Willem Breuker (1944-2010) Par Marc Chénard
/ 1 septembre 2010
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Chez lui, en Hollande (ce petit royaume qui jazze fort), il faisait office d’enfant terrible.
Dès 1966, ce saxophoniste-clarinettiste et compositeur autodidacte sema l’émoi avec une composition orchestrale assez délurée, mais inscrite dans le Zeitgeist de l’époque. Rapidement, il devint l’un des membres de ce que l’on pourrait appeler la Sainte Trinité de la « New Dutch Swing » (pour employer le titre d’un ouvrage sur cette scène paru en 1998); si le pianiste Misha Mengelberg en était le Père et le batteur Han Bennink son Saint-Esprit, Breuker était en quelque sorte le Fils. Sorte d’enfant prodigue, ce dernier se brouilla avec son aîné, chef du collectif Instant Composers Pool (ICP), pour fonder alors son tentette, le Kollektief, puis sa propre étiquette, BvHaast. Dès 1974, ce boulimique musicien fit tourner sa machine, appuyé d’un personnel étonnamment stable (quatre des membres originaux y étaient encore en début d’année, en dépit d’une réduction de ses activités suivant de graves problèmes de santé et la perte de subsides importants).
Nourri d’abord par le free jazz et par la musique improvisée européenne, Breuker s’en distancia en se consacrant davantage à la composition, retenant toutefois certaines folies et un sens (parfois cabotin et un peu trop calculé) de théâtralité dans ses prestations, jamais moins qu’haletantes. Avec ses charges, il fit le tour du globe plusieurs fois, avec deux performances extérieures enlevantes au FIJM et, dans la dernière décennie, plusieurs passages à la Casa del Popolo.
Bien que saxophoniste, et donc influencé par le jazz, Breuker s’inscrit dans une tradition plus européenne, trouvant une source d’inspiration primordiale du côté de Kurt Weill, période pré-1933. Mort du cancer le 23 juillet dernier (jour d’anniversaire de Steve Lacy, ô coïncidence !), Willem Breuker lègue un œuvre discographique considérable : pièces concertantes, trames sonores, musiques de théâtre, interprétées pour la plupart par sa troupe huilée au quart de tour. Comme les Pays-Bas possèdent une institution d’archives spécifiquement dédiées au jazz, il ne fait aucun doute que son œuvre sera bien conservé, étudié et apprécié à sa juste valeur. |
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