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Denis Brott a le vent en poupe. Ce violoncelliste acclamé a créé, il y a 17 ans, un Festival de musique de chambre qui vient de remporter un prix de Tourisme Québec dans la catégorie des événements à budget moyen. Ce festival est notamment rendu possible par un partenariat avec la radio publique américaine qui diffuse ses concerts à plus de 6 millions d’auditeurs. Pour M. Brott, le principal ingrédient de cette réussite, c’est l’art de la collaboration qui est au cœur même de la musique de chambre.
Du Chalet du Mont-Royal à l’église St. James, puis à son site actuel, la belle église St. George, le festival fait résonner la musique dans des lieux historiques qui rendent cette expérience musicale d’autant plus enrichissante. «De prime abord, les gens n’étaient pas convaincus par la sonorité, dit M. Brott, mais en reconfigurant la scène, nous avons réussi à l’améliorer. Cet effort nous coûte environ 30 000 $ par an.»
«Je voulais mettre sur pied un mini-festival de Marlboro, poursuit-il, pour rappeler le temps où je jouais là-bas avec Casals, Serkin et Schneider. J’aimerais jumeler de jeunes instrumentistes canadiens avec des musiciens chevronnés.»
Un fertile terreau musical
Denis Brott est issu d’une famille de musiciens: son père était le chef d’orchestre et compositeur Alexander Brott, fondateur de l’Orchestre de chambre McGill, et sa mère était la violoncelliste Lotte Brott, administratrice de l’orchestre. Toute leur vie de famille se déroulait au rythme de la musique. Boris, frère aîné de Denis, était lui aussi un prodige musical.
À un moment donné, Denis Brott décide de s’initier au violoncelle et de s’adonner à la musique–le meilleur moyen de communiquer avec ses parents! Après l’école primaire, Brott poursuit ses études à la maison auprès de différents précepteurs. Dès l’âge de 12 ans, il se fait une joie de retrouver d’autres musiciens au camp d’Aspen l’été.
Après avoir terminé l’école secondaire à 16 ans, M. Brott étudie une année en Europe, puis termine son baccalauréat auprès de Janos Starker à l’université d’Indiana, une expérience pénible pour le jeune violoncelliste.
En revanche, son professeur à l’université de Californie du Sud, le légendaire violoncelliste russe Gregor Piatigorsky, lui fait comprendre que la musique est une vocation. «Il m’a appris que la musique doit imprégner toute la vie du musicien, et qu’elle est un langage sans paroles. Elle commence là où les mots s’arrêtent.»
Denis Brott et sa femme Julie ont eux-mêmes insisté pour que leurs quatre enfants–trois filles et un garçon–suivent des cours de musique jusqu’à l’âge de 12 ans, après quoi ils étaient libres de les poursuivre ou non; aucun des quatre n’a continué. «Dommage que nous n’ayons pu les convaincre de faire de la musique au moins en amateurs, déplore M. Brott, car jouer d’un instrument procure de telles joies: c’est comme parler une autre langue qui permet d’exprimer ses émotions. Mais lorsque ma petite-fille de 4 mois est dans ma salle de répétition, elle ouvre des yeux tout ronds.»
Carrière
La carrière de Denis Brott a pris son envol lorsqu’il a remporté un deuxième prix au Concours international de violoncelle de Munich en 1973. En 1980, il a remplacé Marcel Saint-Cyr au célèbre Quatuor à cordes Orford, dont il a fait partie pendant huit ans, réalisant avec cet ensemble des enregistrements primés des quatuors à cordes de Beethoven. «Cela a été l’un de mes meilleurs moments», déclare-t-il.
La Banque d’instruments du Conseil des arts du Canada
Au début des années 1980, M. Brott s’est dit qu’il en était arrivé à un point dans sa carrière où il lui faudrait un meilleur instrument, et c’est ce qui lui a inspiré l’idée de la Banque d’instruments du Conseil des arts du Canada. «À Los Angeles, raconte-t-il, j’ai fait la connaissance de Richard D. Colburn, homme d’affaires et musicien amateur. J’avais croisé sa fille à Aspen, où elle étudiait en même temps que moi. M. Colburn était un collectionneur d’instruments, et il en prêtait à de jeunes musiciens, dont moi. Je me suis dit qu’il faudrait avoir un système similaire au Canada, sauf qu’il serait ouvert à tous les musiciens. J’ai écrit à plus de 30 chefs d’entreprise au Canada au début des années 1980, et tous ont poliment refusé, sauf William Turner, de la Consolidated Bathurst. Nous avons pris rendez-vous pour un samedi matin à chez lui à Montréal, et j’ai aperçu un 33 tours de Beethoven sur son tourne-disque. Cela m’a paru de bon augure.»
«Ce mélomane passionné siégeait au conseil de la Banque Royale, poursuit le violoncelliste. Je lui ai parlé de mon idée de réunir de l’argent et de demander au Conseil des arts du Canada d’administrer le prêt.» En deux jours, Turner a réuni 250000$ grâce à ses relations avec les chefs de la direction de la Banque TD, de la Banque Royale, d’Imperial Oil et de Bombardier.
M. Brott et Turner ont ensuite rencontré Gilles Lefebvre, alors directeur adjoint du CAC, pour mettre en place l’administration de la banque officiellement lancée en 1985. En reconnaissance de ses propres efforts, le premier instrument acheté par la Banque, un violoncelle David Tecchler de 1706, appartenant autrefois au premier violoncelle de l’Orchestre de Philadelphie, a été prêté à Denis Brott pour la durée de sa carrière. À ce jour, la Banque dispose de 15 instruments qui sont prêtés à des musiciens canadiens prometteurs à l’issue d’un concours intense mené à l’aveugle à intervalles de trois ans. La prochaine édition aura lieu en septembre.
Brott se souvient aussi avec affection du philanthrope pour son financement de la Colburn School de Los Angeles, qui a la réputation d’être la Juilliard de la Californie. «C’est un excellent modèle, s’exclame M. Brott. Les étudiants n’ont pas de droits de scolarité à payer et ils vivent sur le campus. L’école se trouve tout près de la salle Disney, où les concerts se donnent. Nous aurions dû avoir la même chose à Montréal puisque à l’origine, le Conservatoire était censé se trouver à côté de la nouvelle Maison symphonique. C’est une occasion perdue.»
L'avenir du festival
En ce moment, tout va pour le mieux au festival de musique de chambre. Au fil des ans, l’administration du festival a quitté le domicile de M. Brott pour s’installer dans un bureau permanent. Davis Joachim a été engagé pour gérer la saison. Le gala annuel continue d’être une excellente source de revenus: l’an passé, il a permis de réunir 150000$ en combinant la vente de billets et les enchères silencieuses.
Une partie du succès s’explique par la capacité de M. Brott d’inciter les gens d’affaires à donner leur soutien. «La musique de chambre est un travail d’équipe, dit-il, et les entrepreneurs comprennent également notre désir d’encourager l’excellence. Le festival donne l’exemple de la marche à suivre pour apparier des jeunes talents avec des professionnels chevronnés. Certaines entreprises se sont engagées pour trois ans.»
En ce qui concerne l’avenir, M. Brott n’est pas à court d’inspiration. Cette année, le festival comprend un cours de maître donné par Colin Carr le 15 mai, un événement qui, espère-t-on, se répétera. Le violoncelliste aimerait également donner des concerts à New York. L’année prochaine, le festival s’ouvrira sur un échange avec la Société de musique de chambre de Boston, et M. Brott espère renouveler l’expérience avec les grandes écoles de musique du Canada et des États-Unis. Il souhaite voir des concerts se tenir dans de grandes résidences privées à Montréal. Puisqu’il passe ses étés à Saint-Sauveur, il voudrait aussi qu’on puisse y entendre de la musique de chambre une fois terminé le Festival des arts là-bas.
À un certain moment, on a songé à prolonger le Festival sur toute l’année, mais cela paraît peu probable, en raison de la concurrence avec d’autres groupes. À la place, M. Brott envisage la création d’une alliance de musique de chambre qui jouerait un peu le même rôle que Le Vivier pour la musique contemporaine. Il a commandé une étude sur la façon dont les groupes peuvent travailler ensemble.
Il est encore plus enthousiaste quand il parle de son projet d’implanter au Canada l’idée du séminaire d’orchestre à cordes de New York, un programme de dix jours s’adressant aussi bien aux élèves du secondaire qu’aux étudiants universitaires et qui se déroule à la fin du mois de décembre. « Après dix jours de répétitions, ils donnent un concert, explique M. Brott, et on comprend alors ce que cela signifie, faire de la belle musique ensemble.»
Traduction: Anne Stevens
www.festivalmontreal.org
Festival de musique de chambre de Montréal 2012 L’édition 2012 du Festival de musique de chambre de Montréal se déroulera du 10 mai au 2 juin. Le coup d’envoi du festival sera donné le 10 mai par la soprano Isabel Bayrakdarian, qui reviendra sur scène le 12 mai avec un programme tiré de son CD Tango Notturno. L’Américain Colin Carr propose les six Suites pour violoncelle seul de Bach sur deux soirées, les 16 et 17 mai. La troisième semaine du festival, le Quatuor Pacifica offre l’intégrale des quatuors à cordes de Chostakovitch sur quatre soirées, du 22 au 25 mai. Le festival présente également la première canadienne du Quatuor James Ehnes avec deux programmes différents, consacrés à Ravel le 27 mai et à Bartók le 28 mai. |
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