Critiques / Reviews
July 1, 2011
Flash version here
Critiques / Reviewers
NB: Normand Babin, RB: René Bricault, FC: Frédéric
Cardin, EC: Éric Champagne, PG: Philippe
Gervais, WSH: Stephen Habington, AL:
Alexandre Lazaridès, PP: Pemi Paull,
JKS: Joseph K. So
DISQUES
Alexandre Tharaud plays Scarlatti
Alexandre Tharaud, piano
Virgin Classics 5 099964 201627 (70 min 45 s)
À l’instar de ces clavecinistes
qui nous persuadent sans peine que les sonates de Domenico Scarlatti
ne peuvent être exécutées que sur leur instrument, Alexandre Tharaud,
comme Horowitz ou Zacharias, nous convainc, lui, que ces mêmes œuvres
sonnent de façon souveraine au piano – un magnifique Yamaha en l’occurrence.
C’est affaire non seulement de vision, mais aussi d’équilibre entre
les divers paramètres de la technique musicale. Un tel équilibre ne
peut être confondu avec la pure virtuosité exigée par ces compositions
bithématiques que leur auteur désignait par le terme d’« exercices
», lequel peut sembler maintenant trop modeste. La pondération recherchée
par le pianiste français du rythme, du phrasé et de la dynamique convainc
à tout coup. Le fréquent contraste entre les thèmes des dix-huit
sonates retenues est habilement exploité pour accentuer l’unité
dans la diversité. De la première, la féline K. 380 qui fait entendre
des claquements de zapatéado, à la dernière de son programme, l’élégiaque
K. 9, Alexandre Tharaud se révèle comme un musicien accompli. AL
Bach : 6 Partitas
Irma Issakadze, piano
Oehms Classics OC781 (2 h 29 min 45 s)
Plusieurs critiques ont comparé
le jeu d’Issakadze à celui de Glenn Gould. Si la jeune Géorgienne
n’a pas la flamboyante originalité du grand Canadien, sa présente
offrande n’en demeure pas moins, dans un certain sens, plus satisfaisante
: prise de son aussi rapprochée mais moins dure (avec un moyen-grave
digne de mention), absence de l’insupportable « accompagnement vocal
» gouldien, touche péremptoire mais plus colorée. Mentionnons également
que son ornementation (surtout dans la Première) et ses accords
plaqués atteignent une précision franchement phénoménale. D’un
autre côté, sa hantise de la pédale lui joue des tours, notamment
dans la Quatrième, d’une plate sécheresse. Heureusement qu’elle
n’abuse pas du rubato non plus, car celui-ci semble quelque peu affecté.
Voici donc une performance recommandable, plus pour sa fiabilité que
son sens artistique. RB
Bach : Suites & Partitas
Dom André Laberge, clavecin
Analekta AN29767 (env. 65 min)
Bien que cet album ne soit pas
sans défauts, ces derniers s’estompent quelque peu face à leurs
antithèses respectives. Il ne s’agit pas d’un enregistrement neuf,
mais de la réédition d’une lecture vieille de 22 ans ? La prise
de son initiale est superbe, avec ses graves particulièrement réussis,
et la remasterisation nous fait oublier son âge vénérable. On n’apprécie
guère qu’il s’agisse de transcriptions ? Celles-ci datent pour
la plupart du 18e siècle (jouissant donc d’un certain intérêt historique)
et font voir les œuvres sous un jour nouveau, l’écriture semblant
moins soumise aux contraintes instrumentales. Certains n’apprécieront
pas le rubato « sautillant » propre à l’interprète bénédictin
? D’autres aspects de son jeu, pour ne rien dire de sa franchise et
son intelligence musicales, valent le détour. Bref, si le répertoire
vous intéresse, vous ne serez pas déçu. RB
Beethoven : Piano Sonatas Op. 10,
Nos. 1, 2 & 3
Mari Kodama, piano
PentaTone Classics PTC 5186 377 (59 min 20 s)
En cours d’enregistrement de
l’intégrale des sonates pour piano de Beethoven, Mari Kodama présente
cette année les trois sonates de l’opus 10. Étrangement et sans
explications, les sonates sont données dans l’ordre contraire, soit
3, 2 et 1. Cela ne sera pas la seule incongruité de cet enregistrement.
Madame Kodama (alias Madame Nagano) joue comme une bonne élève le
ferait, avec bravoure, brio et une technique assez irréprochable, ces
sonates qui sont justement plus fréquemment entendues dans les salles
de conservatoire que les salles de concert. Un jeu un peu sec, un son
trop dur, le touché trop rude de la pianiste confèrent à l’ensemble
une austérité certaine. L’absence de magie et d’humour nous éloigne
sensiblement du monde beethovenien pour nous rapprocher de celui de
Bach. Les mouvements lents sont ennuyants, on ne sent pas de ligne conductrice
et Kodama nous égare. L’allegretto de l’opus 10, no 2 devient sous
ses doigts une sorte de sarabande baroque alors qu’on voudrait y entendre
un mouvement de danse. On prendra cet enregistrement pour ce qu’il
est : partie d’un tout à venir, témoignage d’une certaine façon
de concevoir le corpus beethovenien qui manque de maturité. NB
Brahms :
Œuvres complètes pour violon et piano
Arabella Steinbacher, violon; Robert Kulek, piano
PentaTone PTC 5186 367 (78 min 57 s)
C’est un bien beau violon que
le Stradivarius dont joue Arabella Steinbacher, et elle est attentivement
accompagnée par Robert Kulek. Pourtant, l’approche des deux musiciens,
en dépit d’une complicité patente, plonge rapidement l’auditeur
dans un état d’ennui. Le phrasé est d’un sentimentalisme qui confine
à la léthargie, et le lyrisme uniformément retenu sacrifie cette
pulsation qui est le cœur battant de toute musique. Les thèmes eux-mêmes
à l’intérieur d’un mouvement subissent le même traitement indifférencié,
avec des tempos plus ralentis qu’il n’est souhaitable. Le ciel intérieur
de Brahms est sans doute nordique, mais contrairement à d’autres
interprétations (Suk et Katchen chez Decca, Perlman et Barenboïm chez
Sony), nulle âpreté, nulle éclaircie ne vient ici dissiper sa grisaille
pour mieux en démontrer la profondeur ou la ténacité, en un mot,
pour la rendre nécessaire. Cette recherche de la beauté sonore pour
elle-même, réussie jusqu’à un certain point, montre assez vite
ses limites. AL
Chants juifs pour violoncelle et piano
Sonia Wieder-Atherton, violoncelle; Daria Hovora, piano Naïve V 5226 (77 min 14 s)
On pourrait qualifier de « totale
» cette production sophistiquée et raffinée. Non seulement la musique
y est-elle jouée avec passion et intelligence, mais le livret bilingue
français-anglais laisse toute la place aux réflexions personnelles
nuancées par un brin de philosophie et de poésie ici et là. Les notes
biographiques et musicologiques habituelles sur les œuvres au programme
sont donc remplacées par les considérations humanistes de l’interprète,
ce qui amène l’auditeur dans une dynamique d’écoute colorée à
la fois par la musique elle-même, mais aussi par le climat émotif
et spirituel dessiné par Sonia Wieder-Atherton. Certains pourraient
accuser l’artiste de nombrilisme. Attaque d’autant plus fausse qu’elle
est facile. Pour l’auditeur attentif et sensible, le résultat en
restera inchangé : la beauté tangible et intangible, musicale et spirituelle
est manifeste et indéniable. À travers ce périple au pays de la «
nostalgie du vivre », là où la mélancolie est une facette indissociable
de l’existence même, on est bouleversé par la prégnance de la mémoire,
diffuse et omniprésente, des racines originelles de l’être (juif)
et la tristesse incommensurable de devoir s’en éloigner à chaque
instant qui passe. Autour des chants traditionnels (tels le Nigun, Kol
Nidre, Kaddish, etc.) revisités par Wieder-Atherton elle-même, on
retrouve le Chant populaire no 4 de Ravel ainsi que 5 pièces d’Ernest
Bloch. Superbe. FC
Chopin : Tableaux intimes
Jean-Pascal Hamelin, piano
Fidelio musique FACD034 (70 min 26 s)
Parmi la déferlante d’enregistrements
de Chopin, celui d’un chef d’orchestre étonne un peu. Ici, le répertoire
va des œuvres les plus célèbres aux trop souvent entendues.
Malgré tout un carnet d’explications, Jean-Pascal Hamelin n’arrive
pas à convaincre des raisons qui l’ont amené à produire cet enregistrement.
Le son est souvent dur, et l'on sent le pianiste à la limite de sa
technique, notamment dans la grande Polonaise «Héroïque»
opus 53 ou dans l’Étude opus 25, no 12. La Grande Valse
opus 42 s’achève de façon anémique (à bout de souffle ?) et les
Nocturnes sont en général un peu chiches en émotion. Mais le jeune
chef ne prétend pas livrer ici un enregistrement de référence. Il
veut laisser une empreinte intime de son Chopin. En cela, le
CD devrait plaire aux admirateurs de Jean-Philippe Hamelin, à ceux
qui suivent de près sa carrière et qui voudraient en connaître plus
sur lui. Une confession musicale, une montée de nostalgie pour un chef
qui manque un peu de temps pour travailler son piano. NB
Echoes of Nightingales
Christine Brewer, soprano; Roger Vignoles, piano
Hyperion CDA67813 (65 min 52 s)
The “nightingales” in the album title refer to four legendary sopranos
of the past (1930s to 1970s) – Kirsten Flagstad, Helen Traubel, Eileen
Farrell and Eleanor Steber. These ladies often ended their recitals
with encores of songs by (mostly) American composers the likes of Leonard
Bernstein, Sidney Homer, Sigmund Romberg, Ernest Chares, and Edwin McArthur,
the last happened to be Flagstad’s accompanist and also played for
the notorious Florence Foster Jenkins under the pseudonym Cosme McMoon.
Soprano Christine Brewer was introduced to these songs at seventeen
by her college voice teacher, and now she’s made a delightful disc
of them on Hyperion accompanied by Roger Vignoles. The big, opulent
Brewer soprano is reminiscent of these four great sopranos, particularly
Farrell whom I heard live in the late 60s. These songs of a bygone era
are melodic, harmonically conventional and on the sentimental side –
one could even argue that they are musically lightweight. But in Brewer’s
hands, they become masterpieces. She sings each with refulgent tone
and admirable sincerity and simplicity. Her diction is exemplary, but
perhaps in her determination to articulate each word, her singing on
the “e” vowel above the stave means she sounds occasionally pinched.
Familiar ones include “Some other time” by Bernstein and a favourite
of Farrell as is Harold Arlen’s “Happiness is a thing called Joe”;
Harold Vicars Moya’s “The Song of Songs” was recorded by the great
Richard Tauber; and of course “The Last Rose of Summer” by von Flotow
is the most famous of all. Also delightful are “In my garden” and
particularly “If I could tell you” composed by Idabelle Firestone
and used in the Voice of Firestone in the 1950s. “Review”, the last
song on the album, is Brewer’s own encore, a tongue-in-cheek piece
about a song recital review – I have to say it struck a chord! The
booklet includes a beautifully written essay by the late John Steane,
plus a short note by Brewer on the genesis of this disc. Priceless is
the rather blurry photo of Brewer at 20 with her teacher Glenn Freiner
who inspired this album. Not to be missed for the adventurous song fancier.
JKS
Jiránek : Concertos et sinfonias
Sergio Azzolini, basson; Marina Katarzhnova, violon; Jana Semerádová,
flûte; Collegium Marianum
Supraphon SU-4039-2 (66 min 50 s)
La petite maison Supraphon explore
depuis quelque temps la filière baroque tchèque avec un indéniable
succès. Les compositeurs proposés ici (Brentner, Jacob, Reichenauer,
et maintenant Jiránek), tous actifs à Prague au XVIIIe siècle, sont
aujourd’hui méconnus; pourtant ils valent largement le détour.
Dès les premières mesures du concerto pour basson qui ouvre ce disque,
on est envoûté, et le charme persiste de bout en bout. Jiránek, il
faut le dire, avait bénéficié d’une excellente formation à Venise,
sans doute auprès de Vivaldi lui-même; il possède la virtuosité
du grand maître, mais plus encore le lyrisme et la sensualité, qu’il
colore d’une touche de galanterie. Soliste et accompagnateur invité,
le bassoniste Sergio Azzolini est un formidable souffleur. Il fait totalement
corps avec son instrument et lui imprime mille nuances expressives,
comme s’il voulait à travers chaque mouvement raconter une histoire,
amusante ou tragique. En plus de deux concertos pour basson, on trouvera
ici un délicat concerto pour flûte et un autre pour violon, plus dramatique,
de même que deux sinfonias orchestrales, sur le modèle des ouvertures
d’opéras italiens. Le Collegium Marianum, ensemble baroque pragois,
convaincu que cette musique se défend fort bien d’elle-même, l’aborde
avec une simplicité et un naturel tout à fait charmants. Que du bonheur
! PG
Kathia Buniatishvili : Franz Liszt
Kathia Buniatishvili, piano
Sony Classical 88697766042 (59 min 9 s)
Dans la jeune vingtaine, Kathia
Buniatishvili est déjà une interprète accomplie, une artiste parfaitement
assumée. Elle a choisi Liszt pour son premier enregistrement, et c'est
là un choix judicieux. La pianiste sait programmer comme peu. D'entrée
de jeu, le très célèbre Liebestraum en la bémol majeur révèle
la grande poétesse qu'elle est. Vient la pièce de résistance: la
Sonate en si mineur. Passant aisément du plus lent au plus rapide,
de l’extrême pianissimo au plus tonitruant forte, de la mélodie
la plus poétique à la plus pure sauvagerie, la pianiste habite cette
pièce, lui insuffle toute sa personnalité. D'aucuns demeureront perplexes
devant le résultat, mais voilà indéniablement un enregistrement qui
fera date. La Valse Méphisto confirme la prodigieuse technique
de Buniatishvili, et la puissance dramatique de La lugubre Gondole
achèvera de convaincre les sceptiques. Voilà une immense artiste.
La pianiste géorgienne conclut avec un arrangement d’un prélude
et fugue de Bach par Liszt, pages apaisantes au sortir d'une fabuleuse
et diabolique tornade. NB
Kimmo Pohjonen/Samuli Kosminen: Uniko
Kimmo Pohjonen, accordion & voice; Samuli Kosminen, string &
accordion samples, programming; Kronos Quartet (David Harrington, John
Sherba, violins; Hank Dutt, viola; Jeffrey Ziegler, cello)
Ondine ODE 1185-2 (51 min 49 s)
Here’s a neat lesson in brand name recognition and the advantage of
a dedicated fan base. The cover of this album is dark blackish brown
with red streaks. The title and artists are given in tiny letters and
it is necessary to look into the booklet to establish Pohjonen’s and
Kosminen’s claim to composition and arrangement of the music (a commission
for Kronos). Aside from credits and acknowledgements, the data sheet
is no more informative than Pohjonen’s website. What (or who) is Uniko
other than an international manufacturer of something?
The cultural drift of the 21st century
seems in large part to be devoted to refuting Rudyard Kipling’s dictum
that “East is east and west is west and never the twain shall meet.”
Uniko is an occident-orient express that crashes through all the barriers.
Grasping for a comparative, it suddenly occurs and the composers have
been listening to the soundtracks created by Goran Bregović for the
fabulous films of Emir Kusterica. The similar fusion of computer and
instruments and the driving rhythms are indeed suggestive of the Balkan
Peninsula. Whether or not that’s what the composers intended, some
wizard string playing emerges from the electronic backup. Cross-under
concept notwithstanding, this is bracing music. Heartily recommended
to Kronosaurs everywhere. WSH
Land of Living Skies : Trios d'anches
canadiens
Membres du Quintette à vent Estria
Centredisques CMCCD 16811 (63 min 15 s)
Les trois musiciens d'instruments
à anche du Quintette Estria – Étienne de Médicis, hautbois; Pauline
Farrugia, clarinette et Michel Bettez, basson – interprètent avec
brio un répertoire qui gagne à être entendu plus souvent. Plus homogène
que le quintette à vent, le trio d'anches est tout de même riche en
couleurs et les compositeurs regroupés ici l'ont exploité avec une
diversité surprenante. Ce CD s'ouvre sur une sérénade néo-classique
de Stewart Grant, œuvre qui évoque la musique de chambre pour vents
de Mozart. Der Goldfish «Le poisson rouge
» de Marc O'Reilley offre un univers sonore d'une grande inventivité
et d'un charme indéniable. Le Chant de Pauline de Denis Gougeon
envoute par ses sonorités chaleureuses et son lyrisme soutenu. Les
Fragments / Metamorphosis de Robert Lemay sont plus sombres mais
d'une qualité d'écriture notable. Finalement, Land of Living Skies
II d'Alain Perron explore la perception de mouvement et d'immobilité
dans une œuvre d'un souffle envoutant. Il est à souligner que le répertoire
de ce disque a été entièrement composé pour les membres du Quintette
Estria, qui poursuit ainsi sa mission de promouvoir la musique d'ici
avec éloquence. Confié à des musiciens si talentueux, on ne peut
que succomber au charme de ces musiques. EC
Mahler : Symphony no. 8
Merbeth, van den Heever, Marin, Grigorian, Henschel, Botha, Daniel,
Youn, solistes; Wiener Singakademie, Slovak Philharmonic Choir, Wiener
Sängerknaben, ORF Radio Symphony Orchestra Vienna/Bertrand de Billy
Oehms Classics OC768 (78 min)
Parfois, dignes efforts et bonnes
intentions offrent peu de récompenses. À la défense des musiciens,
le principal irritant de ce disque provient des limites de l’acoustique
et de la prise de son. La seconde, justement à cause de la première,
s’avère fort diffuse : accentuant telle ligne ici, là l’étouffant
sous une autre, ou là encore exagérant le moindre contraste dynamique
indiqué dans la partition. N’empêche que le joyeux sens de la grandeur
des troupes dirigées par de Billy ne suffit pas à faire oublier leur
insupportable incohérence interprétative, traitant cette Huitième
comme un drame opératique italien : vibrato extrême (surtout au soprano
solo), phrasé pleurnichard, envie de se démarquer. Sans doute que
l’aspect visuel et l’expérience en commun du concert peuvent justifier
pareils élans, mais le disque demeure impitoyable à cet égard. RB
Gustav Mahler: Symphony No. 9
WDR Sinfonieorchester Köln/Jukka-Pekka Saraste
Profil PH 10035 (79 min 49 s)
Jukka-Pekka Saraste inaugurated 2011 with a stupendous recording of
Mahler’s Sixth Symphony with the Oslo Philharmonic for Simax. Turning
to his other orchestra in Cologne, Saraste presents us with an equally
impressive account of the Ninth. It is a very individual interpretation.
Saraste follows his own star; neither the morbid editorializing of Leonard
Bernstein nor the conscious beautification of the music in the Karajan
manner is allowed to intrude on the proceedings. This is objective Mahler
of the highest degree. And yet the conductor’s best intentions would
come to naught without the keen response of the orchestra. Their playing
is well-nigh faultless. The strings take flight instinctively, wind
projection is perfectly proportioned (including the cheekiest of all
clarinet glissandos), and the whole performance is balanced (as is the
audio recording) to a fine tilth. With his second distinguished recording
of Mahler to be released in as many months, there are ample grounds
to suspect that Saraste is a conductor of genuine vocation for the music.
Don’t miss it. WSH
Pergolèse : Stabat Mater, Salve Regina,
Messe
Gemma Bertagnolli, Barbara Schlick, soprano; Sara Mingardo, contralto;
Concerto Italiano/Rinaldo Alessandrini; Europa Galante/Fabio Biondi
Naïve (3 CD : 58 min, 58 min 39 s et 79 min 39 s)
Deux de ces trois CD vendus maintenant
sous étui pour un prix modique avaient paru, il y a une quinzaine d’années,
sous le label Opus 111, racheté par Naïve au tout début de ce siècle.
Le titre qui leur a été donné ne dit pas tout au sujet de cette anthologie
apparemment réservée aux chefs-d’œuvre sacrés de Pergolèse. En
fait, deux autres compositeurs figurent au programme : Alessandro Scarlatti
et Leonardo Leo. Pergolèse est joué avec conviction, mais sans couleur,
par Biondi qui dirige ses deux Salve Regina, suivis de celui de Leo,
avec, comme soprano, Barbara Schlick, voix alors (1995) plus cristalline
mais sans réelle aisance dans l’aigu, quoique toujours émouvante.
Rinaldo Alessandrini est chargé des Stabat Mater de Pergolèse et de
Scarlatti, chantés avec plus de soin que d’ardeur par Gemma Bertagnolli
et Sara Mingardo quelque peu contraintes par la battue du chef. Avec
le recul, la direction d’Alessandrini en 1998 semble bien trop compassée
par ses lenteurs excessives et ses contrastes recherchés. Il s’en
tire mieux dix ans plus tard dans l’admirable Messa Romana de Pergolèse
et la Messa per il Santissimo Natale de Scarlatti, œuvre d’une écriture
maîtrisée, même si l’interprétation vocale pourrait ici appeler
quelques réserves. AL
Prokofiev: Complete Violin Sonatas
Benjamin Beilman, violin; Yekwon Sunwoo, piano
Analekta AN 2 8763 (64 min 24 s)
Benjamin Beilman, the first prize winner of the 2010 Montreal International
Music Competition, has revealed himself to be a serious talent on his
first release, the complete violin sonatas of Prokofiev. Reminicent
in approach to the original interpreter of these works, David Oistrakh,
Beilman attacks all three sonatas with measured ferocity. Like Oistrakh,
he produces a warm, round, seemingly effortless sound. One never has
the slightest doubt about his musical intention or concentrated intensity
of his playing. Indeed the poise and polish in Beilman’s playing is
very impressive, and he has the makings of a major concert artist. The
only drawback to this recording is the very comfort and ease that comes
with such a refined reading. Occasionally one misses the edgy darkness
which is at the heart of much of Prokofiev’s writing, especially in
the op. 80 sonata. Time will tell if Beilman can find the incisiveness,
unpredictability and chilliness that a great artist like Kremer brings
to the first movement of that sonata, for instance, without losing any
of the assurance and maturity he already has in spades. Nonetheless,
it certainly is a wonderful interpretation and a fine recording, and
well worth repeated listens. PP
Rachmaninoff : Symphony No. 2
Orchestra Dell’Academia Nazionale di Santa Cecilia/
Antonio Pappano
EMI 9494622 (env. 66 min 30 s)
La Seconde de Rachmaninov
est une œuvre intéressante quoique décousue. Les thèmes et leurs
développements virevoltent dans tous les sens, sans créer de véritable
unité (à témoin le second mouvement). Voilà une bonne leçon pour
les apprentis compositeurs : la construction par cellules mélodiques
clairement définies, si cruciale à la cohérence thématique,
ne peut assurer par elle-même la cohérence formelle, qui demeure
un défi distinct. Pappano, de toute évidence, a fait preuve de jugement
en refusant de s’encombrer d’une conception globale pour se concentrer
sur la pure opulence orchestrale des différents «moments» musicaux.
Ainsi, on peut apprécier pleinement les indéniables qualités de l’œuvre
sans trop s’irriter de ses effets kaléidoscopiques. L’ajout du
bref, charmant et rare Lac Enchanté d’Anatoly Lyadov contribue
par ailleurs au succès de l’ensemble. RB
Richard Danielpour: The Enchanted
Garden, Preludes, Books 1 & 2
Xiayin Wang, piano
Naxos 8.559669 (49 min 37 s)
Composés à 17 ans d’intervalle,
les deux livres de préludes pour piano de Richard Danielpour présentent
néanmoins de grandes similitudes stylistiques. Ces courtes pièces
sont des évocations; elles relatent un souvenir, une histoire. Le jardin
enchanté du titre est en fait le jardin privé de Danielpour, et ses
préludes sont parfois assez programmatiques pour faire croire à un
film qui se déroulerait sous nos… oreilles ! Les influences du compositeur
américain sont assez faciles à décrypter. Messiaen pour les harmonies,
Chostakovitch pour l’ironie, Ginastera pour les rythmes et certaines
grappes de notes, Gershwin pour l’aspect jazzy, notamment dans
Lean Kat Stride, une des plus belles réussites de cet album. L’écho
le plus fort est toutefois celui de Debussy. Pouvoir d'évocation, symbolisme,
impressionnisme et structure rendent hommage au maître français. L’interprétation
livrée par la pianiste d’origine chinoise, établie aux Etats-Unis
et commanditaire du second volume de Préludes, est assez juste en général.
Le son est souvent un peu sec, voire dur, et Xiayin Wang semble parfois
s’ennuyer dans les mouvements « faciles à jouer ». Mais l’ensemble
présente beaucoup de difficultés techniques où la pianiste brille
avec un plaisir évident. NB
Rossini : Arias
Julia Lezhneva, soprano; Sinfonia Varsovia, Warsaw Chamber Opera
Choir/Marc Minkowski
Naïve V5221 (58 min)
En 2007, la soprano russe Julia
Lezhneva, alors âgée de 17 ans, stupéfie le public et le jury du
concours Elena Obraztsova par une interprétation ensorcelante de la
scène finale du Zelmira de Rossini (vue depuis plus de 35 000
fois sur YouTube). Aussi était-il tout naturel que la chanteuse consacre
son premier récital solo à Rossini, comme l’avait fait Cecilia Bartoli
il y a vingt ans. La voix de Lezhneva, agile et veloutée, possède
en effet une étendue exceptionnelle qui l’amène jusqu’au registre
de contralto, atout précieux dans ce répertoire. Toutefois, ce n’est
pas tant l’ampleur des moyens vocaux de la chanteuse qui suscite l’admiration
que l’élégance et l’expressivité avec lesquelles elle en use.
Voyez comme les ornements dont Rossini parsème sa musique paraissent
ici presque improvisés, tant ils sont exécutés avec grâce. Et que
de douce tristesse – de morbidezza – dans la prière de Pamyre ou
la chanson du saule ! Au pupitre, Marc Minkowski dirige avec son enthousiasme
habituel et tire le meilleur parti possible de la Sinfonia Varsovia,
même si on eut préféré l’entendre à la tête de ses Musiciens
du Louvre, qui maintenant s’aventurent souvent au-delà du XVIIIe
siècle. PG
Rostropovich conducts Prokofiev: The
Complete Symphonies
Orchestre National de France/Mstislav Rostropovich
Erato 2564 69675-5 (4 h 41 min 52 s)
Les critiques ont été mitigées
à l’époque de la sortie de ces lectures des symphonies de Prokofiev
par son compatriote Rostropovich. Plusieurs ont détesté cet ensemble.
Est-ce parce que Rostropovich était un chef par procuration ? Est-ce
parce qu’un grand instrumentiste laissera toujours des doutes quant
à ses capacités de direction, surtout lorsque celle-ci devient une
deuxième carrière, amorcée à l’automne de la vie artistique ?
Peu importe la réponse, le mélomane consciencieux aura néanmoins
du plaisir à écouter la « vision » que le chef-violoncelliste russe
insuffle à ces partitions monumentales du répertoire symphonique moderne.
Les tempi plutôt lents enlèvent un peu de dynamisme à l’ensemble,
mais cela ajoute au pathos inhérent à ces exemples probants de l’âme
russe du XXe siècle. L’Orchestre National de France n’est peut-être
pas le véhicule tout désigné pour ces symphonies, mais il réussit
dans ces lectures à projeter et construire un édifice sonore de haut
niveau. Rostropovich en est certainement grandement responsable. Ce
corpus s’avère, en fin de compte, un ensemble tout à fait digne
d’intérêt qui mérite mieux que le mépris facile dont il aura été
victime pendant longtemps. Et ce, à prix économique. FC
Saint-Saëns : String Quartets
Fine Arts Quartet
Naxos 8.572454 (62 min 48 s)
On connaît encore trop peu la
musique de Camille Saint-Saëns. L’omniprésence étouffante de quelques
«tubes » nous fait souvent douter de sa pleine valeur de compositeur.
Pourtant, plusieurs enregistrements de sa musique de chambre, entre
autres, montrent à quel point ce répertoire négligé par les programmateurs
de concerts aurait des richesses remarquables à nous apporter. Les
deux quatuors à cordes présentés ici sont des œuvres de maturité.
Le premier, en mi mineur op. 112, date de 1899 et le deuxième, en sol
majeur op. 153, de 1918 (donc, écrit par un homme de 83 ans). L’op.
112 marque le pas avec son romantisme brahmsien allégé par une économie
toute française. La partition de premier violon est aérienne et virtuose,
trahissant le dédicataire principal de l’oeuvre, le violoniste Eugène
Ysaÿe. L’op. 153 quant à lui, ne démontre pas les affres de la
Grande Guerre en train de se terminer, ni l’évolution radicale du
langage musical amenée par Stravinski ou Schoenberg. Le quatuor n’en
est pas moins une démonstration brillante de savoir-faire et de profondeur
stylistique de la part d’un homme arrivé en fin de parcours avec
un bagage intellectuel et artistique d’un niveau exceptionnel. Interprétations
justes et soignées. FC
Shostakovich
– Weinberg: Piano Quintets
Matthias Kirschnereit, piano; Szymanowski Quartet
Hänssler Classics CD93.260 (75 min 59 s)
Correct n’est pas mauvais.
Tout dans cet enregistrement tend à le prouver. Déjà les œuvres,
intéressantes mais pas géniales. Certes, l’écriture de Chostakovitch
est plus subtile, plus raffinée que celle de Weinberg, mais celui-ci
montre un sens ludique qui lui permet de rivaliser avec son célèbre
aîné. La prise de son, assez réussie elle aussi, est trop neutre
pour enchanter. Finalement, les interprètes s’acquittent de leur
besogne avec de l’entrain et une bonne écoute mutuelle, mais n’atteignent
pas l'indescriptible état de grâce qui bouleverse ceux qui ont la
chance d’en faire l’expérience. Le résultat fera plaisir aux amateurs
d’une musique de chambre qui se veut moderne, mais qui refuse le plongeon
dans l’avant-garde proprement dite. RB
Southam : Glass Houses Revisited
Christina Petrowska Quilico, piano
Centredisques CMCCD 16511 (58 min 10 s)
Bien qu’écrites avec Philip
Glass en tête, ces Glass Houses ressemblent plutôt aux œuvres
pour piano de John Adams par leur élan mélodique et formel. La mécanique
sublime des « processus » du Steve Reich des années soixante-dix
n’y est pas absente non plus; cela s’explique par une méthode de
composition différente mais au moins aussi rigoureuse : des ostinati
(aussi vifs que stricts) à la main gauche servent de fondement contrapuntique
au déploiement de mélodies (populaires) à la main droite. Le tout
s’anime dans un étourdissant décalage rythmique. Mme Quilico, dans
les notes de programme, compare les difficultés d’exécution à celles
des Études de Ligeti; cela semble assez juste. Auteure desdites
notes de programme, proche collaboratrice de la compositrice sinon sa
co-créatrice dans le travail d’organisation et d’édition, la pianiste
joue avec toute la sérénité, la joie de vivre et la précision attendues.
Un bonheur pour les amateurs, mais aussi une excellente initiation pour
ceux qui croient ne PAS aimer la musique contemporaine canadienne…
RB
Telemann: Trios & Quartets
Epoca Barocca
CPO 777 441-2 (65 min 57 s)
Florilège de morceaux pour instruments
à vent et basse continue (quelques-uns intègrent violon et violoncelle),
cette production soignée est éminemment recommandable. La prise de
son claire et directe participe au succès de l’entreprise, et le
jeu de l’ensemble Epoca Barocca est fort bien équilibré, quoiqu’en
retenue par rapport à un standard actuel de «baroquisme» extravagant
et expressionniste. Bien sûr, tous reconnaîtront qu’il est plus
difficile pour un bassoniste ou un hautboïste d’attaquer les notes
avec autant de «sauvagerie» qu’un cordiste avec son archet. Mais
qu’à cela ne tienne, l’approche soutenue par l’ensemble est heureuse
et plaisante. FC
Yundi plays Chopin live in Beijing
Yundi Li, piano
EMI 50999 6 31639 2 (CD : 70 min 58 s)
Deux grandes polonaises encadrent
ce récital de Yundi (il a laissé tomber le « Li ») enregistré à
Pékin en 2010. Magnifique, l’Andante spinato et grande polonaise
brillante opus 22 est une œuvre un peu capricieuse à la beauté
insaissisable par moments. Yundi la rend ici avec grâce et une technique
éblouissante. Quelle intelligente entrée en
matière ! En clôture, la Polonaise opus 53, si souvent
jouée, est rendue avec une fougue rare et autant de panache. Cette
pièce est décidément la plus enlevante du programme. Ce qui sépare
entre les deux polonaises ? Voilà où le bât blesse. Le pianiste chinois
interprète pour la première fois en public la Sonate no 2.
Cette exécution méritait-elle un enregistrement ?… Les Mazurkas,
les Nocturnes sont à l’image de la sonate, sans âme. Yundi retrouve
son inspiration juste avant la polonaise finale, et joue avec passion
le Nocturne no 5. Pour terminer, des rappels mièvres, dont une
pièce traditionnelle inécoutable. Ce récital demeure inoubliable
pour son début et sa fin. Un DVD du concert est inclus dans le petit
coffret. NB
The Romantic Piano Concerto 53 - Reger:
Piano Concerto in F minor; Strauss: Burleske in D minor
Marc-André Hamelin, piano; Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin/Ilan
Volkov
Hyperion CDA67635 (56 min 53 s)
Le concerto de Max Reger est un véritable monstre musical d’une rare
densité sonore. Le critique Nicolas Slonimsky disait même que cette
oeuvre était harmoniquement
« visqueuse ». Plusieurs pianistes se sont cassé les dents sur ce
morceau coriace qui exige une rare bravoure et une formidable endurance
physique. Ces exigences réclamaient manifestement l’arrivée d’un
certain Marc-André Hamelin, qui les exhibe avec générosité depuis
déjà de nombreuses années. Le Concerto de Reger se déroule
et s’épanouit par vagues sonores où la palette thématique post-post-brahmsienne
sert de véhicule à une expressivité romantique poussée à ses ultimes
limites de cohérence. Le premier mouvement est monumental, tel qu’il
se doit, le largo médian réussit à imprimer un peu de tendresse dans
cette trame touffue, et l’allegretto final ose être dansant. Slonimsky
parlait de viscosité. Il serait plus approprié de parler d’une somptuosité
luxuriante magnifiquement rendue par Hamelin. Une très belle réussite.
Le Burleske de Richard Strauss, bien connu, bénéficie également
du jeu scintillant et éclatant du pianiste québécois. La prise de
son est idéale. Un disque remarquable. FC
DOUBLE VISION
Pascal Tremblay Jazz Faction: Lueurs
Fidelio FACD033
The string quartet, in recent times, has become an all-purpose ensemble.
The pioneering work of groups like the Kronos Quartet have demonstrated
that it can converse on equal terms with a broad range of musical traditions.
Pascal Tremblay Jazz Faction join forces on this disc with the Montreal-based
Claudel-Canimex string quartet, performing works inspired by popular
themes by Debussy, Massenet, Poulenc, Fauré and Rachmaninov. The result
of this experiment is a well performed album by all parties concerned,
despite a recording that favours the sound-world of the jazz combo.
The string sound is one dimensional and a bit raw, the vibrant playing
of the ensemble notwithstanding. The problem with this disc is that
it is not a collaboration or a meeting of genres as it clearly aspires
to be; it is a pretty conventional-sounding jazz album, accompanied
by a written-out back-up string quartet, using the impressionist themes
it borrows as a dressing rather than as a starting point for a more
creative, collaborative exchange. Crossover albums are notoriously hard
to pull off, and this one fails to deliver any new ideas, however pretty
it may be at times. Pemi Paull
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History has shown that jazz and the classics
have rarely made good bedfellows, but that does not deter musicians
from both camps to take a stab at it. Tenor saxophonist Pascal Tremblay
has paired his own jazz foursome (Jazz Faction) with the Claudel-Canimex
String Quartet for this 64-minute side. Two of the nine tracks feature
the leader’s band alone, a sprightly “Rêverie” (derived from
Debussy) and a somewhat mellower “Parabole”. Elsewhere, he turns
over the reigns to the string quartet to interpret “Prelude”, a
concise through-composed piece of his. Also worth noting is the impeccable
sound of this disc, which certainly enhances the listening pleasure.
Yet, the nagging question remains concerning the integration of the
two quartets. Jazz musicians today are more well equipped to tackle
the classical idiom than their counterparts are when it comes to playing
music beyond (or without) the page: in the past, the gap was impossible
to bridge, but there are more improvising string players now than ever,
but it still requires some searching. Marc Chénard, Jazz Editor
DVD & BLU-RAY
Monteverdi : L’Orfeo
Georg Nigl (Orfeo); Roberta Invernizzi (La Musica, Eco); Sara Mingardo
(Messagera, Speranza); Orchestre du Théâtre La Scala/Rinaldo Alessandrini
Opus Arte OA 1044 D (116 min)
Dans cette production montée
pour La Scala en 2009, Robert Wilson, en tant que metteur en scène,
responsable aussi des décors et de l’éclairage, donne libre cours
à ses préoccupations de plasticien à l’affût de nouveautés. Chaque
scène est traitée comme un tableau aux lignes géométriques magnifiées
par un éclairage soutenu et des teintes tranchées, avec beaucoup de
noir et de gris-vert. L’ensemble ne va pas sans rappeler l’opéra
traditionnel chinois, tant la chironomie est recherchée et les maquillages,
accentués comme ceux d’un masque. Le geste, toujours stylisé, soutient
le chant en rivalisant avec lui. Les personnages ont une démarche ralentie
ou se figent dans des postures de statues, ce qui renforce l’impression
qu’ils appartiennent au monde des morts, leur destin ayant été accompli
dès avant le lever du rideau. Cette sorte de distanciation esthétisante
aurait été persuasive si elle ne s’accomplissait pas au détriment
de l’émotion. Le plateau des solistes est dominé par les deux apparitions
de l’intense Sara Mingardo. La déception vient d’Orfeo. La voix
n’est pas belle, le chant n’émeut pas, et les plans rapprochés
desservent Georg Nigl. Le chef semble avoir souscrit à la carte blanche
accordée à Wilson et se contente d’accompagner la scène, un peu
lourdement. Un spectacle d’une efficacité quelquefois originale (l’admirable
rencontre d’Orfeo avec Caronte), mais, au total, plutôt froid. AL
Steve Reich: Phase to Face
Eric Darmon & Franck Mallett, réalisation et production
Naxos 2.110613 (80 min)
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Steve Reich est un génial touche-à-tout
et son parcours artistique, autant que le déroulement de son exceptionnelle
carrière, sont des sujets fascinants habilement mis en lumière dans
ce documentaire d’Éric Darmon et Franck Mallett. On y voit le compositeur,
avec sa sempiternelle casquette de baseball sur la tête, partager ses
impressions et ses souvenirs de créations passées, souvent controversées.
Plusieurs extraits d’œuvres emblématiques telles que It’s Gonna
Rain (œuvre phare s’il en est, peut-être la première à lancer
le principe du « loop » sonore repris depuis par tous les artistes
de la musique techno), Piano Phase, Tehillim, Different
Trains ou son opéra The Cave. On en ressort abasourdi par
la vitalité et l’originalité de ce créateur profondément original,
qui renouvela totalement notre perception de la musique contemporaine
et de ses paradigmes fondamentaux. Fascinant. FC
BOOK
Evenings At The Opera: An Exploration
of the Basic Repertoire
By Jeffrey Langford
Milwaukee: Amadeus Press, 2011. (376 pp)
ISBN: 978-1-57467-187-2
Of the many introductory opera books on the market, most are either
coffee table books that look pretty but have little substance, or are
so comprehensive that its coverage is a mile wide but an inch deep.
This new one by Professor Langford, Chair of the Music History Department
at Manhattan School of Music, is a well-written book that tries to offer
scholarly analyses of the some of the better-known works in the standard
repertoire. It contains 21 chapters divided into 12 parts, covering
operas from Mozart down to 20th century masters the likes of Bartók,
Berg and Britten. There are however some glaring omissions – complete
absence of Baroque and Slavic operas the likes of Gluck, Handel, Tchaikovsky,
Mussorgsky, Janáček; or mid-Twentieth Century giants like Francis
Poulenc, or contemporary composers like Philip Glass or John Adams.
But what is there makes for worthwhile reading – chapters that offer
historical and musical analyses that are accessible to the general reader
but still offer something to the specialist. Take for instance the chapter
on Otello – it does a good job of providing the historical
background, comparing Verdi and Shakespeare, as well as a few musical
examples. There are however very little on performance practice and
practically nothing on recommended recordings in any of the chapters.
Combining Wagner and Strauss into a single chapter of 13 pages is rather
unsatisfactory. There are also some unusual touches, like lumping
Carmen with Italian verismo, a move that is however justified. Given
this is a “serious” volume, there are very few pictures to be found,
just 10 colour photos all from the Met, bunched together in the middle.
Is this the definitive volume? To that I have to say no – it’s virtually
impossible to write a general book on opera and cover all the bases.
Langford mentions in the acknowledgements that the idea came out of
the many pre-concert lectures he gave for the Metropolitan Opera Guild.
Perhaps it stands to reason why the chapters are short and aren’t
terribly challenging musicologically. Personally I find the published
volumes by Canada’s own Father Owen Lee, also written originally as
Met intermission features, to be more erudite. That said, Langford’s
book is a worthwhile read for those needing a quick introduction to
the standard repertoire. JKS |
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