La mélodie du succès : Pianos Bolduc Par Wah Keung Chan
/ 1 avril 2014
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Le piano acoustique n’est pas un bon vendeur en ce moment, et l’offre semble largement dépasser la demande. Sur Kijiji et Craigslist, on trouve de vieux pianos droits à donner : il suffit de payer les frais de livraison (environ 150 $). Ceux qui ne trouvent pas preneur se retrouvent à la décharge. En ce qui concerne le piano neuf, le marché est inondé de modèles asiatiques bon marché. L’année dernière, deux vénérables facteurs de pianos européens ont mis la clé dans la porte. Dans un tel contexte, il est intéressant de noter qu’à Montréal, le magasin Pianos Bolduc, ouvert depuis cinq ans, est en plein essor.
Selon André Bolduc, président de Pianos Bolduc, il a été guidé à la fois par la chance et par son instinct quand il a décidé d’ouvrir un magasin de détail à Montréal en 2008, au beau milieu de la crise économique. Ce fabricant de pièces de piano situé dans la Beauce, à trois heures route de Montréal, a vu ses affaires décliner avec la hausse du dollar canadien (de 0,70 $ à 1,05 $ US en quatre ans) qui a décimé les exportations canadiennes. C’est ainsi qu’un beau jour, M. Bolduc a déclaré à sa femme Michelle Lord, qui est aussi la directrice générale de l’entreprise : « On va ouvrir un magasin à Montréal ». L’occasion s’est présentée quand Baldwin, le plus gros client de Bolduc pour les pièces de piano, a mentionné son intention de s’installer à Montréal. « Avec un huard fort, cela coûtait moins cher pour moi d’acheter les pianos finis et de les revendre que de vendre mes pièces », souligne Bolduc.
Six mois plus tard, il inaugurait son magasin du boulevard Saint-Laurent, face au parc Jarry, et il fait la conquête d’une clientèle fidèle grâce à son attention au service à la clientèle et à la réparation. « Malheureusement, Baldwin a fait faillite juste après l’ouverture du magasin, et nous avons dû trouver très vite d’autres marques de piano. Nous avons toutefois continué à confier les réparations à notre équipe en Beauce. »
Trois ans plus tard, la bonne réputation de Bolduc dans la préparation et l’accord des pianos lui a donné une autre chance : Steinway & Sons. Ce prestigieux fabricant de pianos avait traversé sa propre crise en 2008, l’obligeant à se restructurer et à remanier son réseau de détaillants locaux. Les affaires ne s’en portent que mieux chez Pianos Bolduc. Comme il le dit, « 97 % des salles de concert ont un Steinway ».
Ayant grandi dans une famille où son père, un homme d’affaires, faisait le commerce du bois, André s’est tourné vers l’industrie du meuble avec une spécialisation dans les placages et vernis. À 23 ans, après son mariage, il découvre le piano, car Michelle était pianiste. « J’ai acheté notre premier piano, un Ivers & Pond, et j’ai beaucoup aimé le restaurer », raconte André, qui se plonge alors dans sa nouvelle passion en prenant des cours par correspondance pendant une année à la Aubrey Willis School of Piano Tuning and Repairing, puis une formation de cinq ans dans les techniques d’accord. Bolduc a ensuite étudié aux États-Unis pour se perfectionner à titre d’accordeur, tout en donnant des cours sur la réparation de meubles et l’utilisation des vernis, après quoi il a fait des stages en Allemagne sur la construction et la réparation de pianos.
De retour en Beauce, Bolduc a commencé à fabriquer des pièces de pianos d’abord dans son sous-sol, puis dans un véritable atelier où il a pu engager une équipe complète. Son meilleur vendeur est le sommier en érable à sucre du Québec. Il produit également des chevalets et des tables d’harmonie. Avant le magasin de Montréal, la fabrication de pièces représentait 80 % du chiffre d’affaires, mais ce pourcentage est tombé à 20 %, la vente de Steinway comptant pour le reste. Cela n’est pas étonnant, si l’on pense que le prix d’un Steinway commence à 54 000 $ et peut atteindre 210 000 $ pour un grand piano de concert de 9 pieds. Les acheteurs sont généralement des musiciens qui veulent posséder un Steinway pour leur résidence, ou des professionnels tels que des avocats, des médecins et des hommes d’affaires qui ont étudié la musique dans leur jeunesse. « Nous avons augmenté les ventes de Steinway de 25 % par rapport à la première année », souligne fièrement Bolduc, qui a récemment scindé l’entreprise. Ses enfants s’occupent de l’atelier en Beauce, alors que lui et Michelle exploitent le magasin de détail de Montréal.
Cet arrangement lui a permis de renouer avec la passion qu’il nourrit depuis quatre décennies : accorder des pianos. Son magasin est maintenant responsable d’entretenir et d’accorder de nombreux Steinway dans les salles de concerts majeures à Montréal.
Nous avons demandé à Bolduc de répondre à la traditionnelle question : quelle différence entre Hambourg et New York ? Voici sa réponse : « Les méthodes et procédures de fabrication sont sensiblement les mêmes. Plusieurs pièces, dont la plaque de fonte, sont fabriquées aux États-Unis, et ce pour les deux usines. La différence se situe au niveau du mécanisme. L’une est fabriquée en Allemagne et l’autre à l’usine de New York. La sonorité diffère surtout à cause de la nature des marteaux. Le marteau américain est moins dense, ce qui lui donne une sonorité plus ronde, plus ample et très puissante. Les marteaux allemands étant plus denses, ils offrent une sonorité plus brillante. Le piano de Hambourg est peut-être mieux adapté à la musique de chambre. Le toucher de New York est plus léger, moins résistant. En Amérique et en Allemagne, la ceinture est faite en érable. »
Qu’est-ce qui fait l’excellence d’un Steinway ? « La double ceinture explique en partie sa résistance », explique Bolduc en montrant l’épaisseur de la face intérieure d’un modèle dans son magasin. À l’avenir, il espère que sa relation avec Steinway permettra à sa fabrique de pièces de fournir la marque Essex, la ligne d’entrée de gamme de Steinway.
www.pianosbolduc.com
Traduction : Anne Stevens English Version... | |