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Christian Lane ne croyait pas revenir.
C’était en 2008, au moment où il quittait Montréal après s’être
rendu en demi-finale de la première édition du Concours international
d’orgue du Canada (CIOC). La fatigue consécutive au concours s’est
abattue sur lui : « Dans ma tête, je n’en pouvais plus des concours
», explique-t-il.
Rien de plus normal. Depuis son tout
jeune âge, Christian participe à une suite ininterrompue de concours
avec une assiduité qu’on rencontre davantage chez d’autres joueurs
de clavier, soit les pianistes. D’abord, il se fait la main à l’orgue
à l’âge de cinq ans. Dès sa deuxième année scolaire, il s’y
met sérieusement : son père étant pasteur méthodiste à Hampstead,
puis à Walkersville, dans le Maryland, l’enfant qui grandit a facilement
accès à des orgues. Avant même d’atteindre 21 ans, il remporte les
honneurs de quatre concours d’orgue américains prestigieux : le concours
Albert Schweitzer, le concours pour jeunes organistes de sa région
de l’American Guild of Organists, le concours Augustana Arts/Reuter
National, destiné aux étudiants de premier cycle, et le concours national
Arthur Poister. Sur cette lancée, il remporte la deuxième place du
prestigieux concours – national, cette fois – de l’American Guild
of Organists, puis du Concours international d’orgue de Miami.
Aujourd’hui, Christian Lane a 30 ans
et, depuis l’automne 2008, il est organiste adjoint et maître de
chapelle à l’université Harvard. À ce titre, il joue et enseigne
le répertoire des grands maîtres, de Frescobaldi à Bach, de Bach
à Messiaen. Il s’intéresse aussi vivement aux musiques nouvelles
pour lesquelles il fait des commandes, souvent en partenariat avec sa
proche collaboratrice, la soprano Jolle Greenleaf : « Je crois qu’un
bon organiste doit acquérir des compétences dans tous les styles,
affirme-t-il. Les tendances sont changeantes. Si on observe ce qui s’est
passé dans les années 1960 et 70, on constate qu’il y a eu un puissant
mouvement contre toute forme de musique romantique. On ne parlait que
de pratiques d’interprétation, et la musique ancienne était la seule
musique qui vaille. C’est absurde ! Il me semble qu’on a besoin,
comme organiste, de prendre la mesure du répertoire de notre instrument
– répertoire qui, pour notre plus grand bonheur, est le plus vaste
de tous les instruments modernes : de nos jours, on trouve en effet des
musiques pour orgue vraiment inventives, mais des compositeurs écrivaient
déjà pour l’orgue au xve siècle ! »
Pourquoi avoir tenté de nouveau
l’aventure du CIOC ? « Ce concours a tellement de classe ! lance-t-il.
Les organisateurs savent vraiment ce qu’ils font. De plus, l’orgue
Casavant de la basilique Notre-Dame est monumental, et c’est un réel
plaisir de le jouer. » Christian était aussi enthousiaste à l’idée
de rencontrer des collègues organistes – parmi les meilleurs au monde.
Tout cela semblait plus stimulant pour lui que de gagner le premier
prix, mais il avoue que cette récompense lui ouvre un marché exceptionnel.
« Depuis mon retour, tout le monde
me demande si je suis au septième ciel, continue-t-il. Mais non ! Pour
moi, c’est la vie – je joue de l’orgue ! Je m’étais fixé un
but : aller à Montréal et jouer de mon mieux. Mais le fait d’avoir
atteint mon objectif ne change pas ma vie à ce point. L’issue de
ces concours, c’est une question de chance, jusqu’à un certain
point. Ça m’a vraiment surpris… je ne suis jamais totalement satisfait
de mon jeu. »
Faisant fi de l’idée que tout
le système de points du concours témoignait de l’excellence de son
jeu, il poursuit : « Ma force, ce n’est pas de jouer toutes les bonnes
notes et d’avoir la technique la plus parfaite. Certainement pas !
Mais je pense que j’ai quelque chose à dire. Et je sais comment apprivoiser
cet instrument qui est tellement intraitable – même pour les plus
habiles techniciens. » D’après lui, la recette consiste à donner
vie au rythme malgré les limites d’un instrument qui ne permet pas
d’établir de dynamique entre les notes. « Le défi de l’organiste,
c’est de réussir à rendre la musique à travers un rythme plein
de vitalité, déclare-t-il. On base généralement la notion de rythme
sur l’accentuation des temps forts, mais à l’orgue, c’est impossible.
On doit trouver d’autres moyens pour que l’auditeur perçoive cette
dynamique. » Les techniques pour y arriver consistent à allonger légèrement
les notes qui forment ces temps forts. « Je crois être capable de
bien traduire le rythme. C’est probablement ma plus grande force,
celle qui me permet de communiquer. »
En définitive, communiquer avec
son public à travers l’orgue constitue pour Christian Lane un
geste éminemment personnel. « La musique en général et son véhicule
particulier qu’est l’orgue contribuent à mon équilibre et posent
les fondements de ma vie spirituelle. »
Traduction : Hélène Panneton
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Récital d’orgue solo le 18 mai
2012, dans le cadre du festival Organix de Toronto, à l’église Metropolitan
United.
www.organixconcerts.ca
www.christianlane.com
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