Skarazula : une musique médiévale des temps présents Par Bruno Deschênes
/ 4 juin 2008
Skarazula (qui
signifie roseau en italien du XVIe siècle) est un trio de musiciens
québécois qui nous propose une musique médiévale très particulière.
S’inspirant de la musique du Moyen-Âge, ce groupe nous fait entendre
des mélodies européennes accompagnées de rythmes d’Orient, tout
en fusionnant les sonorités d’instruments anciens et celles d’instruments
du Moyen-Orient. Leur style n’est ni purement médiéval ni clandestinement
oriental, mais un amalgame de genres parfois très différents. À la
source, leur musique émane d’une
liberté créatrice très moderne. Mais l’originalité du groupe ne
s’arrête pas là : en effet, ces musiciens fabriquent eux-mêmes tous
les instruments à cordes qu’ils jouent (à l’exception de l’oud).
Skarazula, formé
en 1999, est composé de Steve Grenier à la percussion, au psaltérion
et à la voix, François Rainville aux cordes, dont le cistre, la mandore,
l’oud, la trompette marine, la vièle à archet et la voix. Il est
le luthier et principal compositeur du groupe. Pour sa part, François
Perron joue des instruments à vent, dont les flûtes à bec, la flûte
traversière et le kaval, en plus de chanter. Ces trois passionnés
de musique ont œuvré précédemment au sein d’ensembles de musique
médiévale et d’autres types de musique avant de fonder Skarazula.
Depuis sa création, le trio a donné de nombreux concerts au Canada
ainsi qu’en Europe. En 2004, il lance son premier CD, Ostara,
qui évoque les fêtes printanières, et en 2007, il lance Litha,
qui fête le solstice d’été. Les deux prochains CD célébreront
l’automne et l’hiver.
Ils ne se contentent
pas de jouer de la musique, donc, mais fabriquent leurs propres instruments.
François Rainville fabrique principalement des instruments à cordes
de l’époque médiévale européenne, bien qu’il travaille actuellement
à la fabrication d’un oud turc. Pour eux, jouer les instruments qu’ils
fabriquent eux-mêmes est extrêmement stimulant. Cela leur permet de
s’imprégner plus profondément de la musique qu’ils créent. Ils
ne sont donc pas uniquement des interprètes, mais ils font en quelque
sorte corps plus intensément avec la musique qu’ils jouent en façonnant
eux-mêmes les sonorités dont ils désirent imprégner leur musique.
L’implication musicale est donc plus intense, plus trépidante.
Les membres de
Skarazula interprètent des pièces de l’Europe médiévale (française,
espagnole, italienne et autres) ainsi que des pièces de différentes
régions du Moyen-Orient (surtout la Turquie), en plus d’en composer
bon nombre. Les arrangements de ces pièces sont dans un style médiéval,
tout en faisant appel aux expériences musicales de chacun. Par exemple,
le flûtiste François Perron peut utiliser un style de jeu de la musique
celtique, alors que François Rainville pondérera le tout avec des
jeux tirés de la musique turque, tout en donnant une saveur médiévale
à l’ensemble de leurs arrangements. Ils s’assurent aussi de respecter
les modes originaux de ces pièces, puisque la plupart de ces instruments
n’étaient et ne sont aucunement accordés selon le tempérament égal
d’aujourd’hui. Cette fusion d’instruments européens et orientaux
n’est pas fortuite. Ils croient que ces instruments, qui existaient
à l’époque médiévale, ont pu être entendus ensemble à l’occasion,
puisqu’il y avait des échanges artistiques, scientifiques et politiques
entre ces deux grandes régions du monde.
Du 13 juillet au
3 août 2008, Skarazula sera en tournée en France où il donnera divers
concerts et participera à divers festivals dont le festival de troubadours
de Souvigny en Auvergne, le festival médiéval de Châteauneuf-du-Pape,
en plus d’une prestation dans la région de Carcassonne.n
Skarazula,
Litha
Zula Musik, 2007, ska-cd-002, 53 min
49 s
Après leur excellent
premier CD, Ostara, qui célébrait le printemps et la reviviscence
de la nature après un long hiver, le trio de musique médiévale québécois
Skarazula nous propose, avec Litha, les célébrations païennes estivales
où les grandes moissons incitent à la fête et à la danse. Le trio
nous propose des chants et des danses du bassin méditerranéen, principalement
en provenance d’Espagne. Aux instruments typiques de l’époque médiévale
européenne s’ajoutent l’oud, le kaval bulgare, diverses percussions
orientales et autres. Tout en respectant le style médiéval, ils nous
font entendre des arrangements très colorés et aux sonorités hétéroclites.
Plusieurs des instruments qu’ils utilisent dans ce deuxième CD ne
se retrouvent pas sur le premier, pour ainsi donner des sonorités différentes
d’un CD à l’autre. J’attends impatiemment les deux suivants qui
célébreront l’équinoxe d’automne et et le solstice d’hiver.
Une musique haute en couleurs... musicales !
Le trio Joubran,
Majâz
Randana, 2008, RAND 002, 50 min 40 s
Ce nouveau CD des frères
palestiniens Joubran démontre, une fois de plus, leur grand talent,
mais surtout la splendide musicalité de cette famille de musiciens
dont le père est fabricant d’ouds. Ces musiciens réussissent à
transcender l’adversité que connaît leur pays pour nous faire entendre
une musique empreinte d’une grande sérénité, d’une profonde quiétude
et, parfois même, méditative, si ce n’est introspective. À certains
égards, la musique de ce nouveau CD est similaire au précédent, des
pièces posées, calmes, parfois répétitives, où les sonorités des
ouds nous envoûtent. Les mélodies, épurées au départ, se développent
tel un château qui se construit pierre par pierre. La principale différence
avec les CD précédents est la présence d’un très beau chant de
voix masculines. La beauté et la pureté de cette musique ne peuvent
laisser indifférent. |
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