Jazz Par/by Marc Chénard
/ February 12, 2008
Portrait Montréal
Au fil des ans, le jazz montréalais
se décline de toutes les manières possibles, si bien qu’il est difficile,
voire impossible d’en dégager des constantes stylistiques précises,
encore moins un dénominateur commun. La récolte discographique 2007
a été particulièrement abondante, si l’on se fie aux arrivages
de disques transmis à la rédaction. Question de rattraper le retard,
l’équipe jazz s’attelle à la tâche en cette nouvelle année en
s’attaquant à ce lot de compacts remplis de musiques pour tous les
goûts… ou presque. Marc Chénard
The Sound of Diversity
For his latest offering, Pop Up (Effendi
FND076MMMPPP),
French tenor saxophonist Jean-Christophe Béney has turned over
a pleasant, albeit rather divided side of music: half of the ten tracks
lean heavily towards grandstanding rock and roll gestures, but thankfully
there is some good jazz storytelling to be enjoyed in the other half.
Like the late Michael Brecker and the very alive Chris Potter, Béney
can burn, as he does in his rapid-fire runs on the tune “Spacious,”
or when egged on by the drums and bass funkiness of “Bubbles”. Elsewhere,
“Chinese Checkers” proves Béney has a personality, as does the
ironical “Pop Up” which bridges the schism in the disc.
Rémi Bolduc is an alto
saxophonist at the height of his game. He has chops to spare, and even
though he does not always come up with fresh ideas he still pulls through
thanks to his splendid technical abilities. On his new release Rémi
Bolduc Jazz Ensemble + Jerry Bergonzi: 4+1 (Effendi FND077 MMMMPP),
he is spurred on by an early influence of his, American tenorman Bergonzi.
Their twin horns weave and tumble through this album like two squirrels
having a ball. The rhythm section accompaniment is first-rate, on material
ranging from standards to new themes written on old ones or others referencing
past heroes of jazz lore.
Multi-reedist Frank Lozano,
in his debut as a leader (Colour Fields
Effendi FND078 MMMMPP), should win brownie points for attempting this
conceptual series of original musical portraits and allusions to painters
like Rothko and Kandinsky. As a result the pieces revolve around colour
and texture rather than line and counterpoint, painterly qualities that
are also contained in works by Bela Bartok and Duke Ellington. The writing
is as clear and lithesome as the playing, with excellent rapport between
Lozano and his four cohorts from the Ottawa and Toronto scenes.
The telepathic communication heard
in the debut side of the quintet Nordic Connect (Flurry,
Artist Share AS0062 MMMMPP) is impressive. Indeed, this group’s sound
is very fluid and spacious—a most refreshing quality in today’s
cluttered jazz world. In more ways than one, the music bears the imprint
of that so-called Nordic Sound, which should be of no surprise because
all of its members are of Scandinavian descent. Kudos go to trumpeter
Ingrid Jensen and her saxophonist sister Christine for their excellent
interplay, a fine example of this being their call-and-response moments
in “Sweet Adelphi.” All nine tunes are penned by the Jensen siblings
and the Swedish pianist Maggie Olin, and each number serves as a beautiful
vehicle for their lyrical flights.
Echoing some of the romanticism
of “Tantramar Revisited,” the poem by New Brunswick poet Charles
G.D. Roberts, tenor saxophonist Joel Miller has created an evocative
series of compositions as a follow up to his previous release, Mandala.
In Tantramar (Artist Share AS 0063 MMMMPP), the tenor saxophonist creatively fuses a number
of eclectic idioms, from airy Celtic strains to earthy grooves. The
results are fresh compositions, with solid playing. (Note: this and
the previous recording can be purchased online only at www:artistshare
com.) Paul Serralheiro
L’axe Montréal-Vancouver-New York
Les musiciens de jazz nourrissent souvent
une passion pour leur ville et ce lien d’affection ne date pas d’hier.
Neuf pianistes ne s’en cachent pas en signant un CD remarquablement
produit par Philippe Dunnigan : Montréal Variations (Analekta
AN 2 8833 MMMMMP). On trouve, dans cette compilation de formule
inédite, autant de styles que de substance dans les développements
thématiques : langueurs d’été au Jardin botanique suggérées par
Guy St-Onge, nervosité urbaine de la Main mise en relief par
Guy Dubuc, quartier populaire d’enfance évoquée par Alain Lefèvre.
Signalons du reste que les participants ont accepté de se livrer au
jeu d’une courte improvisation basée sur les quatre notes de départ
des rames de métro, motif extrait du thème de l’Expo 67.
Lancé en novembre dernier,
Andrée Boudreau trio (autoproduction MMMMPP Contact: www.andreeboudreau.com) est le second
enregistrement de cette pianiste de chez nous. Avec ses accompagnateurs
Francis Marion (contrebasse) et Dany Richard (batterie), cette musicienne
d’une douce sensibilité offre huit créations originales et deux
arrangements de pièces folkloriques, soit Un Canadien errant
et Souvenir d’un vieillard Bien que cette musique soit toute
en demi-teintes, on aurait souhaité certains contrastes plus francs.
Il y a de l’art qui fait fi de
toutes les nouveautés du moment et le jazz, lui, n’a jamais cessé
de retourner le sillon de sa propre tradition. Montréal Vancouver
Live (SRC Espace Musique TRCD 3024 MMMMPP) est un disque parrainé par Radio-Canada qui
confronte des musiciens expérimentés de la trempe d’Oliver Jones,
de Terry Clarke (batterie) et de P.J. Perry (saxophone alto) à quatre
jeunes loups sur un fond d’improvisations festives, le tout en concert
à Montréal et à Vancouver à l’automne 2006. Les neuf musiciens
en imposent dans un répertoire varié mais assez convenu, notamment
dans Stolen Moments dont l’arrangement est à peu près identique
à l’original des années 1960.
Dans l’album Matt Herskowitz
plays George Gershwin (Disques Tout Crin TCD 19094 MMMPPP), le pianiste au jeu enflammé déploie son
énorme talent sans aucun soutien orchestral, dans des interprétations
qui font un clin d’œil au jazz. Il existe un nombre incalculable
de versions de la Rhapsody In Blue exécutées par les grands
du clavier, mais très peu en solo. Voilà donc le défi que s’est
donné ce pianiste new-yorkais résidant à Montréal avec ce morceau
dont la virtuosité rythmique rejoint l’essence du ragtime. Confronté
à son seul clavier, Herskowitz propose également deux autres opus
de Gershwin en réduction pour piano, en l’occurrence L’ouverture
cubaine et le Concerto en fa. Charles Collard
Ambiances Magnétiques : collection
automne 2007
Chaque nouvelle manne de disques en provenance
de nos camarades de chez DAME offre sa dose de surprises. Examinons
cinq nouveautés de la saison courante en provenance de cette entreprise
vouée à la distribution de ces musiques inclassables. Preuve à l’appui,
le second disque du violoniste-compositeur Guido Del Fabbro.
Agrégats (AM 167 CD, MMMPPP)
est une collection éclectique de treize miniatures – une seule pièce
dépasse les six minutes – puisant aux sources du folklore européen
(Le Curare et la ciguë), du rock (Las stable es stable),
de la musique improvisée, électronique (Interlude résiduel)
et même des marches ! Dix musiciens regroupés en formations à géométrie
variable composent la distribution de ce cocktail réjouissant.
Si Bach et Debussy ont souvent fait l’objet
de relectures par des musiciens de jazz, on ne pourrait en dire autant
de Prokofiev, dont le contrebassiste Pierre-Yves Martel a réarrangé
18 des 20 Visions fugitives op. 22. Projet ambitieux, Quartetski
does Prokofiev (AM 171 CD, MMMMPP) est cependant mené à bien par quatre des
meilleurs jeunes musiciens de chez nous, lesquels sont, outre le bassiste,
Gordon Allen à la trompette, Philippe Lauzier aux anches et Isaiah
Ceccarelli à la batterie.
Le batteur Michel F. Côté,
avec (juste) Claudette (AM 168 CD, MMMPPP) présente un quartette à mi-chemin entre les
délires bruitistes de Sun Ra et les grooves à la Medeski, Martin and
Wood. Solide contrebasse d’Alexandre St-Onge, sons irréels d’orgue
(gracieuseté de Jesse Levine) et envolées de guitare de Bernard Falaise
sont les ingrédients essentiels de ce mélange détonnant.
De la musique du trio Fenaison
(Rémy Bélanger de Beauport, violoncelle et électroniques, Charity
Chan, piano « revisité » et Kris Covlin, saxophones), Fred Frith
dit que c’est « une musique qui n’a pas de sens... elle vit ! ».
Sur Plat (AM 169 CD, MMMPPP), les trois musiciens nous proposent une série
de sept improvisations abstraites. À vous de trouver le sens... ou
la vie !
Dernier disque, mais non le moindre,
le plus récent enregistrement de Jean Derome et les Dangereux Zhoms,
To Continue (AM 172 CD, MMMMPP), est une suite de six compositions assez élaborées
du saxophoniste qui, par sa mise en musique d’un texte du sculpteur
Richard Serra et de La Grenouille et le bœuf de La Fontaine,
nous rappelle la démarche de l’un de ses maîtres, Steve Lacy.
Félix-A. Hamel
Yaron Herman : A Time for Everything
Laborie LJ04
MMMMMP
Ce musicien, né à Tel Aviv en 1981,
effectua une entrée remarquée en France dans l’univers du piano
solo avec des improvisations débridées. La vénérable institution
du trio avec piano reçoit ici une nouvelle secousse avec cet Everything
revendiqué qui nous détourne des sentiers battus. Herman, nous dit-on,
se destinait à une carrière de professionnel au basket avant de tout
arrêter à 16 ans pour la musique. Sa rencontre avec Opher Brayer,
un enseignant atypique qui favorise l’étude de la philosophie et
des mathématiques plutôt que la théorie musicale habituelle, a permis
au jeune apprenti d’acquérir une technique à toute épreuve et un
appareil mental solide. Bayer décrit son protégé comme un prodige
totalement impliqué, qui se mesure déjà aux meilleurs par un jeu
extraverti. Cela dit, on ouvre tout grand nos oreilles devant les relectures
brillantes de Army of Me de Bjork et de Toxic de Britney
Spears (les effets d’ostinato produits par un soupçon d’électronique),
deux relectures qui transcendent le succès pop ou rock pour les approprier
en jazz. La ballade n’est pas son meilleur atout, mais on s’étonne
quand même de la fraîcheur audacieuse et pourtant accessible de ses
compositions originales. Ce feu d’artifice d’inventions mélodiques
et rythmiques, ce manifeste de créativité multiculturelle, serait
moins accompli sans les accompagnateurs du jeune pianiste, le contrebassiste
Matt Brewer et le batteur Gerald Cleaver, tous deux parfaits complices
de ce projet dynamique. CC
Gilad Atzmon & The Orient House
Ensemble : Refuge
Enja/Tiptoe Records TIP 888 849-2
MMMMPP
Israélien comme le pianiste ci-contre,
Gilad Atzmon est un saxophoniste-clarinettiste qui a fait beaucoup parler
de lui, moins pour sa musique que pour ses convictions politiques et
ses écrits qui, soit dit en passant, lui ont valu les foudres de ses
concitoyens hébreux, sans compter un exil plus ou moins imposé en
Angleterre. Depuis une dizaine d’années, il dirige le quartette Orient
House Ensemble, groupe constitué de deux compatriotes, Yaron Stavi
(basses) et Assif Sirkis (batterie), ainsi que du claviériste Frank
Harrison. Musique polymorphe, celle d’Atzmon puise largement dans
le jazz, assaisonnée bien sûr de parfums du Moyen-Orient, d’un soupçon
d’afro-cubain et d’une bonne dose de grooves électro, ordi et synthé
à l’appui. Dans ce disque en deux temps, on retrouve des morceaux
de facture lyrique et méditative intercalés avec d’autres plus énergiques,
les premiers révélant la belle sonorité de saxo alto du leader, très
proche de celle d’un Charlie Mariano. En 55 minutes, cet ensemble
parcourt neuf pièces de son chef, deux d’entre elles avec le concours
du trompettiste Paul Jayasinha qui, toutefois, ne prend pas de solo.
Bien que bigarrée stylistiquement, cette musique n’est pourtant pas
un salmigondis : elle maintient l’intérêt en bonne partie, bien que
les deux plages de plus de dix minutes (The Burning Bush, 12:57
et Prayer for Peace, 10:40) s’étirent un peu, surtout la première
qui ne décolle que dans les cinq dernières minutes de jeu. Quatre
étoiles moins une demie pour ces longueurs. MC
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