Kleztory : l’âme de la musique klezmer au Québec Par Bruno Deschênes
/ 1 juillet 2008
La musique klezmer est celle des Juifs
itinérants qui parcouraient l’Europe de l’Est aux XIXe et XXe siècles.
Comme celle des Roms (les romanichels, tziganes, gitans, manouches),
leur musique puisait dans les musiques populaires locales des régions
qu’ils visitaient tout en étant teintée d’un humour et d’une
mélancolie typiques du peuple juif. Cette musique est le reflet d’une
histoire difficile, d’un peuple sans pays. Au début du XXe siècle,
cette musique a commencé à disparaître en Europe, mais a pu renaître
dans la première moitié du siècle grâce à ceux qui ont atteint
les terres d’Amérique. Avec la Seconde Guerre mondiale, cette musique
a, une fois de plus, périclité. Ce sera dans les années 1970 qu’elle
renaîtra de nouveau de ses cendres grâce à de jeunes Juifs qui désiraient
renouer avec leurs traditions et leur passé. Dans les années 1980,
le succès que cette musique connaîtra en fera une incontournable des
musiques du monde. Certains groupes fusionnent la musique klezmer à
des rythmes contemporains dont le jazz ou le rock, alors que d’autres
respectent ses grandes traditions tout en les modernisant.
Kleztory, un groupe montréalais
fondé en 2002, s’est rapidement imposé comme un des meilleurs groupes
de musique klezmer au Canada, tant par la qualité de ses musiciens
que par son style, contemporain dans ses arrangements, mais sans fusion
des styles comme le pratiquent plusieurs des groupes klezmer populaires
d’aujourd’hui. Une partie de son répertoire provient de Russie.
Fait intéressant, le premier membre fondateur du groupe est le Québécois
Alain Legault, qui a commencé à faire de la musique juive et tzigane
en 1997 avec le groupe Les Gitans sédentaires. En 1998, le contrebassiste
Mark Peetsma se joint au groupe, suivi d’Airat Ichmouratov en 2000,
pour former le groupe Simha. Kleztory sera officiellement fondé en
2002 lorsque Peetsma, Legault et Ichmouratov se lieront d’amitié
avec la violoniste russe Elvira Misbakhova et l’accordéoniste français
Henri Oppenheim – le seul musicien d’origine juive du groupe. Le
groupe doit son succès avant tout à la passion de ses cinq musiciens
pour la musique klezmer, une passion du reste des plus communicatives.
Depuis 2002, Kleztory a foulé
de nombreuses scènes tant au Québec et dans l’ensemble du Canada
qu’aux États-Unis. Il commence à peine à se faire connaître en
Europe. Le 20 mars 2005, ils ont joué avec l’Orchestre symphonique
de Montréal. À l’automne 2007, ils ont donné un concert avec l’Orchestre
de chambre de Bruxelles au Palais des beaux-arts de Bruxelles. Du 6
au 8 juin 2008, Kleztory a participé au festival de musique juive Sibfest,
de Sibiu en Roumanie, un des berceaux de la musique klezmer.
Ils ont lancé à ce jour 3 CD,
dont le premier, Kleztory – Musique klezmer, est paru en 2003.
Le second, Klezmer, lancé en 2004, est une superbe symbiose
musicale avec l’orchestre I Musici de Montréal, dirigé par Yuli
Turovsky. J’ai connu Kleztory par ce CD – l’un des meilleurs disques
de musique du monde de 2004 tous genres confondus. Il semble qu’un
deuxième CD avec I Musici de Montréal est en préparation. En 2007,
leur troisième CD, Nomades, a reçu le prix Opus 2007 du meilleur
disque jazz/musique du monde au Québec.
Au cours de la prochaine année,
Kleztory fera une tournée des maisons de la culture montréalaises,
en plus de donner un concert à Iqaluit au Nunavut. Le groupe sera le
18 juillet aux Îles de la Madeleine, le 11 août à Boisbriand et le
16 août au Festival des traditions du monde de Florimont, près de
Sherbrooke. Kleztory ! Une musique sensible, touchante, enlevante qui
chamboule les émotions. (www.kleztory.com) n
Casey O’Callaghan
Sounds
Oxford University Press, Londres, ISBN
978-0-19-921592-8, 193 p.
Les sons que nous entendons sont ordinairement
conçus comme comportant un phénomène physique et un phénomène physiologique
: notre oreille perçoit en réponse au phénomène physique. Selon
l’auteur, les études en perception auditive sont généralement basées
sur des principes de la perception visuelle. Celui-ci propose une nouvelle
façon de concevoir le son : une occurrence, une manifestation (event,
en anglais) où le phénomène physique et la perception que nous en
avons forment un événement de perception, l’un dépendant de l’autre.
Un son n’est pas l’addition d’un timbre sonore à une fréquence,
à une intensité et à d’autres paramètres, mais, suivant cette
approche phénoménologique, un événement de perception à travers
lequel nous pouvons discerner ces différents paramètres. Une critique
cependant : l’auteur ne parle pas de musique et, bien que sa théorie
apporte une nouvelle compréhension de la perception auditive, je doute,
dans sa présentation actuelle, qu’elle puisse être applicable à
la musique.
Ensemble Gaguik Mouradian
Goussan, Bardes d’Arménie
Accords Croisés, 2007, AC 120, 63 min
50 s
Goussan est le nom que les Arméniens
donnent à leurs bardes itinérants, ces troubadours que l’on retrouve
dans l’ensemble de l’Asie centrale, dont la tradition musicale s’est
développée surtout au Moyen-Âge et qui chantent, tout en poésie,
l’amour spirituel, l’amour romantique, la philosophie. À l’ère
soviétique, ces bardes arméniens se sont retrouvés dans les conservatoires
où leur musique devait être enseignée selon des canons politiques
définis, enlevant ainsi toute liberté d’expression. Gaguik Mouradian,
interprète du kamantcha, une vièle d’origine perse, est un
barde contemporain qui redonne vie à cette grande tradition arménienne
dans toute sa splendeur, tout en y ajoutant quelques sonorités contemporaines.
Outre la voix, son ensemble comprend le kanone (une cithare à
cordes frappées), des percussions, un oud et un saz
(2 luths à cordes pincées), un shvi (une flûte en bois) et
le duduk (le célèbre hautbois à anche double arménien aux
sonorités éthérées). Une musique de l’âme ! |
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