Jazz: Anna @ New York, Three Women on a Jazz Mission, Actualités ambiantes, Au-delà du concert Par/by Marc Chénard
/ March 18, 2011
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ANNA @ NEW YORK
Marc Chénard
Si l’on considère la dernière décennie
jazzistique à Montréal, elle a été quand même assez faste. Les
universités, McGill en tête, y sont pour quelque chose dans le développement
de jeunes talents voués à la note bleue, mais notre scène a aussi
été enrichie par l’arrivée de musiciens d’ailleurs, attirés
tout simplement par le milieu et le train de vie de la ville. Bien que
la métropole ait retenu la majorité de ses « talents-maison », certains
se sont lancés dans la grande aventure de l’exil en terre étrangère.
Parmi eux, la saxophoniste et flûtiste Anna Webber a pris la route
pour la Grosse Pomme en 2008 pour entreprendre des études supérieures
à la Manhattan School of Music et, bien sûr, acquérir une expérience
incomparable dans la Mecque du jazz.
De passage en ville au mois d’octobre,
Anna Webber lança, lors de l’Off Festival de Jazz de Montréal, le
premier enregistrement de son ensemble montréalais Third Floor People
(voir chronique ci-dessous). À 26 ans, cette native de Kelowna s’initia
jeune au piano (que sa mère jouait à l’église) avant de tâter
du violoncelle et d’arriver enfin à la flûte (son instrument
premier), puis le saxo ténor. Anna Webber raconte ses premiers jalons
au lendemain de sa prestation – couronnée par la remise du prix François-Marcaurelle,
que les organisateurs accordent annuellement à l’ensemble de la relève
qui s’est le plus distingué : « Comme il y avait un surplus de flûtistes
dans l’orchestre de mon école secondaire, je me suis mise à jouer
du saxo alto dans ma dernière année, mais l’instrument ne me faisait
pas, et c’est en passant au ténor que j’ai vraiment trouvé ma
voix, pour ainsi dire. »
En 2003, elle débarque à
Montréal : comme bien des musiciens en herbe, elle est attirée par
le réputé programme d’études jazz de l’Université McGill
et s’y inscrit au baccalauréat, qu’elle termine trois ans plus
tard. Elle s’immisce aussi dans la scène locale émergente, participant
entre autres au Kalmunity Vibe Collective qui tient toujours l’affiche
du dimanche soir au Resto-Bar Dièse Onze. Désireuse de se parfaire,
elle déménage à New York, munie d’une bourse pour s’inscrire
à la Manhattan School of Music. Déjà elle avait fait quelques sauts
là-bas, pour suivre des cours particuliers avec Mark Turner, l’un
des saxos ténors de la relève du jazz américain les mieux cotés.
Durant ses études, achevées en mai dernier, Anna a reçu de précieux
enseignements par des pédagogues et musiciens de premier plan, tels
que le saxo George Garzone, le pianiste Jason Moran, la flûtiste Jamie
Baum, sans oublier le renommé Dave Liebman. Pour Anna, cette institution
offre de loin le meilleur programme de maîtrise. « Pour être admis,
poursuit-elle, il faut certainement savoir comment jouer du jazz standard,
mais on s’aperçoit rapidement que les professeurs ont une vision
musicale beaucoup plus large et ils dirigent les étudiants vers des
concepts beaucoup plus complexes et élaborés, notamment en matière
d’harmonie. »
Bien que Montréal ne puisse se
comparer à New York sur le plan des activités, Anna note une
différence importante entre les deux villes : « À New York, on voit
des musiciens venant de partout dans le monde, mais la majorité d’entre
eux ne font que passer. Montréal en revanche retient davantage ses
nouveaux arrivants. » Pour le moment, Anna Webber compte rester –
elle profite d’un prolongement de son visa étudiant –, mais envisage
déjà sa prochaine destination, Berlin, choix dicté en partie par
ses deux colocataires germaniques.
De toute évidence, cette musicienne
de talent se trouve sur une lancée et l’on pourra le constater de
visu en l’entendant en début de mois sur la scène du Upstairs Jazz
Bar (voir détail dans le calendrier jazz+).
Entrevue avec Anna Webber : jazzblog.scena.org
Le mois prochain : Miles @ Berlin
www.annakristinwebber.com
Les recommandations d’Anna
Pour voir et entendre du jazz à New
York
DSMC, 295 East Douglas Street
(à Brooklyn)
The Stone (coin de l’avenue
C et de la 2e rue à Manhattan)
Le poisson rouge (158 Bleeker
Street dans le village)
Anna Webber : Third floor people don’t
need to worry about anything
Nowt records NOWT-005
Électron libre : c’est l’image qui
vient en tête en écoutant autant ce disque que l’artiste qui le
signe. Anna Webber, saxophoniste ténor et flûtiste canadienne installée
depuis plus de deux ans dans la Grosse Pomme, n’offre rien de banal
dans ce premier compact produit sur un label indépendant, même si
certains pourront être irrités par certains côtés assez éclatés
où il y a parfois un peu trop de tout. Mais ces excès, cette débauche
de sons, parfois à la limite du tolérable, sont soudés par une énergie
contagieuse et par une exploration subtile des instruments. On y retrouve
deux formations sans basse, une new-yorkaise, l’autre montréalaise,
les deux avec guitare et batterie, la première complétée par la trompette
de Matt Holman, la seconde par le saxophone alto d’Eric Hove. Les
11 compositions de la saxophoniste, qui abondent en ruptures rythmiques
et sonores, font preuve d’une écriture exploratoire, singulière,
mais bien maîtrisée par ces formations quelque peu atypiques. Planante
par-ci, prenante par-là, puisant à la fois dans le rock et dans le
jazz, cette musique est influencée à parts égales par le jazz des
années 1980 et les musiques d’avant-garde contemporaines. Aussi talentueuse
soit-elle, son opus n’échappe pas au syndrome du premier disque où
l’on a tendance à vouloir tout mettre. En dépit de ces excès jubilatoires,
parfois déstabilisants, force est de reconnaître un côté extrêmement
prometteur dans le travail de cette musicienne. Annie Landreville
Three Women on a Jazz
Mission
David Beckett
Jane Ira Bloom: Wingwalker
Outline OTL140
In today’s jazz world, where there
is no short supply of individualists,
soprano saxophonist Jane Ira Bloom stands out in a number of ways: For
starters, she solely uses that horn, known to be notoriously difficult
to play in tune, and has managed to develop a luscious sound on it,
enhanced in part by a sparing use of live electronics. What’s more,
she has a keen interest in space travel, so much so that she was the
first musician ever to be commissioned by the NASA art program. (In
fact an asteroid bears her name, i.e., 6083janeirabloom.) In her new
recording, Wingwalker, she’s accompanied by veteran collaborators
drummer Bobby Previte and bassist Mark Helias, with newcomer Dawn Clement
on piano, a welcome addition given her great feel for the material.
This stellar release
offers eleven pieces by the leader, with a lovely and unhurried rendition
of Lerner and Loewe’s “I Could Have Danced All Night” for solo
saxophone. Jane Ira Bloom composed these pieces, inspired to a large
degree by the awe and wonder of space. Seek this side out and you’ll
revel in some of the most beautiful sounds ever drawn out of a soprano
saxophone.
Myra Melford: The Whole Tree Gone
Firehouse 12 FH12-04-01
Another singular talent in jazz these
days is pianist and composer Myra Melford. Her current release,
The Whole Tree Gone, features her ensemble Be Bread, playing eight
originals. Matt Wilson on drums and Stomu Takeishi on acoustic bass
guitar are joined by clarinetist Ben Goldberg and Cuong Vu on trumpet,
with Brandon Ross added on acoustic guitar and soprano guitar. This
unique sextet plays the music so well, it’s hard to imagine it played
by anyone else, or played with a different instrumentation, and no one
else than Ms Melford could compose music of this kind. Some tunes, like
“Through The Same Gate”, are definitely jazz, but others like “Moonbird”
sound more like contemporary chamber music written by a jazz musician.
A careful listen reveals Myra Melford to be not only a gifted composer
but also a fearless pianist with a yen for feisty solos.
This is the second recording by this
ensemble, and it’s only one of the groups she leads (another being
Trio M with Wilson and bassist Mark Dresser). In spite of a busy teaching
schedule at the University of California, in Berkeley, listeners can
rejoice in the fact she is very much active as a performer on the international
circuit.
Marianne Trudel: Espoirs et autres
pouvoirs
Effendi FND 105
Montrealer Marianne Trudel may not be
as well known as the preceeding musicians, but her brand new
Effendi release (out this month) should enable her to gain more recognition,
and inclusion on a few of best-of-the-year lists from jazz writers and
radio hosts. If widely heard, this fourth album of hers might even give
her that
important career break. This talented pianist-composer has assembled
a fine band here, comprised of drummer Philippe Melanson and bassist
Normand Guilbeault along with a singular brass trio of Jocelyn Veilleux
on French Horn, Jean-Olivier Bégin on trombone and Lina Allemano on
trumpet. Topping off the cast is singer Anne Schaefer, whose wordless
vocalese blend in seamlessly with the ensemble, often limning the melody
in the manner of a big-band lead trumpet. The leader’s thoughtful
writing and varied arranging on this recording are so surefooted that
the ten tracks seem to slip by in minutes. “Souffle”, for example,
begins with a lengthy choral-like introduction for the brass section
before the rest of the ensemble enters, a rarity in jazz. Another piece,
“M”, is a piano trio recorded live at Montreal’s fine concert
venue, le Lion d’Or, a number that allows the rhythm section to stretch
out. After I listen to Espoirs et autres pouvoirs again, I’ll
certainly be seeking out her
previous recordings. Bravo!
Record launch and concert:
March 25 (see jazz+ calendar for details)
Lancement de disque et concert,
vendredi 25 mars (v. calendrier jazz+ pour détails)
Ces mots dits du jazz
Annie Landreville
Franya J. Berkman,
Monument Eternal—The Music of Alice Coltrane.
Wesleyan University Press, Middleton,
2010, 132 pages
L'auteur, ethnomusicologue, a entendu
Divine songs dans un cours de yoga au moment où elle s'apprêtait
à rédiger sa thèse doctorale sur les femmes et la musique. L’écoute
de cette audiocassette, comportant des chants religieux hindous réalisés
par Alice Coltrane, a incité Mme Berkman à plonger tête première
dans le monde musical et spirituel de cette femme d’exception. Ce
livre n'est pas une biographie exhaustive de la carrière de cette compositrice
et multi-instrumentiste, mais un essai biographique axé surtout sur
les croyances spirituelles de cette artiste qui embrassa la cause hindouiste
en prenant le nom de Swamini Turiyasangitananda. Le texte principal
tient en une centaine de pages, auxquelles s’ajoutent une copieuse
section de notes et une impressionnante bibliographie. L’auteur a
aussi eu la chance d'interviewer Alice Coltrane dans l’ashram qu'elle
a fondé et où elle a passé les trente dernières années de sa vie.
Dans le premier des quatre chapitres, la musicologue raconte l'enfance
de la jeune Alice, née McLeod : élevée dans les tensions multiethniques
d'après-guerre qui secouaient la ville de Détroit (où elle vit le
jour en 1937), elle joua d'abord de l'orgue et du piano à l'église
baptiste, terreau fertile pour la musique gospel et les Negro Spirituals.
De telles expériences, autant musicales que religieuses, la marquent
profondément, d’où son attrait pour le pouvoir spirituel de la musique.
Le second chapitre traite surtout de sa vie avec John Coltrane et de
son influence. Immanquablement, on étiquette Alice Coltrane comme la
conjointe du saxophoniste, sans plus, mais leur union n'a duré que
quatre ans, soit jusqu’à la mort de son mari en 1967; pourtant, sa
carrière était déjà bien établie au moment de leur rencontre, sujet
d’ailleurs traité dans ces pages. Mais encore, son rôle est souvent
mal estimé, au point même qu’on lui imputa la rupture du quartette
classique du saxophoniste lorsqu’elle prit la relève de McCoy Tyner.
Dans le troisième chapitre, l’auteur se penche sur la période juste
après la mort de Coltrane, période de la conversion définitive d’Alice
à la spiritualité hindoue au cours d’un pèlerinage en Inde. Le
dernier chapitre, enfin, s'attarde à ses bhajans, musiques créées
pour les rituels religieux de l’ashram dont elle est devenue le gourou.
Le legs musical que nous a laissé Alice Coltrane, morte en 2007, est
certes indissociable de cette spiritualité qui a meublé une grande
partie de son existence, mais il n’en demeure pas moins que c’est
une lecture réductrice. De toute évidence, une véritable biographie,
à la fois plus globale et plus détaillée sur ce personnage hors-norme,
reste encore à faire.
D’autres dames
à l’honneur (et un gentleman aussi)
Pour sa onzième édition annuelle,
le festival d’hiver Jazz en Rafale, mis sur pied par les disques Effendi
et géré par son entreprise affiliée Jazz Services, décline sa programmation
au féminin pluriel. Outre Marianne Trudel (voir ci-dessus), des artistes
d’ici et d’ailleurs s’ajoutent sur sa marquise : les Américaines
Geri Allen (pno) et Terri Lyne Carrington (btr.), la chanteuse française
Elisabeth Kontomanou et sa compatriote saxophoniste Géraldine Laurent,
la Canadienne Jane Bunnett, la pianiste québécoise Julie Lamontagne
(avec la chanteuse Elyzabeth Diaga) et trois autres voix de chez nous,
Dorothée Berryman, Sonia Johnson et Carole Therrien. S’ajoutent aussi,
en première partie, des formations locales en compétition pour le
prix Jupiter-Vandoren, dont le lauréat de l’an dernier, l’ensemble
Atomic 5, se produira en ouverture de la soirée de clôture. (Voir
calendrier jazz+ dans cette section pour l’horaire complet des concerts.)
Notons en terminant une autre heureuse
nouvelle : le pianiste Rafael Zaldivar, qui partagera la scène avec
Terri Lyne Carrington le 26 mars prochain, a été choisi Découverte
de l’année au récent gala annuel des Prix Opus du Conseil québécois
de la musique, première distinction accordée à un musicien de jazz
de chez nous. Depuis son arrivée au Québec en 2005, ce pianiste cubain
se fait de plus en plus remarquer, autant en ville, suivant l’obtention
du prix de la relève de Jazz en Rafale, édition 2009, que sur la scène
internationale, où il s’est rendu jusqu’aux demi-finales du concours
international de piano jazz Martial Solal. Outre une bourse monétaire,
son prix lui donnera l’occasion de réaliser son prochain album dans
le studio 12 de Radio Canada. Dans les mois à venir, il est invité
à jouer devant les présentateurs de spectacles québécois du réseau
Rideau et s’envolera par la suite à Brème en Allemagne à l’invitation
de JazzAhead, la prestigieuse vitrine européenne. Bon vent, M. Zaldivar
! MC
Actualités ambiantes
Marc Chénard
Il y a de cela un an, une onde de choc
déferla sur la communauté musicale lorsque le Conseil des Arts
du Canada lui servit un cadeau empoisonné : d’une part, il annonça
une augmentation de l’enveloppe budgétaire des subventions pour la
production d’enregistrements sonores, mais de l’autre, il abolissait
le programme d’appui aux musiques dites spécialisées. Peu importe
que l’on soit un groupe de la relève faisant ses premiers pas, un
ensemble de musique expérimentale ou une formation bien établie en
musique pop, tout le monde était désormais placé dans le même bateau,
avec les pires conséquences imaginables. Certains appréhendaient l’hécatombe,
en l’occurrence la disparition de nombreuses étiquettes de disques
indépendantes laissées pour compte dans l’attribution des fonds
publics. Mais en cette nouvelle année, qu’en est-il de la prétendue
déconfiture de ces musiques dites marginales ?
Si l’on considère le jazz, parmi d’autres
musiques créatives, le désastre n’a pas eu lieu, du moins pour le
moment. En fait, la production se maintient et les nouveautés continuent
d’affluer. Il serait alors malvenu de sonner le glas, mais les impacts
de ces politiques ne se font sentir qu’à plus long terme. Tel est
le point de vue de Joane Hétu, directrice du label Ambiances magnétiques
et de sa maison de distribution DAME. « Il ne fait aucun doute que le
milieu est considérablement fragilisé par cette politique du fédéral,
mais cela ne nous a pas empêchés de produire plusieurs titres l’an
dernier (voir ci-dessous) et d’en ajouter de nouveaux à notre catalogue. »
Au moment de cette conversation, le tout nouvel enregistrement du trio
Derome-Guilbeault-Tanguay venait d’arriver au bureau (album dont nous
reparlerons autour de son lancement, prévu pour le printemps). « En
1992, poursuit-elle, j’ai assisté au passage du vinyle au CD en plus
d’avoir mis sur pied DAME, un travail considérable que je devais
gérer de front avec ma carrière artistique. Après tout ce temps,
une certaine fatigue s’installe et j’ai envie de passer le flambeau. »
Pour l’avenir, toutes les options sont ouvertes, maintient-elle, son
souhait le plus ardent étant de trouver des successeurs prêts à négocier
le prochain tournant, soit celui du format compact au mode virtuel.
Avis aux intéressés.
Au-delà
du concert : la polyvalence incarnée
par Anne Stevens
Chez les musiciens, rares sont ceux qui
occuperont un seul et même emploi tout au long de leur carrière. La
vaste majorité d’entre eux doivent au moins enseigner la musique
en parallèle à leur pratique musicale proprement dite. La précarité,
ils la vivent au quotidien d’une carrière qui se compose essentiellement
d’un cumul de fonctions temporaires, à temps partiel, contractuelles
ou à la pige.
Un exemple précis d’un musicien
dont la carrière est représentative de cette polyvalence tant prisée
? Louis Lavigueur. En plus d’enseigner l’initiation à la direction
et la direction chorale au Conservatoire, ce chef, directeur artistique
et pédagogue dirige plusieurs ensembles : l’Orchestre symphonique
des jeunes de Montréal, l’Ensemble Sinfonia de Montréal, le Chœur
du Conservatoire de musique de Montréal, l’Ensemble vocal Polymnie
de Longueuil, le Chœur polyphonique de Montréal et le Chœur classique
de Montréal. Jusqu’en 2009, il enseignait également à l’école
Pierre-Laporte, où il dirigeait aussi cinq chœurs et deux orchestres.
Or, cette vie est, selon lui, « loin d’être inhabituelle » chez
les musiciens professionnels, que ce soit « par goût ou par nécessité
».
En dehors d’une charge de cours
qui représente déjà à elle seule un emploi à temps partiel, des
répétitions de trois heures pour chaque ensemble, et les concerts
ou tournées des uns et des autres, le chef et directeur artistique
doit également siéger à des réunions, des jurys et des conseils
d’administration, donner des conférences, composer des programmes
et des calendriers, commander des partitions, faire passer des auditions,
rencontrer des solistes, parler aux commanditaires… Cela demande une
bonne dose de discipline et de rigueur, des qualités qui se sont
développées chez des instrumentistes habitués à s’exercer pendant
six à sept heures par jour dans le cadre de leurs études.
Autre aspect crucial du travail
du directeur artistique : le choix et l’analyse du répertoire. Celui-ci
doit être sélectionné en fonction des possibilités et caractéristiques
du chœur ou de l’orchestre, d’un niveau assez élevé pour représenter
un défi, mais pas trop afin d’éviter le découragement. La programmation
« doit être intéressante pour les choristes et pour le public aussi,
parce que les concerts financent les activités en général ». Une
fois les partitions reçues, il faut les analyser, puisque, souligne-t-il,
« je dois travailler avant d’arriver en répétition, comme tout
le monde ». À l’analyse formelle s’ajoute, dans les œuvres orchestrales,
la détermination des coups d’archet, nécessaire afin d’assurer
l’uniformité, et qui peut prendre des heures.
Oui, les artistes pourraient en
dire long sur la précarité et les horaires fous. Mais en ce qui concerne
Louis Lavigueur, il se considère comme un privilégié : le fait de
ne pas avoir d’emploi à temps plein lui évite d’avoir à braver
des interdits ou de se retrouver face au vide en cas de pépin, il travaille
avec beaucoup de gens (au moins 700 personnes par semaine), ce qu’il
adore, les tournées lui donnent l’occasion de rencontrer différents
publics et de jouer dans des salles magnifiques, et « je passe mon
temps avec des chefs-d’œuvre, et avec des génies, et ça c’est
incroyable ».
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