De Vienne à Montréal pour l’amour de la musique Par Renée Banville
/ 16 octobre 2008
Grâce à la réputation croissante
dont le Concours Musical International de Montréal (CMIM) bénéficie
sur le plan international, certains mélomanes font de longs voyages
uniquement pour y assister. À la fois homme d’affaires et pianiste
amateur, Christian Beinhoff a
déjà suivi les concours de Bolzano, Bonn, Bruxelles, Leeds, Moscou,
Vienne et Montréal. Venu de Vienne pour la compétition de piano en
mai dernier, il partage avec nous son expérience.
LSM
: Vous êtes venu de Vienne pour suivre toutes les
étapes du concours de piano au CMIM. Qu’est-ce qui a motivé
votre choix ?
CB
: J’ai toujours aimé assister à des festivals et des concours
de musique. Suivre la carrière de jeunes artistes me procure une grande
joie. Si j’ai choisi Montréal cette année, c’est non seulement
à cause de l’importance de ce concours, mais aussi parce que j’avais
envie de revoir cette ville dans laquelle j’ai travaillé comme ingénieur
à la fin des années 1970, en tant que cadre d’une entreprise canado-allemande.
De plus, mes enfants y sont allés à l’école et y ont reçu une
formation musicale.
LSM : Quels changements avez-vous
notés à votre retour à Montréal
?
CB : Montréal
est devenue avec les années encore plus attrayante et plus belle. Je
me sens ici dans une ville aux traditions européennes. Comme mélomane,
je me suis particulièrement réjoui de constater que Montréal est
demeurée la Mecque de la musique en Amérique du Nord. Dans les trente
dernières années, de très belles salles de concerts se sont ajoutées.
Pour un concours de piano, l’acoustique de la salle Pierre-Mercure
est tout à fait appropriée. Tout près de là, dans un cadre beaucoup
plus petit, un nouveau centre musical s’est développé à la Chapelle
historique du Bon-Pasteur. Cette ancienne chapelle de couvent a été
transformée en salle de concert avec un grand souci du détail. Elle
possède en plus cet instrument de rêve, un superbe Fazioli. J’ai
aussi constaté avec plaisir que les critiques musicaux sont encore
lus avec grand intérêt. Depuis des décennies, des critiques mordantes
comme celles de Claude Gingras suscitent des réactions allant de l’approbation
au rejet véhément. Je trouve ça magnifique ! De telles réactions
émotionnelles aux critiques ne se voient plus à Vienne depuis le 19e
siècle.
LSM : Comment voyez-vous l’importance
du Concours Musical International de Montréal dans la discipline du
piano ?
CB : Il existe
environ une centaine de concours de piano, mais seuls quelques-uns sont
vraiment importants. Les exigences à Montréal sont très grandes.
Le répertoire s’étend de la période de Bach jusqu’aux compositeurs
d’aujourd’hui. Il présente des œuvres exigeantes au plan technique.
Quel pianiste proposerait dans un concours, sans y être contraint,
une étude de Debussy ? Dans le cadre du CMIM, le public peut entendre
plusieurs œuvres majeures du répertoire peu jouées dans les concerts
en raison de leurs difficultés techniques. La liste des œuvres admissibles
offre aussi aux candidats une grande liberté dans le choix des programmes,
ce qui évite de lasser le public par la répétition de pièces de
bravoure. Par ses choix, chaque candidat a donc la possibilité de se
présenter au piano à la fois comme virtuose et comme poète. Quant
au jury de Montréal, contrairement à plusieurs concours où les membres
sont peu connus, il comptait plusieurs pianistes réputés ayant remporté
des concours ou fait une carrière internationale. Le haut niveau des
concurrents ainsi que la composition du jury étaient la garantie d’une
compétition captivante.
LSM : Quels talents particuliers
avez-vous découverts parmi les concurrents ?
CB : J’ai
entendu tous les concurrents. Dès le début, j’ai été enthousiasmé
par Nareh Arghamanyan1 (1er prix) et Masataka Takada (2e prix ex aequo).
Je suis convaincu qu’ils sont tous deux à la veille d’une grande
carrière. Nul doute que les prix gagnés à Montréal et la publicité
qui s’y rattache les aideront dans ce sens. L’une de mes favorites,
Sara Daneshpour, n’était malheureusement pas parmi les lauréats.
Son intelligence et son goût exquis, sa technique et son interprétation
irréprochables resteront longtemps gravés dans ma mémoire. Le choix
du jury a montré que les succès ne sont possibles que lorsque les
participants démontrent une personnalité artistique hors du commun
doublée d’une grande maîtrise technique. C’est ce que possédaient
les six finalistes.
LSM : Quelle impression avez-vous
eue de la pièce imposée Fastforward composée par Alexina Louie ?
CB :
J’ai eu la chance de voir la partition de cette pièce pleine d’esprit
et d’ambiance durant une pratique de Masataka Takada. On se rend compte
que la compositrice connaît très bien le piano. Elle montre vraiment
la virtuosité du pianiste classique, mais en même temps celle du pianiste
de jazz, comme nous l’avons senti en écoutant l’interprétation
de l’Américain Carlos Avila.
LSM : Comment avez-vous trouvé
le public du concours ?
CB :
L’enthousiasme du public à Montréal est unique. Bravos et ovations
étaient à l’ordre du jour durant la compétition. Dès la première
épreuve, j’ai été étonné de voir des centaines d’amateurs de
musique faire la queue pour obtenir une bonne place.
Dans les coulisses du Concours
Musical International de Montréal
Comme le souligne
le coordonnateur artistique Simon Blanchet, l’automne est une période
importante pour le recrutement des candidats du prochain concours qui
aura lieu du 18 au 28 mai 2009 et sera consacré au chant. C’est aussi
la période consacrée à la recherche d’engagements professionnels
pour les lauréats. Le Concours s’occupe de la promotion de ses lauréats
auprès des directeurs d’institutions musicales. Pour Simon Blanchet,
il est important de fidéliser les engagements et d’en trouver de
nouveaux. Ce pianiste et musicologue, dont le mémoire de maîtrise
portait sur la continuité de la vie musicale en Allemagne après la
Deuxième Guerre mondiale, ne ménage pas ses efforts pour la continuité
de la vie musicale montréalaise. Il a aidé Susie Napper à mettre
sur pied le Festival Montréal Baroque, tout en travaillant parallèlement
dans plusieurs organismes, dont la Chapelle historique du Bon-Pasteur.
Nul ne doute qu’il soit « l’homme de la situation » et qu’il continuera
à participer au succès du Concours Musical International de Montréal.
1
Voir Joseph So, Nareh Arghamanyan: Virtuosity and heart, LSM
juillet-août 2008, p. 16.
|