’exportation artistique.
Les organismes artistiques doivent démontrer qu’ils répondent aux deux critères suivants pour être admissibles au programme : (1) être un organisme de bienfaisance légalement enregistré; la procédure pour obtenir un numéro d’enregistrement d’organisme de bienfaisance a été, semble-t-il, simplifiée; (2) être admissible à un financement par un des partenaires du programme MPC : Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ), le ministère de la Culture et des Communications (MCC) ou encore la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC). La taille de l’organisme et de ses projets va déterminer le degré multiplicateur de la contribution du MPC.
C’est le moment de sortir et de collecter des fonds le plus vite possible et de présenter des états financiers dûment remplis et préparés par des professionnels. En effet, les fonds seront accordés sur la base du premier arrivé, premier servi. Si le budget du MPC alloué par le gouvernement pour l’exercice en cours est déjà épuisé au moment où vous soumettez le bilan de votre organisme, vous serez alors mis sur la liste d’attente de la prochaine année fiscale.
Il n’y a pas de période d’attente ni de comité pour évaluer les soumissions et décider de l’attribution ou non de fonds à tel ou tel organisme.
Au-delà du financement accru des arts par de nouvelles règles en matière de déductions fiscales et par une nette réduction de la bureaucratie, le rôle accru du mécénat dans le monde des arts va augmenter le nombre de citoyens se voyant comme parties prenantes du secteur des arts.
C’est l’impact le plus important de cette nouvelle et très intelligente politique de financement des arts.
Traduction par Brigitte Objois
www.calq.gouv.qc.ca/mpc/accueil.htm
Contact au MPC : Gilles Pettigrew
Vous pouvez regarder un webinaire d’une heure consacré au sujet et animé par Gilles Pettigrew, disponible à l’adresse internet du MPC. English Version... |