Pinchas Zukerman et le pont musical entre les générations Par Crystal Chan
/ 1 octobre 2011
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Pinchas Zukerman a été
décoré de la Médaille nationale pour les arts par le président Ronald
Reagan et il a reçu le premier prix du concours Leventritt, le prix
King Solomon, le prix d’excellence artistique Isaac Stern, deux prix
Grammy (parmi 21 nominations), un doctorat honoris causa et de
nombreuses autres distinctions. Mais aujourd’hui, il anticipe avec
impatience le plaisir de toucher une nouvelle récompense: «C’est
un jour très spécial, dit-il fébrilement. Dans environ trois heures,
je vais tenir un petit bébé dans mes bras!» Avec sa fille Natalia,
une musicienne folk, il se rend chez sa fille Arianna, soprano,
pour faire la connaissance de sa petite-fille, née le 8 septembre 2011.
Zukerman dirige
l’Orchestre du Centre national des Arts du Canada (OCNA) depuis 1998
et il est le premier chef invité du Royal Philharmonic Orchestra de
Londres. Il a enregistré plus d’une centaine d’œuvres. Il a joué
avec des orchestres de premier plan aux côtés de musiciens de renom,
tels ses compagnons le violoniste Itzhak Perlman, les violoncellistes
Yo-Yo Ma, Lynn Harrell et Jacqueline du Pré (dont il a dirigé les
toutes dernières prestations publiques). Il continue d’ailleurs d’exercer
son art comme violoniste et altiste, entre autres au sein d’un quintette
à cordes qui porte son nom, le Zukerman Chamber Players.
Né à
Tel-Aviv en 1948 – l’année même de la naissance d’Israël comme
pays –, Zukerman fait ses débuts à la clarinette avant de
passer au violon à l’âge de huit ans. En 1962, à l’occasion d’un
voyage en Israël, Isaac Stern et Pablo Casals l’entendent jouer et
ils sont si impressionnés par l’adolescent qu’ils font les démarches
nécessaires pour qu’il soit admis à Juilliard la même année. À
21 ans, il enregistre sur disque le concerto de Tchaïkovski avec l’Orchestre
symphonique de Londres, dirigé par Antal Doráti, ainsi que le concerto
de Mendelssohn avec l’Orchestre philharmonique de New York dirigé
par Leonard Bernstein. En 1970, il fait ses débuts comme chef d’orchestre
avec l’English Chamber Orchestra.
Ce dont Ottawa a besoin
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Le chef d’orchestre
du Centre National des Arts Pinchas Zukerman adore Ottawa, sa ville
d’adoption. Il aimerait voir certains changements, cependant. En tête
de liste: «Ce dont on a besoin est ce que [Montréal] vient d’obtenir:
une nouvelle salle, un nouveau centre d’éducation. Il faudrait mettre
quatre ou cinq institutions fédérales ainsi que des individus ensemble
pour en arriver à un bon plan artistique municipal. [Cela] n’est
pas seulement pour Ottawa, mais pour le pays au complet, puisque Ottawa
devrait représenter – doit représenter – le pays en raison
de sa fonction comme capitale. » En quoi la salle de concert actuelle
a-t-elle besoin d’être améliorée? «Elle a besoin d’être rénovée,
répartie d’une façon différente; elle a besoin d’un plafond,
elle a besoin de tout ! Elle a besoin d’éclairage, d’un meilleur
stationnement. Elle doit faire partie d’un complexe dédié aux arts
à part entière. Il y a quelques problèmes politiques et financiers,
mais surtout de vision. Maintenant, je crois que les trois éléments
commencent à converger. Espérons donc qu’en 2017, pour le 125e
anniversaire, il y aura une réelle rénovation de la ville et de la
région de la capitale.»
Traduction: Yujia
Zhu
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Quarante ans plus
tard, Zukerman est encore un musicien très recherché. Sa saison 2010-2011
est remplie de plus d’une centaine de concerts partout en Amérique
du Nord, en Europe et en Asie. Sa femme, Amanda Forsyth, violoncelle
solo de l’OCNA, décrit la façon plutôt… originale dont Zukerman
«rentabilise» ses déplacements: les écouteurs sur les oreilles,
il dirige la musique qu’il entend en agitant frénétiquement les
mains et en chantonnant bruyamment. (Amanda est la fille du compositeur
Malcolm Forsyth; les filles de Zukerman sont issues de son mariage avec
la flûtiste Eugenia Zukerman; et Zukerman a aussi été marié à l’actrice
oscarisée Tuesday Weld.) Le musicien étudie ses partitions par intermittence
sur une période de plusieurs mois avant un concert. «Se préparer
à être chef d’orchestre, c’est l’histoire d’une vie, dit-il.
Vous devez vous y prendre longtemps d’avance pour bien posséder la
musique. Vous devez avoir des qualités de chef, vous devez être capable
de digérer un grand nombre d’informations, vous devez aussi être
capable de faire confiance à vos musiciens – autant de qualités
humaines, en fait, qui dépassent le simple cadre de la direction. Il
est facile d’apprendre à battre la mesure; c’est comme apprendre
à conduire. Mais la question est: comment conduire? quelle voiture
conduire?»
Zukerman est totalement
engagé dans la promotion de l’éducation musicale: il a fondé
le Programme des jeunes artistes du Centre national des Arts, le Programme
d’interprétation Zukerman de la Manhattan School of Music en plus
de participer au Programme Rolex de mentorat artistique. «Tant que
nous n’aurons pas convaincu le gouvernement et le secteur privé que
les arts doivent continuer de faire partie du cycle de la vie, nous
allons être régis par les lois de la jungle. Il faut que la prochaine
génération apprenne les arts dans les écoles», souligne-t-il. Et
tandis qu’il évoque un avenir meilleur pour la prochaine génération,
il s’anime d’une vive passion : peut-être a-t-il une pensée pour
sa petite-fille? Zukerman croit dans les vertus des activités d’animation
musicale (comme celles offertes dans les écoles par l’OCNA) et dans
le potentiel de la technologie pour atteindre non seulement les jeunes,
mais aussi les personnes âgées et tous les âges entre les deux. «Tôt
ou tard, plutôt que d’avoir un auditoire de seulement 1500 personnes
dans une salle d’une ville donnée, nous pourrions en avoir 15000
ou 25000 autres qui viendraient s’y greffer simplement en pressant
une touche de leur ordinateur, affirme-t-il. J’espère que c’est
pour bientôt. La musique, plus que tout, a le pouvoir de nous rassembler.»
Pinchas Zukerman en
concert:
• Au violon avec la
pianiste Angela Chang. Sonate en sol majeur de Mozart, Sonate
«Printemps» de Beethoven, Sonatensatz
et Sonate en ré mineur de Brahms. Montréal, 10 oct., 20h
promusica.qc.ca
• Au violon, à l’alto
et à la tête de l’OCNA à Ottawa. Festival russe jusqu’au 6 oct;
après le 6 oct: 15 autres concerts au cours de la saison 2011-2012
• Au violon, à l’alto
et à la tête de l’OCNA en tournée au Canada atlantique, 14-25 novembre
nac-cna.ca
Traduction: Hélène
Panneton
La musique classique
peut encore grandir
par
Pinchas Zukerman
En juin dernier, j’ai
passé trois semaines avec des jeunes artistes, chefs d’orchestre
et compositeurs incroyables qui sont venus du Canada et du monde entier
à l’Institut estival de musique du Centre national des Arts pour
suivre des cours avec moi et avec des enseignants de renommée
internationale. Et vous savez quoi? Même avant de mettre les pieds
dans mon bureau, ces jeunes connaissaient déjà tout ce que j’ai
pu faire.
Comment? La réponse
est simple: YouTube.
«Pourquoi jouez-vous
cela en archet descendant?», ai-je demandé durant un cours à une
jeune violoniste.
«Parce que vous
l’avez joué ainsi, en coup tiré, avec l’Orchestre philharmonique
de Berlin en 1982», a-t-elle répondu.
Nous pouvons nous
demander s’il est bon ou mauvais que les étudiants d’aujourd’hui
fassent leur apprentissage de cette manière – et c’est probablement
un peu des deux. Mais c’est une parfaite illustration de la vitesse
à laquelle l’information circule, à quel point les gens veulent
l’avoir et peuvent l’obtenir rapidement. Ces étudiants ont grandi
à l’ère de l’information.
Les scientifiques
sont en train d’étudier comment l’information qui remplit nos écrans
chaque jour affecte nos cerveaux et certains d’entre eux suggèrent
déjà que notre dépendance au «clic rapide» est en train de changer
la manière dont notre cerveau fonctionne.
Ce qui ne va jamais
changer, cependant, c’est notre besoin de nous réunir dans un endroit
et de vivre quelque chose qui nous dépasse, et pour moi cette chose
a toujours été la musique. La musique est mon lien avec la vie et,
par-dessus tout, archet tiré ou poussé, ce que j’essaie de transmettre
à mes étudiants. À l’Institut estival de musique et dans tous les
cours que je donne, je ne cherche pas à trouver un nouveau grand premier
violon ou le prochain grand soliste. Je suis là pour les aider à créer
de la belle musique parce que cela leur donne une meilleure vie et en
fait de meilleures personnes. C’est ce que tous les arts du spectacle
font pour nous en tant que société. English Version... |
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