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La Scena Musicale - Vol. 19, No. 6

Les 25 ans du NEM : Résister !

Par Réjean Beaucage / 1 avril 2014

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Le NEM sur le pont de la Concorde en 1989
Le NEM sur le pont de la Concorde en 1989

À la veille de son 25e anniversaire, le Nouvel Ensemble Moderne (NEM) n’est plus le « petit nouveau » qu’il était en 1989, mais ses programmes nous promettent toujours de nombreuses découvertes.

On ne surfait encore pas sur Internet en 1989, c’est dire comme le temps a passé ! Lorraine Vaillancourt dirigeait déjà l’Atelier de musique contemporaine de l’Université de Montréal depuis 1974 et elle sortait tout juste de l’expérience des Événements du Neuf (1978-1989) lorsqu’elle se lança dans l’aventure de la direction artistique et musicale du Nouvel Ensemble Moderne avec une bande de jeunes musiciens et musiciennes avides, comme elle, de faire entendre le meilleur de ce que les compositeurs contemporains de partout avaient à proposer. Lorsque je lui demande quel souvenir remonte d’abord à la surface en contemplant les 25 dernières années, la réponse ne se fait pas attendre : « La première photo… Quand on s’est retrouvés sur le pont de la Concorde pour notre première photo officielle. L’excitation qu’il y avait dans l’air à ce moment-là, ou lors de notre première répétition, début janvier 1989, pour le Concerto de chambre (Kammerkonzert) de Ligeti. C’était un grand bonheur, parce que j’étais entourée de gens qui avaient la volonté d’aller quelque part avec ce projet. J’avais conscience de vivre quelque chose comme une utopie parce que le temps que nous voulions prendre pour les répétitions, ça a quand même des conséquences financières… Alors on visait le premier concert sans trop penser à ce qui arriverait après. »

Le NEM a connu un très bon départ avec un premier concert, le 3 mai 1989, donné à la salle Claude-Champagne devant 500 personnes. Lorraine Vaillancourt se souvient : « On a commencé en forçant un peu la note, sans aide financière. J’imaginais que ça allait probablement continuer, mais je n’avais conçu que deux programmes… Une personne qui nous conseillait pour la levée de fonds nous a cependant convaincu qu’il ne fallait pas faire deux concerts, mais un seul, alors on a tout mis dans cet unique concert ! Sauf la pièce de George Benjamin At first Light, mais nous l’avons jouée en rappel… Elle fait quand même une vingtaine de minutes ! » Les autres œuvres au programme étaient d’Ada Gentile, Mauricio Kagel, György Ligeti, Steve Reich et Kaija Saariaho. « Je n’étais pas trop mal à l’aise avec l’absence de musique canadienne, explique Lorraine Vaillancourt, parce que d’abord, j’en avais déjà fait beaucoup, et puis parce que je voulais former un ensemble d’interprètes, ce qui change un peu la donne. Dans ce cas, le produit canadien, c’est le NEM. Cela dit, nous en avons quand même commandé et créé beaucoup par la suite. »

400 concerts plus tard

En 1989, le concert de fondation d’un ensemble de musique contemporaine était couvert dans pratiquement tous les quotidiens de la ville de Montréal, en français et en anglais. Aujourd’hui, qu’en serait-il ? « Médiatiquement, l’information sur les musiques nouvelles n’a guère gagné d’espace au cours des 25 dernières années, constate Lorraine Vaillancourt, au contraire… Ça ne concerne pas que la musique d’ailleurs… C’est un cercle vicieux : il faut que ça intéresse beaucoup de monde pour que l’on en parle… et si ça n’intéresse pas beaucoup de monde, on n’en parle pas. »

Il y a néanmoins, encore et toujours, une relève, comme le prouvent bien les Rencontres de musique nouvelle du Domaine Forget (où le NEM tient sa résidence d’été) ou le Forum des jeunes compositeurs (organisé régulièrement par l’ensemble depuis 1991). « En effet, nous organisons des concerts avec de jeunes interprètes et, oui, ils existent, et ils veulent entendre cette musique. Tout n’est pas négatif. Certains critiques refusent obstinément de sortir de leur zone de confort et disent que cette musique n’intéresse personne, mais c’est faux bien sûr. Nous sommes régulièrement présentés comme des spécialistes avec tout ce que ce terme peut avoir de péjoratif, qui supposerait qu’il faut être un spécialiste pour venir nous entendre… Tout ce discours va complètement à l’encontre de notre action. Mais nous résistons ! »

Et après 25 ans avec le NEM et des concerts dans une quinzaine de pays, Lorraine Vaillancourt, êtes-vous là où vous vouliez être ? « Chaque fois que nous jouons, j’en ai le sentiment. Le NEM est vraiment un ensemble extraordinaire ! Il a certainement encore sa pertinence et les choses vont continuer à se développer chez nous, avec une tournée dans l’île comme nous le faisons au printemps, mais aussi avec des concerts à l’extérieur de Montréal. »

Alors, on trinque aux 25 prochaines ? « C’est certain que je pense à ce qui arrivera après moi à plus ou moins court terme, commente la fondatrice. Je veux continuer à diriger, c’est certain, mais pas forcément à assumer toute la direction artistique. Je suis aussi professeure à l’Université de Montréal, où le NEM est en résidence, mais je ne le serai pas encore pendant des décennies, alors il faut que ces choses se préparent. Il faut passer le flambeau, bien sûr, mais je voudrais aussi que l’ensemble préserve son esprit particulier. » À suivre !

GRAND CONCERT – 25e ANNIVERSAIRE
9 mai, 19 h 30, Maison symphonique
Nathalie Paulin (soprano), John Fanning (baryton), Guy Nadon (narrateur)
Claude Vivier : Bouchara
Walter Boudreau : Solaris (création)
Alban Berg : 6 extraits de Wozzeck (version pour 21 musiciens de John Rea)

À LA RENCONTRE DU NEM
Discussion avec le compositeur Walter Boudreau à propos de la création de sa pièce Solaris lors du Grand concert du NEM. Chapelle historique du Bon-Pasteur, 3 mai, 14 h. Entrée Libre.

www.lenem.ca


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