Kenneth Gilbert à l'honneur

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Pour clore son « Année de musique ancienne », l’École de musique Schulich de l’Université McGill a eu l’heureuse idée d’un colloque intitulé « Autour du clavier d’autrefois », afin de rendre hommage à Kenneth Gilbert, aujourd’hui professeur émérite. Étonnant destin que celui de ce Montréalais d’origine, né en 1931, qui s’est rendu très tôt en Europe pour y découvrir le clavecin et les orgues historiques et qui est devenu une sommité mondiale en la matière, occupant des postes dans les meilleures écoles, dont le Conservatoire de Paris. Gilbert a su comme bien peu unir un grand talent d’interprète à une fructueuse carrière de chercheur et de pédagogue. En plus d’avoir enregistré une cinquantaine de disques, dont un Clavier bien tempéré et un Art de la fugue qui feront date, il a édité Scarlatti, Couperin, Rameau et d’Anglebert, travail colossal dont profitent encore aujourd’hui les clavecinistes. Comme spécialiste de l’orgue, il a supervisé dès 1959 la construction du premier instrument à traction mécanique au Canada, l’orgue Beckerath aujourd’hui installé à l’église unie Mountainside de Westmount. Il s’est attaché en outre à collectionner les clavecins anciens, dont le magnifique instrument italien signé FA et daté de 1677, qu’il prête maintenant à l’Université McGill. Les instruments de musique sont pour lui de précieux liens entre les époques : son clavecin Blanchet-Taskin, sur lequel il a réalisé la plupart de ses disques de Bach, a pu être joué à Paris par Mozart et servira encore pendant des décennies, voire des siècles.
Éminent spécialiste, Kenneth Gilbert est aussi un homme courtois et modeste, dénué de tout pédantisme. Il faut le voir à l’œuvre dans ce petit film tourné en 1990 par Michel Follin, et réédité tout récemment chez Harmonia Mundi dans la série des « Leçons particulières » : tout en nuances et en discrétion, Gilbert prodigue ses conseils à Olivier Baumont, lui apprenant à interroger les œuvres, dans le respect du style, mais aussi avec la liberté indispensable à une interprétation vivante. Sa plus grande fierté, assure-t-il, est de voir que ses disciples ont tous évolué différemment et ont appris très vite à développer leur personnalité. Le colloque qui débutera bientôt à Montréal donnera l’occasion de le constater, puisqu’on y entendra, lors de trois concerts, cinq anciens élèves du maître : Luc Beauséjour et Hank Knox, bien connus du public montréalais, l’organiste anglais David Ponsford ainsi que les clavecinistes Olivier Baumont et Davitt Moroney, dont ce sera la première visite au Québec. L’événement se tient du 15 au 17 juin et comprend aussi une vingtaine de conférences, dont quelques-unes en français.