Paulus L’oratorio renouvelé Par Isabelle Picard
/ 4 janvier 2007
Felix Mendelssohn (1809-1847) n’est
pas le seul compositeur romantique à s’être essayé au genre de
l’oratorio. Cependant, ses deux oratorios complets, Paulus
(1836) et Elijah (1846) (un troisième oratorio, Christus,
est inachevé), sont certainement ceux de cette époque à avoir obtenu
le plus de succès.
La création de Paulus a eu lieu
le 22 mai 1836 en ouverture du 18e Niederrheinisches Musikfest (Festival
musical du Bas-Rhin) de Düsseldorf, sous la direction du compositeur.
L’œuvre a été rejouée le 24 et dès lors, Paulus a été
reconnu comme un important apport à la renaissance de l’oratorio.
Il a contribué à placer Mendelssohn, alors âgé de 27 ans, parmi
les compositeurs d’avant-plan en Allemagne et à consolider sa réputation
internationale. Après sa création, l’œuvre a été jouée en Angleterre,
en Scandinavie, aux Pays-Bas, en Pologne, en Russie et aux États-Unis
(Boston en 1837, New York en 1838, Baltimore en 1839), toujours avec
le même succès. Sans compter les nombreuses occasions où Mendelssohn
a dirigé l’œuvre en Allemagne, souvent dans le cadre de festivals
de musique.
Genèse
De 1833 à 1835, Mendelssohn est directeur
de la musique à Düsseldorf et doit y assurer la direction des sociétés
chorale et orchestrale. Comme chef de chœur, il déploie beaucoup d’énergie
à la redécouverte d’oratorios (notamment Les saisons et
La création de Haydn, ainsi que de nombreuses œuvres de Handel,
tels que Alexander’s Feast, Messiah et Judas
Maccabeus). C’est dans ce contexte qu’il se décide à entreprendre
son propre oratorio, Paulus, dont le livret, de Julius Schubring
et Julius Fürst, est basé sur les Actes des apôtres. La composition
débute sérieusement en mars 1834.
En 1835, Mendelssohn se fait offrir le
poste de directeur de la musique et directeur de l’Orchestre du Gewandhaus
à Leipzig. Poste qu’il accepte et qui implique la direction d’une
série de 20 concerts par année (d’octobre à mars), auxquels s’ajoutent
des concerts de virtuoses en visite, des concerts-bénéfice et une
série de musique de chambre. À peine six semaines après le début
de la première saison de concerts, le père de Mendelssohn meurt, le
19 novembre 1835. Celui-ci accordait une importance particulière à
l’oratorio que son fils avait entrepris. De famille juive, il s’était
converti au christianisme en s’installant à Berlin; il est donc facile
d’imaginer qu’il se soit d’une certaine manière reconnu dans
l’histoire relatée par Paulus – la conversion de Saül (qui
devient alors Paul) au christianisme, sur le chemin de Damas. Le décès
de son père pousse Mendelssohn à terminer son oratorio. Il y met la
dernière touche au printemps 1836 et en assure la création le 22 mai.
Influences
On a déjà mentionné la fréquentation
des oratorios de Handel par Mendelssohn. On sait également qu’il
portait un grand intérêt à la musique de Bach et qu’il avait dirigé
la Passion selon saint Matthieu
de ce dernier à la Singakademie de Berlin en mars 1829 – concert
couronné de succès et important à la fois pour la carrière de Mendelssohn
et pour la redécouverte de la musique vocale de Bach. Ces deux grandes
influences sont visibles dans Paulus. D’abord, comme ses prédécesseurs,
Mendelssohn utilise un narrateur qui raconte l’action dramatique par
le moyen de récitatifs. On remarque aussi, à la manière de Bach,
l’insertion de chorals tout au long de l’oratorio, de même que
l’abondante utilisation du contrepoint. La riche variété des chœurs
fait quant à elle penser à Handel.
On ferait néanmoins erreur en accusant
Mendelssohn d’avoir bêtement imité ses modèles. Il utilise les
sonorités du grand orchestre romantique: les bois par deux, 4 cors,
2 trompettes, 3 trombones, orgue et même un serpent. Les combinaisons
instrumentales utilisées pour les récitatifs sont très variées et
l’orchestration dans son ensemble est véritablement originale. La
scène de la conversion sur le chemin de Damas est à cet égard fort
étonnante et a même provoqué la controverse: la voix de Dieu y est
confiée non pas à un solo, mais à quatre voix de femmes. Avec l’accompagnement
des instruments dans l’aigu, l’effet est unique.
Ce qu’ils en ont dit
«Mendelssohn-Bartholdy nous a
présenté une œuvre témoignant de la plus haute efflorescence de
l’art; le fait qu’elle a été créée de nos jours nous remplit
d’une fierté légitime concernant ce temps où nous vivons.»
Richard Wagner (Cité par Carl
de Nys dans l’article «Paulus» du Dictionnaire des œuvres
de l’art vocal, Paris, Bordas, 1992.)
«Le Paulus, une
œuvre de l’art le plus pur, une
œuvre de paix et d’amour…» Robert Schumann, Neue Zeitschrift
für Musik, le 5 septembre 1837.
En concert
L’Orchestre symphonique de Québec
présente l’oratorio Paulus en première à Québec, le 13
décembre, à la salle Louis-Fréchette du Grand Théâtre. Klauspeter
Seibel dirigera les solistes Karina Gauvin (soprano), Marie-Hélène
Couture (mezzo-soprano), Colin Balzer (ténor) et Nathaniel Watson (baryton),
ainsi que l’orchestre et le Chœur de l’OSQ. Notons que le serpent
sera remplacé par un contrebasson. Le concert débute à 20h et un
prélude au concert est proposé à 19h au foyer de la salle Louis-Fréchette.
www.osq.org – 418.643.8486 |
|