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La Scena Musicale - Vol. 13, No. 6

Dossier relève : Samuel Blais - Au coeur de la Pomme

Par Marc Chénard / 2 mars 2008


R emarqué au premier concours Effendi Jazz en Rafale en 2006, le saxophoniste alto Samuel Blais n’a peut-être pas eu gain de cause dans cette compétition, mais cela ne lui empêcha pas de poursuivre son travail de plus belle, quitte à produire un premier disque pour cette étiquette de chez nous. Intitulé « Where to Go », le premier opus du saxo vient tout juste d’être lancé le 26 février dernier.

Encore dans la vingtaine, ce musicien a suivi le parcours-type du jeune jazzman de notre temps : études amorcées au secondaire, année préparatoire au Conservatoire, DEC en musique au Cégep, bac en interprétation jazz à l’Université McGill. Depuis l’automne 2006, il poursuit des études supérieures à la renommée Manhattan School of Music et compte terminer ce printemps. Bien que résidant dans la Grosse Pomme, il revient de temps en temps au bercail, comme ce fut le cas durant les vacances scolaires estivales ou le temps des fêtes en début d’année, deux occasions propices pour faire sa connaissance.

Débuts

Je ne viens pas d’un milieu spécialement musical, bien que mon père ait toujours chanté, soit dans des choeurs d’églises. J’ai toujours voulu faire de la musique; j’ai pris des cours de piano avant de me tourner vers le saxophone autour de mes 10 ans.

Le saxophone

J’ai comme eu un rêve d’en jouer. J’ai commencé par l’alto et c’est celui que je préfère encore de nos jours, même si je joue les trois autres (soprano, ténor et baryton, n.d.a.) de manière assez régulière. L’alto reste mon instrument premier et ce n’est pas juste parce que j’ai pu développer une certaine aisance de jeu, mais mon oreille est devenue plus précise en fonction de sa tonalité spécifique.

Premières influences et écoutes

Mon développement musical est lié à une certaine évolution dans mes écoutes, qui étaient somme toute assez limitées aux conseils des autres : Joshua Redman, Michael Brecker… C’est au Conservatoire d’abord, puis à McGill que je me suis à écouter le reste, Parker, Coltrane un plus tard, quand mes oreilles se sont ouvertes un peu plus.

Autrefois, j’écoutais des choses par périodes, comme un seul saxophoniste, Kenny Garrett ou Joshua. Aujourd’hui, c’est bien plus diversifié, pas juste du jazz, mais du classique et des choses plus contemporaines, même sans sax. Mes écoutes suivent davantage mes humeurs qui m’invitent à plonger dans une certaine vibe.

Passage Montréal-New York

Je connaissais déjà New York pour l’avoir visitée à quelques reprises; j’avais donc une idée de ce qui s’y passait en plus d’avoir des contacts, établis durant mon stage à l’école de musique de Banff en 2005. Ma première année à New York m’a déçu un peu. Je suis parti avec l’intention de vraiment découvrir la scène, de prendre des leçons aussi, mais de jouer le plus possible. M’enrôler à l’école me semblait la meilleure façon d’y rester pour un temps, alors j’ai passé l’examen d’entrée, ce qui me permit d’obtenir le visa étudiant. Mais je n’avais pas prévu que le programme de maîtrise serait si exigeant que cela et je me suis retrouvé avec beaucoup moins de temps libre à ma disposition. Entre temps, j’ai appris à mieux composer avec les circonstances et ma seconde année se déroule mieux.

Jouer à New York : les « sessions »

En dépit de ma charge de travail, j’ai quand même participé à des séances musicales. Ça pleut de bons musiciens là-bas, tout le monde sait ça. À New York, on peut vivre autant de moments forts en entendant des musiciens dans la rue, à l’école, dans un club ou une grande salle de spectacles : tu ne sais jamais où et à quel moment tu vas entendre quelque chose de spécial. On finit aussi par trouver des gens avec qui l’on a certaines affinités et je me suis associé à un quartette dirigé par un bassiste français du nom de Nicolas Letman, qui a travaillé récemment avec Archie Shepp. On a fait quelques concerts, puis un enregistrement studio qui sortira ce printemps sur l’étiquette du bassiste. Un des aspects vraiment intéressants est le fait de côtoyer des musiciens qui travaillent avec des grosses pointures, même des légendes.

Composer, improviser

Je ne compose pas depuis très longtemps, mais quand je jouais ici en ville avec mon groupe, j’essayais quand même d’écrire une nouvelle pièce par semaine. Pour moi, les deux choses sont assez imbriquées l’une dans l’autre. Quand je pratique, il m’arrive aussi de composer, comme un exercice sur une certaine progression d’accords. Improviser c’est comme raconter une histoire et de faire passer une émotion en même temps. J’aime beaucoup partir d’une idée, la développer pour qu’elle me mène à une autre jusqu’à construire un tout. Quand on compose, c’est comme si le temps s’arrête pour pouvoir essayer autre chose. En impro, par contre, ce qui sort, c’est toujours la première idée. Composer est plus exigeant, sans doute parce que c’est une activité relativement nouvelle.

Priorités

Ce que je veux avant tout, c’est jouer et trouver du plaisir à participer dans cette scène. Être payé pour le faire n’est pas ma première considération et ce n’est pas non plus un objectif absolu de vouloir m’y établir, mais je compte bien quand même rester là pour un moment après mes études. Mon but est avant tout musical et n’a que très peu de rapport avec le fait d’être à New York.

Premier disque

En janvier 2007, je suis revenu en ville pour réaliser un disque avec les membres du groupe, soit Paul Schrofel, piano, Morgan Moore, contrebasse, et Robbie Kuster, batterie. On y trouve sept de mes compositions, une du batteur et une autre du pianiste. Nous jouerons le 19 mars au club Dizzy’s du Lincoln Center, mais le batteur sera Nate Smith, qui travaille en ce moment avec Dave Holland. Avant cela, je ferai ici au Québec et en Ontario une petite tournée promotionnelle de mon disque, mais avec mon batteur habituel.

Projets

Il y a le quartette new-yorkais, dont j’ai parlé tout à l’heure. Dans mon propre groupe, j’avais pensé à ajouter un autre vent, mais j’ai décidé de rester avec une formule disons plus éprouvée puisque ça me libérerait un peu l’esprit pour me concentrer davantage sur mon jeu. En ce moment, j’ai vraiment envie de me lancer dans beaucoup de projets contrastants, par exemple en ajoutant un ou deux vents, peut-être enregistrer avec des cordes, bref : j’ai envie de toucher à beaucoup de choses maintenant.

Rappel

Samuel Blais Where to Go, Effendi FND 079


(c) La Scena Musicale 2002