Les arts en campagne

Les candidats à la mairie de Montréal seraient bien avisés de mettre les arts au premier plan. À l’approche d’élections suivant de près une odeur de scandale pour le maire Gérald Tremblay et son Union Montréal, tous les principaux partis – Union, Vision et Projet Montréal – ont mis l’accent sur l’éthique. Mais comme les sondages continuent d’être serrés, c’est leurs positions sur des engagements précis et des questions secondaires comme les arts qui pourraient s’avérer déterminantes.

Le déséquilibre entre l’importance que les politiciens et les citoyens accordent aux arts est quantifiable. La culture n’a obtenu qu’un maigre 1 % dans le dernier sondage sur l’importance des dossiers dans les plates-formes des chefs politiques montréalais; mais lorsqu’on demande aux Montréalais dans le même sondage de quoi ils sont fiers, la plupart répondent que c’est la culture : 79 % dans la population générale et 83 % chez les 18 à 34 ans.

Le rôle déterminant que les arts ont joué dans les élections fédérales de 2008 a amené le président de Culture Montréal Simon Brault à écrire l’ouvrage qui vient de paraître, Le Facteur C, « pour assurer que les arts ne seront pas la préoccupation des seuls artistes, mais celle aussi des politiciens, des bureaucrates et des artistes, ensemble, toujours dans l’intérêt du public ».

« Les gens en veulent davantage, affirme Brault, qui défend les arts comme pierre angulaire de la planification de la Ville depuis plus de 25 ans. Les arts sont ce qu’ils apprécient, c’est l’une des raisons pour lesquelles ils vivent à Montréal. Mais à l’heure actuelle, ils ne voient pas l’hôtel de ville comme un joueur majeur. Les politiciens sont tentés d’ignorer les arts, mais je crois que c’est de moins en moins possible. »

Pour le moment, les arts n’occupent pas une grande place dans les engagements ou les groupes de travail tant d’Union que de Vision Montréal (qui portent sur des choses comme la criminalité ou le transport). D’un autre côté, le négligé Projet Montréal, fondé il y a cinq ans, a fait un effort pour lier les arts directement au programme du parti : le transport et l’écologie. Son engagement à faire de Montréal une « capitale culturelle des Amériques », au coût de 40 millions $, augmenterait l’accès piétonnier aux rues Saint-Paul, Sainte-Catherine, McGill College et Mont-Royal par des événements artistiques de rue et créerait la carte CAMC (Carte Autobus+Métro+Culture), une version de la carte Opus qui comprendrait un accès gratuit aux centres culturels ainsi qu’aux bibliothèques, musées, installations sportives et espaces verts et bleus comprenant le Jardin botanique, le Planétarium et le Biodôme. Bien qu’à court d’idées précises, d’après son entrevue vidéo avec Culture Montréal, la chef de Vision Montréal Louise Harel s’est engagée à doubler le budget actuel du Conseil des Arts.

« Louise Harel établira la norme, ajoute Brault. Il sera intéressant de voir pourquoi, par exemple, M. Tremblay n’appuie pas une telle initiative. »

Les questions clés

Toutefois, l’administration Tremblay a mené à terme le Rendez-Vous 2007 lancé par Culture Montréal, où des engagements comme le développement du Quartier des Spectacles autour de la Place des Arts et un soutien fortement accru des festivals ont été mis en branle. Le programme a été une réussite (même s’il compte ses détracteurs, dont de plus petites compagnies artistiques et des festivals de l’extérieur du centre-ville). Le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, félicite Union Montréal pour ses efforts dans cet important projet, mais il estime que les trois partis continueront tous d’appuyer les phases à venir.

Les promesses des deux partis qui ont pris des engagements précis tournent autour d’autres projets semblables : le Conseil des arts de Montréal, dont tant Projet et Union Montréal se sont engagés à augmenter le budget; l’art public, que Projet Montréal entend favoriser par des concours (dotés d’un budget annuel de 5 millions $) et qu’Union Montréal encouragera en créant un programme de murales pour les jeunes artistes; le programme d’ateliers d’artistes, que Projet Montréal promet de financer en facilitant l’achat, les coopératives ou la location protégée contre la spéculation et que le parti protégera au moyen d’un moratoire sur la conversion en propriétés résidentielles de structures servant actuellement de studios d’artistes, alors qu’Union Montréal promet de créer un programme de studios en résidence. Projet Montréal promet de faciliter l’accès aux organismes culturels en encourageant les réseaux et les groupes d’encadrement et en améliorant l’accès de divers groupes à des espaces comme les Maisons de la Culture où l’entrée est gratuite; Union Montréal promet d’équiper tous les arrondissements d’espaces artistiques communautaires conviviaux et de mettre en place un programme d’aide pour la commercialisation des organismes culturels.

Demeure néanmoins une question rarement abordée : le financement pour promouvoir la présence culturelle mondiale de Montréal.

LeBlanc voit cela comme la clé pour établir Montréal comme une mecque culturelle. « Je n’ai pas encore vu, dit-il, le marquage de Montréal comme métropole culturelle. Nous mettons beaucoup d’efforts pour aider les petites organisations culturelles à atteindre à l’excellence. Nous ne profiterons guère de ce que nous investissons si nous ne les aidons pas à survivre globalement. C’est là que l’argent manque. Il n’est pas nécessaire que ce qui sort de Montréal soit vu à Ottawa, Toronto ou Vancouver. Il faut faire partie d’un échange général d’influence culturelle, s’associer à Montréal, au Québec, au Canada, au monde. Ce faisant, nous sommes aussi influencés, ce qui enrichit la créativité d’ici. »

[Traduction : Alain Cavenne]