Vous voulez faire un disque? Conseils d’un pro Par Marc Chénard
/ 1 septembre 2012
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Le 29 juin dernier, Jim West avait été invité par le Festival de jazz de Victoria en Colombie-Britannique pour faire part de sa longue expérience dans le domaine de la production et la distribution de musique enregistrée. Fondateur de Justin Time Records (maintenant la doyenne des maisons de disques de jazz indépendantes canadiennes), M. West a été témoin des profonds changements dans l’industrie. En considérant les bouleversements de la dernière décennie, tout laisse croire que les perspectives soient sombres. Cependant, avec ses trente années d’expérience comme directeur d’une maison de disques, West a réussi à s’en sortir. Il a dû, comme d’autres, réduire son activité et il ne s’en plaint pas. «Il est vrai que mon personnel est moins nombreux maintenant, constate-t-il lors d’un entretien récent, mais nous pouvons en retirer beaucoup plus en ce moment. Il y a quelques années, nous étions chacun dans notre petit cubicule séparé; de nos jours, nous travaillons dans une aire ouverte, ce qui facilite les réunions du personnel. Les dernières années ont été difficiles, mais certaines bonnes choses ont eu lieu et la maison de disques va bien maintenant.»
Pendant notre rencontre, Jim West s’est penché sur certains points soulevés durant son entretien du mois de juin. Il y a trois manières de mettre la musique sur le marché. La première option, c’est de passer par une autorisation d’octroi des droits, (communément appelé «licence») où l’artiste accorde à une maison de disques les droits de mise en marché de ses enregistrements pour une période de temps, parfois pour un territoire donné (pays, continent, monde). La seconde est le contrat d’enregistrement, option selon laquelle l’enregistrement est carrément vendu à une maison de disques pour un montant qui tient en ligne de compte tous les frais engagés par le chef ou le groupe; par ailleurs, les coûts peuvent être assumés par la maison de disque avant la production. La troisième option, enfin, est celle du bricoleur, option par laquelle le groupe assume toutes les tâches qui en résultent, en l’occurrence la mastérisation, le pressage, le marketing, la promotion et ainsi de suite.
Dans son exposé, West s’est concentré sur la troisième approche, très courante dans tous les domaines spécialisés de la musique, dont le jazz. Étant donné qu’il est assez facile de produire des disques d’une bonne qualité sonore de nos jours, les locations de studio coûteuses ne sont plus indispensables. Sont seulement nécessaires un bon ensemble de micros, une console de mixage portable, ainsi qu’un ordinateur équipé d’un disque dur performant. Avec tous ces éléments en main, d’autres opérations s’ensuivent après la séance d’enregistrement: mixage, sélection et séquence des plages, mastérisation effectuée par un ingénieur du son compétent. Pourtant, toutes ces étapes sont juste la pointe de l’iceberg.
À l’étape de la mastérisation, par exemple, il est important de sécuriser le processus en adoptant un code international normalisé des enregistrements (code IRSC) pour chacune des plages. On assigne à ces dernières des numéros qu’on grave dans les codes numériques des CD, tâche exécutée par l’ingénieur de mastérisation. Un premier disque (master) est produit pour fin de reproduction dans une usine de pressage, bien que cette étape ne soit plus obligatoire de nos jours, puisque la musique peut se transmettre par voie de téléchargements.
Alors que la production de l’objet disque était autrefois bien plus laborieuse et coûteuse, particulièrement à l’époque du vinyle, le processus actuel de gravure de disques compact est à la portée de tous. Le travail le plus complexe pourrait bien être le graphisme, qui comporte la production de la pochette, les inscriptions sur le disque en soi, un feuillet, voire un livret avec des notes d’accompagnement. Pour fins de commercialisation, un numéro de code à barres de dix chiffres est requis pour le marché nord-américain, numéro attribué par le Grocery Products Manufacturing Organization. (Des numéros de 12 ou 13 chiffres existent aussi pour d’autres parties du monde.)
«Mais le vrai travail ne fait que commencer quand vous avez le produit fini entre vos mains, indique West. Je compare cela à une roue de bicyclette. Si on arrache un rayon, elle ne tourne plus aussi bien; si on continue à en enlever, elle va vaciller de plus en plus et ne tiendra plus. Chaque rayon est alors comme un membre de votre équipe.» Ces «rayons» sont : un distributeur, un représentant de ventes, un relationniste, un agent. Dans le domaine du jazz, il faut convaincre un distributeur indépendant que la vente de votre produit est à son avantage; le mieux, bien sûr, c’est de trouver une maison avec des vendeurs sur la route; nombre d’entre elles ont un représentant pour le Québec et un autre pour le reste du pays. Il faut penser à un relationniste qui dispose d’un bon réseau de contacts et qui s’intéresse aussi à votre genre de musique. L’agent, pour sa part, peut vous trouver des concerts et voir à la promotion de vos enregistrements. «Le plus important, affirme West, c’est que tout le monde veuille travailler pour vous. Et s’il y a une pomme pourrie dans le panier, vous vous en débarrassez tout de suite; c’est ainsi qu’on fait de bonnes affaires. Bien sûr, il faut peser ses options: chaque personne ajoutée signifie moins d’argent pour vous. Mais que préférez-vous: 100% de 100$ ou 10% de 10000$?»
Même si les beaux jours des projets d’enregistrement à six chiffres sont du passé et que le rythme des parutions a été diminué de plus de la moitié (une dizaine de titres au lieu de 25), West a néanmoins su bien tirer son parti. Ce qui l’intéresse particulièrement, ce sont les nouveaux talents locaux. «Oliver Jones me dit toujours : enregistre les jeunes!» Et il compte livrer sa marchandise dès cet l’automne. Nous vous en reparlerons.
Traduction: Stefania Neagu
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