Twigg Musique : Cinquante ans au gré des vents Par Marc Chénard
/ 16 octobre 2008
Daniel Twigg s’en
souvient encore. C’était en 1977. Engagé par son père Maurice dans
le magasin de musique familial fondé 19 ans auparavant, l’aîné
des deux fils risqua le tout pour le tout en passant une commande d’instruments
chez Yamaha. « À l’époque, se rappelle-t-il durant une conversation
récente, Twigg Musique n’était qu’un atelier de réparation qui
ne tenait pas vraiment des instruments en stock, on en faisait venir
à la demande des clients. Mais un jour, lors d’une visite chez Yamaha
à Toronto, j’ai décidé de mon propre chef de passer une première
commande, de l’ordre de 250 000 $. Quand les boîtes sont arrivées,
mon père les a vues s’empiler dans le magasin et a voulu savoir le
montant total, alors j’ai pris mon courage à deux mains. Sans rien
dire d’autre, il m’a laissé savoir qu’il espérait bien que je
les écoule, sinon je perdais mon poste. Et je n’avais que trois mois
pour le faire aussi. Je me suis donc mis à contacter des écoles en
ville, puis en province. J’ai pédalé pas mal fort, et j’ai eu
chaud aussi, mais j’y suis arrivé. »
Non seulement
a-t-il relevé le défi, mais Daniel Twigg a dû passer une nouvelle
commande avant son échéance, vu la demande qui se faisait sentir dans
le secteur institutionnel. « Les années 1980 ont d’ailleurs été
marquées par l’éclosion des concentrations en musique dans le domaine
scolaire », souligne Pascal, frère cadet de 12 ans qui fit ses premières
armes au magasin durant cette décennie. Après le décès subit de
leur père en janvier 1989, l’un et l’autre ont alors assumé (et
assuré) la relève en tant que vice-présidents d’une entreprise
familiale présidée depuis par leur mère.
Débuts à Montréal, passage
à Québec
Mais pour tout
commerce, le succès n’est ni garanti d’avance ni assuré du jour
au lendemain. L’histoire de Twigg Musique en est donc une d’une
lente et graduelle progression qui suit la courbe traditionnelle. Apprenti
trompettiste dans sa jeunesse (son professeur ayant comme autre étudiant
un jeune talent fort prometteur du nom de… Maynard Ferguson), Maurice
Twigg travailla d’abord chez Archambault Musique, comme garçon d’ascenseur,
mais de fil en aiguille il a fait connaissance avec l’homme qui est
sans nul doute le pionnier dans le domaine.
« Monsieur
Lemieux, se rappelle Daniel, avait un atelier rue Saint-Denis (l’Hôpital
du musicien) et c’est lui qui réparait pour Archambault. C’était
un vrai "patenteux" qui a inventé toutes sortes d’outils
dont nous nous servons encore de nos jours; certains ont même été
copiés par d’autres et sont employés dans le domaine, mais il n’a
jamais rien breveté. Il était déjà d’un âge avancé et juste
pour dire, il desservait les musiciens de l’orchestre de Calixa-Lavallée,
ça remonte loin ! »
Ayant appris
le noble métier de réparateur d’instruments de musique auprès d’un
réel maître, Maurice Twigg se lance à son tour en affaires, se logeant
dans un local exigu de la rue Notre-Dame-de-Lourdes. En fait, il tient
pignon dans une véritable ruelle (comme nombre de ses clients de la
première heure pourront l’attester) entre 1958 et l974, date où
il doit quitter les lieux en raison de l’aménagement de l’UQAM.
Au fil des ans, l’atelier de réparation a pris de l’ampleur, mais
c’est son développement en tant que détaillant et locateur qui lui
permet de prendre de l’ampleur. De plus, le magasin compte, depuis
1992, une succursale dans la Vieille Capitale. Comme l’explique Daniel :
« Un musicien de là-bas, Jean-Luc Thibault, nous a contactés un jour
et voulait qu’on s’y installe. J’y avais déjà pensé. On s’est
visité de part et d’autre et il n’a pas lâché prise. Cela nous
a permis de servir toute la région environnante, sans oublier la Côte-Nord
au complet jusqu’à Sept-Îles. »
Bonheurs d’occasion
Autre mesure
du succès : l’acquisition de l’édifice de Québec, boulevard Charest,
ainsi que du bâtiment attenant à la maison-mère, située au 1230
de la rue Saint-Hubert. Selon Pascal : « On veut doubler notre superficie
pour avoir plus d’instruments en salle de montre. Peu de gens le savent,
mais nous sommes le plus grand revendeur de percussions de concert (timbales,
vibraphones, etc.) au pays, c’est ce que Yamaha nous dit. Nous n’avons
jamais eu de place pour les montrer, ils sont abrités dans nos deux
entrepôts à l’extérieur de Montréal. À cela, on veut ajouter
d’autres salles d’essayage (ils n’en ont que deux), étendre notre
atelier de réparation avec, peut-être, un service de lutherie haut
de gamme. En ce moment, nous attendons toujours la livraison des permis
pour entreprendre les travaux, cela traîne depuis plus d’un an. On
souhaitait le faire pour le cinquantenaire, mais on devra patienter
encore jusqu’à l’an prochain... »
Les frères
Daniel et Pascal prévoient néanmoins marquer l’anniversaire en grand.
En effet, depuis plus d’un an, ils planifient une soirée gala qui
se déroulera dans l’antre du Club Soda le samedi 18 de ce mois. «
Nous voulons rendre hommage à nos plus fidèles clients, dit Pascal,
et nous lançons l’invitation à 500 d’entre eux. On a fait appel
à Joe Sullivan pour rassembler un big band de circonstance, comptant
certains de ses musiciens et d’autres commandités par Yamaha. En
plus, nous avons réussi à recruter un soliste de marque, le trompettiste
Wayne Bergeron de Los Angeles (un virtuose dans la lignée de Maynard
Ferguson) et d’autres invités-surprises, l’un d’entre eux étant
André Moisan, qui fera ici l’une de ses rares sorties jazz. »
Peu importe
que vous soyez de la partie ou non, Twigg Musique tient un autre as
dans son jeu. Daniel nous révèle, en primeur, qu’une édition
limitée de 50 instruments haut de gamme, gracieuseté Yamaha Canada,
sera dévoilée durant cette même soirée. Vous cherchez une trompette
ou un trombone de qualité ? Peut-être une flûte, une clarinette,
un sax alto ou ténor ? Ils seront tous là en vente au magasin dès
le lendemain. Voilà donc 50 occasions qui feront autant de larrons
heureux !
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