Francis Poulenc : l’homme des mélodies

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Le compositeur français Francis Poulenc (1899 - 1963) s’est éteint il y a 50 ans. L’occasion est belle pour revenir sur ses 170 mélodies, comme nous le propose un nouveau coffret Poulenc de cinq disques d’ATMA Classique.

Le compositeur des Dialogues des Carmélites est le dernier des grands mélodistes, affirme le pianiste Oliver Godin, directeur artistique du projet du coffret. Dans son style et langage musical, on ne retrouve aucun système. Francis Poulenc ne s’est jamais laissé « encarcaner » en choisissant tantôt la mélancolie, tantôt l’humour ou la parodie, tout en embrassant la tonalité. Lorsqu’il s’agit d’identifier les compositeurs qui ont pu influencer Francis Poulenc, le professeur du Conservatoire de musique de Montréal évoque spontanément les noms de Mozart et Bellini. Dans ses notes rédigées pour le coffret, le baryton François Le Roux cite quant à lui Monteverdi et Debussy. Il écrit aussi que Mozart fut son « grand maître », puisque la musique de Poulenc est « un mélange unique de mélancolie et de joie de vivre, de gravité et de cocasserie, bref d’humanité ». Olivier Godin dit de Poulenc qu’il partage d’ailleurs avec ces compositeurs l’amour de la voix humaine, considérée comme l’instrument le plus noble, porteur d’émotions et de vérité.

Qu’est-ce qui fait de Francis Poulenc un grand compositeur de mélodies ? Olivier Godin répond que sa relation avec les interprètes explique sans doute son grand succès dans ce genre musical. Avec le baryton Pierre Bernac ou la soprano Denise Duval, il acquiert une connaissance intime de la voix et en apprend le mécanisme. C’est aussi, selon le pianiste, sa volonté de servir la poésie et les grands poètes. Mettre en musique les mots de Guillaume Apollinaire et de Paul Éluard, mais également ceux de Paul Valéry ou Louis Aragon, c’est, comme l’écrira Poulenc lui-même, « un acte d’amour [plutôt qu’ un] mariage de raison ».

Parmi les 170 mélodies que le nouvel enregistrement d’ATMA Classique nous fera apprécier ou découvrir, y en a-t-il une qu’affectionne particulièrement Olivier Godin ? La réflexion est de courte durée et il cite Aux officiers de la garde blanche. Sur un texte de Louise Vilmorin, qui compte également parmi ses poètes de prédilection, Francis Poulenc a composé une mélodie d’une sensibilité extraordinaire, laissant beaucoup de place au texte et qui oppose la tendresse et l’ironie. Il n’est pas étonnant qu’elle se retrouve sur le premier disque du coffret. Son interprétation par la soprano française Julie Fuchs est d’ailleurs susceptible de rallier quiconque au choix d’Olivier Godin !

Un hommage québécois à Francis Poulenc

Le nouveau Centre lyrique d’expression française (CLEF), dont le pianiste Olivier Godin assume la direction artistique, démarre son existence avec un projet d’envergure : l’intégrale des mélodies pour voix et piano du compositeur Francis Poulenc. Le coffret Poulenc sera présenté lors d’un lancement qui aura lieu à la Chapelle historique du Bon-Pasteur le mardi 15 octobre à 11 h et sera l’occasion d'introduire le Centre dont Richard Turp assume la direction générale. Enregistré à la salle Françoys-Bernier du Domaine Forget, cette intégrale a été réalisée grâce au soutien de la maison ATMA Classique et de sa directrice Johanne Goyette. Le Festival Classica est également associé à cette première réalisation, comme l’est aussi L’Association des amis de Poulenc, que dirigent respectivement les barytons Marc Boucher et François Le Roux qui comptent parmi les interprètes du coffret. Les sopranos Pascale Beaudin, Julie Fuchs et Hélène Guilmette ainsi que la mezzo-soprano Julie Boulianne ont aussi prêté leur voix à la musique de Poulenc. Olivier Godin accompagne ces six interprètes dans les 170 mélodies composées entre 1918 et 1959.

Pour Olivier Godin, ce projet est un hommage québécois à Francis Poulenc. Il rappelle que les interprètes sont tous de langue française et que cela distingue cet enregistrement des autres intégrales parues chez Decca et EMI Classics. Et c’est incontestablement la plus complète, puisque l’enregistrement comprend trois mélodies inédites qui font l’objet d’une première mondiale.

L’intégrale des mélodies sera par ailleurs donnée dans le cadre d’une série de quatre concerts présentés à Tours en France les 12, 14, 19 et 21 novembre 2013. À l’invitation du Centre international de la mélodie française, les mêmes interprètes se retrouveront sur la scène de la salle Ockegheim, à l’exception de Julie Fuchs qui sera remplacée par la soprano française Clémentime Decouture.

Après cette première réalisation du Centre lyrique d’expression française, d’autres projets sont en gestation et pourront compter sur l’appui de Johanne Goyette et son équipe d’ATMA classique. La richesse de l’actuel répertoire lyrique d’expression française, et sans doute aussi du nouveau répertoire qui pourrait émerger de l’action du CLEF, permettra à cette nouvelle institution de se distinguer dans le paysage musical d’ici et de l’ensemble de la Francophonie.

Daniel Turp est un administrateur du Centre lyrique d’expression française (CLEF)