Off Festival : Une édition bien « orchestrée » Par Marc Chénard
/ 1 octobre 2012
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Deux ans après son passage de l’été à l’automne, l’Off Festival de Jazz de Montréal revient de plus belle avec une treizième édition inscrite sous le signe de la continuité et du changement. Toujours fidèle à sa vocation de mettre en valeur la diversité de nos talents, l’Off tourne aussi une nouvelle page de son histoire par le renouvellement complet de son comité de programmation. L’harmoniciste Lévy Bourbonnais en assure maintenant la direction, appuyé de trois nouveaux collaborateurs : Pierre-Yves Martel, Samuel Blais et Gabriel Vinuela-Pelletier.
Rencontré durant l’été, Bourbonnais affirme que ce changement ne signifie pas pour autant une réorientation de l’événement. « L’Off Jazz a été créé par des musiciens et tous ceux qui ont été impliqués dans sa direction artistique l’ont fait à titre bénévole. Mais après quelques années au poste, comme mon prédécesseur Christophe Papadimetriou, on s’essouffle. Après tout, nous sommes artistes de métier. Quant au programme de cette année, je le qualifierais de “conservateur”, mais dans le bon sens du terme. Depuis ses débuts en l’an 2000, le festival a toujours donné la priorité à des propositions musicales originales, l’accent donné bien sûr à nos talents, mais cela n’exclut pas des invités d’ailleurs ou encore des collaborations entre les deux. »
D’après sa grille de 25 concerts répartis sur huit jours (du 4 au 12), l’OFJM remplit de nouveau sa mission. En effet, toutes les tendances de musiques créatives sont bien représentées, du jazz mainstream aux musiques ouvertes (ou actuelles, si vous le voulez), sans oublier une présence des deux communautés linguistiques, de différentes générations et l’ajout de quelques artistes invités. Parmi ces derniers, signalons le pianiste hexagonal Baptiste Trotignon (le 6), invité par le saxo alto Rémi Bolduc, le formidable harmoniciste Howard Levy en tandem avec le guitariste Greg Amirault (également le 6) et l’aventureux saxo torontois Kyle Brenders (le 7). Par ailleurs, deux concerts hommages sont aussi à l’affiche : d’une part, Jean Derome rendra hommage à l’un de ses compositeurs fétiches, Billy Strayhorn, avec le concours d’une formation assez nouvelle comprenant la chanteuse Karen Young (le 10); d’autre part, le trio Maïkotron Unit, récipiendaire du prix François-Marcaurelle 2011, partira « Sur les traces de Claude Gauvreau », avec la participation du pianiste Alexandre Grogg (le 7).
Mais dans toute la programmation, deux concerts ressortent particulièrement, ceux-ci illustrant l’étendue des horizons musicaux de l’OFJM. En soirée d’ouverture (le 4), le trompettiste Joe Sullivan foulera les planches du Lion d’or avec son big band, interprétant ses compositions aux assises solides et arrangées avec toute l’expertise qu’on lui connaît. Professeur de composition jazz à l’Université McGill, Sullivan a pleinement assimilé la tradition du jazz orchestral, ce qui en fait l’expert en la matière dans cette institution. Il nous offrira une musique en accord parfait avec les règles de l’art, sans oublier une bonne part de solos répartis entre ses musiciens, tous à la hauteur des exigences musicales de leur chef.
Dans une optique tout à fait différente, un autre orchestre clôturera l’événement huit jours plus tard, cette fois-ci à la Sala Rossa de la Casa del Popolo. Une quinzaine de musiciens provenant de différents cercles musicaux québécois (et un d’Ontario) seront de la partie. Parmi les nôtres, on pourra voir les « vétérans » de la scène actuelle (Bernard Falaise, Pierre Tanguay, Jean Derome), des habitués de la Casa del Popolo ou de l’Envers (Nicolas Caloia, Jesse Zubot, Elwood Epps), un contingent de Québec (Pierre et Michel Côté, Frédéric LeBrasseur), sans oublier la chargée de projet, Marianne Trudel. En invité spécial, un chef d’orchestre de New York chapeautera le tout, soit Lawrence « Butch » Morris. Trompettiste, puis cornettiste, ce natif de la Californie a délaissé la pratique instrumentale pour se consacrer entièrement à une approche musicale assez singulière : la « conduction ».
Pour comprendre le concept, assez facile en soi, imaginez un chef qui ne se sert d’aucune partition (ni sur son lutrin, ni mémorisée); par un répertoire de gestes précis, celui-ci « façonne » la musique d’un ensemble en temps réel, à l’instar d’un improvisateur sur son seul instrument. Même si Morris a aussi dirigé des orchestres utilisant des partitions (par exemple, le big band de David Murray), sa propre œuvre repose sur des formes beaucoup plus ouvertes, avec un minimum de matériaux écrits, voire aucun. En 1986, un premier document enregistré voit le jour sur l’album Current Trends in Racism in Modern America. Au fil des ans, il a renouvelé l’expérience un peu partout dans le monde, dont deux passages à Montréal, en 1989 et 1992 respectivement, sa seconde présence dans le cadre du festival La quinzaine du violoncelle. Notons du reste que l’ensemble montréalais convoqué au Off ne ressemble en rien au big band de jazz, son instrumentation comprenant plusieurs percussions, cordes à archets, vents inusités comme la clarinette contrebasse, mais peu de vents.
Bien que la conduction soit sa vocation première – ce qui ne l’empêche pas de remplir des commandes d’œuvres écrites – Morris n’est pas le seul à explorer cette avenue. John Zorn, dans les années 1980, s’était inspiré de règlements de jeux sportifs (hockey, lacrosse, tennis) comme moyen d’organiser des jeux d’improvisation collective, se tournant par la suite vers un jeu militaire (Cobra). Mais de telles pratiques de direction ont des antécédents, le compositeur contemporain Lukas Foss ayant été un précurseur aux États-Unis.
Dans le monde de la musique, la tradition veut qu’une démarche artistique ne puisse être jugée que par son résultat final : le concert ou le disque. Ici toutefois, le spectateur pourra découvrir le processus menant à cette fin. Deux répétitions publiques sont prévues à cet effet, soit le mercredi 10 et le jeudi 11, de 10 h à midi (entrée libre). Un événement à découvrir… et un festival aussi !
DERNIÈRE HEURE
Nous apprenons que Butch Morris doit annuler sa participation en raison de maladie. Le bassiste WILLIAM PARKER le remplacera.
Programmation en ligne : www.offfestivaldejazz.com
Information : 514-524-0831
Billeterie : Réseau Admission (www.admission.com), Billetterie Articulée (514-844-2172), L’oblique (514-499-1323)
Lancements de disques
• Split Cycle (avec le saxophoniste Samuel Blais) : dim. 5, Lion d’or 20 h
• Triades (avec la chanteuse Sonia Johnson) : jeu. 11, Sala Rossa, 21 h 30 (Coproduction disques Effendi) English Version... |
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