Critiques/Reviews
November 5, 2006
Disque du mois
Venturini
Concerti da camera op.1
La Cetra, David Plantier, violon et direction
Zig Zag ZZT 060502 (67 min 53 s)
****** $$$
Parfait inconnu jusqu’ici, Francesco
Venturini deviendra vite indispensable à ceux qui voudront le découvrir.
Malgré son nom italien, ce compositeur était d’origine flamande
et travaillait à la cour de Hanovre, où se trouvait un grand orchestre
qui pouvait sûrement rivaliser avec celui de Dresde, si on en juge
par la qualité des œuvres proposées ici. À l’instar de Vivaldi,
Venturini excellait dans l’écriture de concerti à plusieurs
instruments: à maints endroits sur ce disque, flûtes, violons, hautbois
et bassons rivalisent en un continuel jaillissement d’idées et de
couleurs, réalisant le feu d’artifice qu’annonce la couverture.
D’autres concertos, curieusement, prennent la forme de suites de danses
précédées d’une ouverture: on pense alors davantage à Telemann
ou même à Bach, bien que l’orchestre de Venturini, avec ses deux
parties d’alto, ait une couleur très française. Le jeune ensemble
La Cetra rend parfaitement la vivacité et l’élégance de cette
musique, faisant très bien sentir la variété des styles auxquels
elle emprunte. Un des meilleurs disques baroques de l’année! Philippe
Gervais
Musique de chambre /
Chamber Music
JS Bach
Six Suites BWV 1007-1012
Marion Verbruggen, flûtes à bec
Harmonia mundi HMX 2907372.73
(2 CD: 129 min 30 s)
*** $$$
Harmonia mundi fait reparaître en un
coffret l’ensemble des Six suites pour violoncelle seul de
Bach interprétées à la flûte à bec par Marion Verbruggen, d’abord
parues en 1992 (suites 1 à 3) et 2001 (suites 4 à 6). Les moyens de
la flûte étant plus limités que ceux du violoncelle (on n’a qu’à
penser à l’impossibilité de faire des doubles-cordes), c’est un
tour de force que réussit la flûtiste. Visiblement, elle aborde ces
difficultés supplémentaires non pas comme des handicaps, mais comme
des défis pouvant être relevés à force de savoir-faire et d’astuces
techniques. Bien sûr, on ne parle pas d’un remplacement de la version
originale pour violoncelle. Mais sans aucun doute, il s’agit là d’un
exemple pour tous les flûtistes, et plus largement pour les instrumentistes
à vent, dans l’art du phrasé et de la gestion de la respiration.
Isabelle Picard
Glick
Quatuor à cordes no 2; I Never Saw Another
Butterfly; Concerto pour piano et cordes
Quatuor St-Lawrence; Maureen Forrester,
contralto; John Newmark, piano (Butterfly); Ralph Gothoni, piano et
direction (concerto); Finlandia Sinfonietta
Centredisques CMCCD 11606 (124 min 03
s)
**** $$$
Srul Irving Glick (1934-2002) est un
compositeur canadien surtout connu pour sa très accessible Old Toronto
Klezmer Suite. Le disque double présenté ici est constitué d’un
documentaire de 57 minutes (réalisé par Eitan Cornfield de CBC Radio
2, sur le CD1) et de trois œuvres très variées (CD2), et fait partie
d’une importante (et essentielle) série amorcée depuis quelques
années par le Centre de Musique Canadienne, Canadian Composers Portraits.
Le Quatuor à cordes no.2 surprendra les habitués de la Klezmer
Suite: sombre et angulaire, on y détecte l’ombre presque omniprésente
de Shostakovitch. Le recueil I Never Saw Another Butterfly, enregistré
en 1969, n’est pas très «pimpant» non-plus, puisqu’il est composé
sur six poèmes laissés par des enfants internés au camp de Terezin
de 1942 à 1944. Cependant, l’incomparable voix de Maureen Forrester
donne beaucoup de force à ces échos d’outre-tombe d’une innocence
sacrifiée. Finalement, le Concerto pour piano est plus lumineux voire
aérien, dans le premier mouvement, lyrique et quasi-pastoral dans le
deuxième, et revient à des réminiscences shostakovitchiennes dans
le final. Le documentaire d’environ une heure (la particularité essentielle
de toute cette série), nous en apprend plus sur la personnalité attachante
de Glick. Frédéric Cardin
Mendelssohn
Piano Trios Nos 1 & 2
Julia Fischer, violon; Jonathan Gilad,
piano; Daniel Müller-Schott, violoncelle
PentaTone PTC 5186 085 (59 min 04 s)
***** $$$$
Mendelssohn est souvent décrit comme
un compositeur pris entre ses idéaux classiques et «l’air du temps»
romantique dans lequel il baignait. Certains interprètes recherchent
en premier lieu un équilibre idéal, et bien difficile à obtenir,
entre les deux composantes contradictoires de son écriture, surtout
dans sa musique de chambre. D’autres passent outre à ce souci. Le
présent enregistrement des Trios avec piano penche du côté
romantique, avec une atmosphère parfois plus brumeuse qu’agitée,
mais qui ne manque pas de charme, surtout dans le mouvement lent de
chacun des deux Trios, où le dialogue des instruments devient
méditatif. La fougue ne perd pas pour autant ses droits dans les mouvements
rapides extrêmes. Même si les musiciens réunis ici ne sont pas des
chambristes, chacun poursuivant une carrière internationale, c’est
l’ensemble qui prime sur l’individuel, tout comme pour les formations
professionnelles. Le piano aérien de Gilad et le violoncelle caressant
de Müller-Schott s’accordent sans peine au violon lumineux de Julia
Fischer. Prise de son un peu feutrée. Alexandre Lazaridès
Schubert
Piano Trio, D. 929; Sonatensatz, D. 28
Kungsbacka Piano Trio
Naxos 8.555700 (61 min 29 s)
****** $
Arpeggione Sonata, Transcriptions de
lieder; Webern: 3 Petites pièces pour violoncelle et piano op. 11;
Berg: 4 Pièces op. 5
Jean-Guihen Queyras, violoncelle; Alexandre
Tharaud, piano
Harmonia Mundi HMC 901930 (56 min 31
s)
**** $$$$
Voici deux interprétations de la musique
de chambre de Schubert qui se caractérisent par leur perfection formelle,
à cette différence près que l’une émeut et enthousiasme, tandis
que l’autre, tout en suscitant de l’admiration, ne réussit pas
à nous faire entrer au cœur de l’univers schubertien. Le trio Kungsbacka
a emprunté son nom à la ville suédoise où cette récente formation
s’était produite pour la première fois en 1997. Depuis, elle poursuit
une carrière enviable et, à en juger par le traitement rayonnant du
Trio en mi bémol majeur enregistré ici, son succès est entièrement
mérité. On est d’emblée frappé par le mélange de rigueur nécessaire
au jeu chambriste et d’élan, en principe spontané, qui doit susciter
l’émotion, équilibre rarement atteint qui met cette interprétation
parmi les plus belles de ce chef-d’œuvre. Sans se hisser au même
niveau, la Sonate Arpeggione contient de bien beaux passages.
Queyras et Tharaud en donnent cependant une lecture dont le raffinement
semble trop cérébral pour tomber juste, plus spectacle auditif qu’expérience
vécue. Le meilleur du programme est constitué de pièces de Berg et
de Webern jouées avec des sonorités idéalement millimétrées.
Alexandre Lazaridès
De Castille à Samarkand
Constantinople
Atma ACD2 2383 (69 min 07 s)
***** $$$
La Route de la Soie est en pleine Renaissance!
Depuis quelques années, en effet, plusieurs musiciens se sont réapproprié
l’idée d’échange entre les cultures qui sous-tend notre conceptualisation
moderne de cette première véritable «autoroute virtuelle» de la
communication (il s’agissait bien sûr d’un périple multidirectionnel
plutôt que d’un véritable chemin pavé). On pense entre autres à
Yo-Yo Ma et à son Silk Road Project rassemblant des musiciens de tous
les horizons et de toutes les origines dans une démarche à la fois
traditionnelle et contemporaine. L’ensemble Constantinople a, pour
sa part, choisi la voie de la tradition avec la présentation de ce
huitième disque (déjà!), consacré aux musiques suggérées par les
rencontres que fera un certain Clavijo, envoyé du roi Henri III auprès
de l’Empereur Tamerlan à Samarkand, capitale de l’Asie d’alors,
au cours de son périple de 34 mois sur le chemin des caravanes. D’Ouest
en Est, c’est un Moyen-Âge de couleurs, d’odeurs et de sonorités
chaleureuses, exotiques, mais parfois aussi mystiques et surprenantes
qui nous attend, à travers les expressions musicales de l’Espagne,
l’Italie, la Grèce, la Turquie, l’Arménie, la Perse et l’Ouzbekistan.
Frédéric Cardin
Sonatas
César Franck: Sonate pour Violon et
Piano en la majeur; Eugène Ysaÿe: Cinquième et Sixième Sonates pour
violon seul, op. 27; Rafaël D’Haene: Sonata per Violino e Pianoforte
Yossif Ivanov, violon; Daniel Blumenthal,
piano
Ambroisie AMB102 (67 min 09 s)
****** $$$$
Ce programme de sonates pour violon et
piano ou pour violon seul est consacré à des compositeurs belges,
donc des compatriotes de Yossif Ivanov, premier prix, mérité et applaudi,
du Concours musical international de Montréal en 2003, alors qu’il
n’était âgé que de seize ans. Soutenu par le piano inventif de
l’Américain Daniel Blumenthal, Ivanov livre une interprétation sculptée,
d’une grande tenue dramatique et dégraissée de tout pathos, de la
célèbre Sonate de Franck. Les deux Sonates pour violon seul
op. 27 de Ysaÿe sont jouées avec une aisance qui fait oublier leur
caractère technique redoutable; on n’y entend que de la musique,
et l’on regretterait presque que tout le programme ne soit pas consacré
à cet opus magnifique. C’est le compositeur contemporain D’Haene,
né en 1943, qui signe le dernier titre du programme, avec une œuvre
charpentée et lyrique en quatre mouvements, dont le premier, un Largo,
semble le moment le plus marquant. Alexandre Lazaridès
Musique vocale /
Vocal
Wagner
Der Ring des Nibelungen
James Morris, Hildegard Behrens, Siegfried
Jerusalem, Jessye Norman, Gary Lakes, Reiner Goldberg, Bernd Weikl,
Matti Salminen, Kurt Moll, Hanna Schwarz, and others; Metropolitan Opera
Orchestra and Chorus / James Levine
Deutsche Grammophon 4709803 (14 CDs;
15h21 min 50 s)
***** $$$$
This Special Edition of the Met Ring,
issued to commemorate the first ever Canadian Ring Cycle by the COC,
is a terrific buy at $39.95 for 14 CDs. At this bargain price, all the
discs are packed in paper sleeves inside a single box instead of individual
jewel cases, and the thin booklet does not include texts and translations.
Recorded in the late 80’s in the studio, it features some – but
not all – of the same singers as the video recorded a couple of years
later and now available on DVD. The main asset of the studio CD recording
is the Wotan of James Morris, caught at his absolute peak. He sings
Wotan’s Abschied in Act 3 Die Walküre with lieder-like
intensity and mellifluous beauty of tone that is breathtaking. Hildegard
Behrens may lack the power and laser-like precision of a Birgit Nilsson,
her Brunnhilde is nevertheless a touching portrayal. One is hard pressed
to find a Sieglinde of such vocal opulence as Jessye Norman – she
easily outsings her Siegmund (Gary Lakes). Matti Salminen is certainly
the very best Hagen of our generation. It’s a pity that Siegfried
is taken not by Siegfried Jerusalem – who sings Loge here, but by
the thin-voiced though reliable Reiner Goldberg. It is good to have
Christa Ludwig, then near the end of her illustrious career, as Fricka.
The norns and valkyries are all different from the video – here the
singers are generally older, full-figured gals who are less photogenic,
although they often sound better. For example, as Helmwige, Linda Kelm’s
top C’s are incredible. James Levine always brings out the best from
the Met Orchestra, and their playing here is exemplary. He conducts
at a leisurely tempo, but with sufficient intensity to hold everything
together. This is the Christmas stocking stuffer of choice for
2006! Joseph K. So
Lux Feminae 900-1600
Montserrat Figueras, Arianna Savall et
Tina Aagaard, sopranos; Jordi Savall, violes de gambe; Begona Olavide,
mezzo-soprano et psalterion; Laurence Bonal, contralto; Pierre Hamon,
flûtes; Andrew Lawrence-King, harpe; Rolf Lislevand, guitare; Driss
El Maloumi, oud; Pedro Estevan, percussions; et autres
AliaVox AVSA 9847 (70 min 25 s)
***** $$$$
Sublime voyage! Montserrat Figueras,
de sa voix sans âge, inflexible à la temporalité, nous transporte
dans un monde de lumière, celle, dit-elle, de toutes ces femmes qui
ont «vécu au sein de sociétés qui les ont laissées de côté, mais
qui ont su rayonner et briller d’une lueur propre». Un disque qui
plane au-dessus des misères de notre temps (et de toutes les époques,
en fait), et qui nous transporte à travers un Moyen-Âge de mysticisme
rayonnant, du xe au xve siècles. Œuvres de femmes et pour des femmes,
ce sont les fruits d’une démarche de recherche quasi-archéologique
qui nous sont offerts ici. Entourée de sa famille et de ses amis les
plus fidèles, Montserrat Figueras crée un tourbillon d’enchantement
qui dure plus d’une heure (mais toute la vie si vous achetez le disque!).
Un livret multilingue de 150 pages, enluminé d’époustouflantes illustrations
et photos, propose un historique de la «voix» féminine au Moyen-Âge
ainsi que tous les textes des œuvres présentées. Une œuvre d’art
à écouter et regarder. Frédéric Cardin
Melodious Melancholye
– Les doux sons de l’Angleterre médiévale
Ensemble Belladonna (Miriam Andersén,
voix, harpe; Rebecca Bain, voix, vièle; Susanne Ansorg, vièle, rebec)
Raumklang RK 2003 (54 min 31 s)
**** $$$$
Fondé en 1997, l’ensemble Belladonna
se spécialise dans l’interprétation de la musique allant du 12e
au 15e siècle. Ses trois membres, la Suédoise Miriam Andersén, la
Canadienne (née à Montréal) Rebecca Bain et l’Allemande Susanne
Ansorg, se sont connues alors qu’elles étudiaient à la Schola Cantorum
Basiliensis, à Bâle. Elles proposent sur cet enregistrement une collection
de chansons illustrant la «mélodieuse mélancolie» des Anglais du
Moyen-Âge. Des poèmes où le «triste bonheur» rencontre la «joie
douloureuse». Un fort beau programme, non pas en contrastes, mais plutôt
homogène, baigné dans une atmosphère de douceur, de calme et d’intimité,
autant par les thèmes abordés que par la musique qui soutient les
poèmes. Loin de lasser, cette homogénéité plonge l’auditeur dans
un univers à part. La simplicité et le naturel des voix et du jeu
instrumental conviennent parfaitement au répertoire. Isabelle Picard
Waxman
Joshua
Livret de James Forsyth, d’après le
Livre de Josué
Prague Philharmonia/James Sedares; Prague
Philharmonic Choir/Jirka Kratochvil; Maximilian Schell (Narrateur);
Rod Gilfry, baryton (Moïse, Josué); Ann Hallenberg, mezzo-soprano
(Rahab); Peter Buchi et Patrick Polle, ténors (Espions)
DG 00289 477 5724 (76 min 25 s)
**** $$$
Franz Waxman (1906-1967) est célèbre
pour sa surabondante musique de films (Sunset Boulevard, Sayonara,
etc). L’oratorio biblique Joshua, «son œuvre symphonique
la plus substantielle», dont c’est le premier enregistrement, rappelle
beaucoup les bandes sonores hollywoodiennes, avec son côté descriptif
appuyé et ses cuivres rutilants, dont des trompettes omniprésentes.
Si l’épisode du siège de Jéricho est particulièrement réussi,
la fugue laborieuse qui clôt la première partie fait penser à quelque
pastiche anachronique. Le traitement vocal des personnages (Moïse,
Josué, Rahab) et du chœur représentant le peuple est plutôt convenu.
En narrateur, Maximilian Schell réserve les moments les plus sentis,
tandis que le chef tire résolument son épingle du jeu. On peut en
dire autant des solistes. En fin de compte, ce n’est pas la spiritualité
qui règne ici, mais un certain triomphalisme militariste assez gênant
à une époque où notre planète est meurtrie par tant de guerres.
Alexandre Lazaridès
Voice of the Violin
Joshua Bell, violon; Anna Netrebko, soprano;
Michael Stern, Orchestra of St-Luke’s
Sony Classical 82796-97779-2 (53 min
33 s)
***** $$$
Les Américains appellent ça des
sequels. Après le méga-succès «Romance of the Violin», voici
«Voice of the Violin». Les plus belles mélodies classiques s’y
retrouvent (enfin, celles qui n’étaient pas sur Romance of the
Violin!): la Vocalise de Rachmaninov, Après un Rêve
de Fauré, la Chanson à la Lune de Dvorak (très réussie),
Pourquoi me réveiller? de Massenet, etc. C’est facile, je vous
l’accorde. C’est du velouté double satiné, accordé aussi. Mais
après avoir libéré un fort besoin de sarcasme devant tant de marketing
hyper focalisé, force m’est d’admettre que, M. Bell étant l’un
des meilleurs violonistes actuels, sa sensibilité intelligente donne
des lettres de noblesse à cet ensemble qui paraîtrait affreusement
réchauffé sous des doigts moins habiles. Et bien oui, c’est bon,
et ça s’écoute diablement bien! En attendant Soul of the Violin,
Spirit of the Violin, The Making of Romance of the… Frédéric
Cardin
Musique orchestrale /
Orchestral Music
Schumann
Quatuors à cordes op. 41, nos 1 et 3,
(transcriptions pour orchestre à cordes)
Jean-Philippe Tremblay, Montreal Players
Naxos 8.550133 (61 min 29 s)
**** $
L’idée attendait d’être saisie
au vol. La facture parfois quasi-symphonique de ces quatuors schumanniens
(dixit Jean-Philippe Tremblay), demandait, apparemment, un tel travail
de transcription. Car il faut bien dire transcription et surtout pas
relecture! M. Tremblay réalise ici une œuvre basée sur un respect
très strict de l’écriture schumanienne (à peine ajoute-t-il une
contrebasse ici et là). Le résultat est un Schumann plus chaleureux,
presque duveteux par endroits. Sans nier le plaisir procuré par cette
version augmentée et «habillée» des affects du grand Robert, on
doit reconnaître que la conséquence (attendue) est une légère perte
d’incision et de cette crudité, parfois violente, écho de la démence
qui louvoyait quelque part dans l’esprit du maître, qui soutient
toute la conception émotionnelle de ce corpus fondamental de la littérature
chambriste et qui est plus facilement communiquée par le dénudement
émotif et métaphysique d’un quatuor. Par contre, après plusieurs
écoutes répétées, je perçois déjà une transformation de ma réaction
initiale qui tend vers une plus grande appréciation de la force particulière
que peut procurer une lecture «amplifiée». Quoiqu’il en soit, on
ne peut nier la qualité du travail de ce jeune chef d’ici, et le
plaisir procuré par ce disque. Revenons-y dans six mois, et on affirmera
peut-être qu’il s’agit d’une version indispensable. Frédéric
Cardin
CPE Bach
Concerti a flauto traverso, vol. 1
Arte dei Suonatori/Alexis Kossenko, flûte
et direction
Alpha 093 (70 min 17 s)
****** $$$
Parmi les œuvres les plus personnelles
et les plus abouties qu’ait laissées Carl Philipp figurent les concertos
pour flûte traversière et orchestre, dont s’amorce ici une intégrale.
Bien qu’il existe aussi de chacun de ces concertos une version pour
clavecin, et parfois même pour violoncelle, tous (sauf un, le wq. 169)
semblent avoir été écrits d’abord pour la flûte. De fait, le contraste
qui se crée entre la suavité du traverso et le tranchant des
cordes retient partout l’attention et illustre au mieux l’esthétique
heurtée et tourmentée du Sturm und Drang. À cet égard, le
tableau reproduit ici, éruption volcanique sur fond de ciel lunaire,
paraît fort bien choisi! Les musiciens de l’Arte dei Suonatori,
presque tous d’origine polonaise, s’étaient déjà fait remarquer
pour leur énergie dans un enregistrement de la Stravaganza de
Vivaldi, qui n’avait cependant pas totalement convaincu; les revoici,
bénéficiant cette fois d’une meilleure prise de son et de la direction
précise d’Alexis Kossenko, flûtiste virtuose et inspiré. Un disque
captivant, qui surclasse l’ancienne version de Ton Koopman et de Konrad
Hünteler, pourtant très réussie elle aussi. Philippe Gervais
Bruch
Violin Concerto No. 1
Orchestre de la Francophonie canadienne
/ Jean-Philippe Tremblay, Alexandre Da Costa, violon
Disques XXI – 21 (25 min 21 s)
**** $$$
L’état de grâce que nous avions tant
admiré chez Alexandre Da Costa dans l’interprétation des œuvres
de Luís de Freitas Branco et Joly Braga Santos, chez le même éditeur,
n’est malheureusement pas au rendez-vous dans cet enregistrement du
Premier Concerto pour violon en sol mineur de Bruch. Il s’agit
d’une captation publique effectuée au Festival classique des Hautes-Laurentides
à Mont-Laurier, en août 2005. Si le violon de Da Costa est toujours
beau et juste, sa conception semble plus sentimentale que lyrique, et
les langueurs deviennent vite longueurs! Quant à l’orchestre, si
la vigueur est la qualité principale de la phalange dirigée par le
prometteur Jean-Philippe Tremblay, elle doit faire encore ses preuves
en matière de nuance et d’équilibre. Le chef suit la pente naturelle
de l’écriture de Bruch, d’autant plus glissante qu’elle n’est
pas exempte de banalités, ce que James Ehnes avait su éviter avec
élégance et brio, sous la direction de Charles Dutoit à la tête
de l’OSM (Les disques SRC, 2001). Le minutage est, de plus, bien avare.
Alexandre Lazaridès
Liszt
Intégrale des œuvres pour piano et
orchestre
Louis Lortie, piano; Residentie Orchestra
The Hague / George Pehlivanian
Chandos CHAN 10371(3)X (3 CD: 3h34 min)
***** $$$
Enfin un coffret réunissant l’intégrale
des œuvres pour piano et orchestre de Liszt interprétée par Louis
Lortie! Sur ces trois disques d’abord parus individuellement (CHAN
9801, CHAN 9864, CHAN 9918), une vraie intégrale, incluant non
seulement les concertos, mais également la Fantaisie sur des thèmes
populaires hongrois, la Grande fantaisie symphonique sur des
thèmes de «Lélio» de Berlioz, la Fantaisie sur un thème
des «Ruines d’Athènes» de Beethoven, de même que l’orchestration
que Liszt a fait de la Polonaise brillante de Weber et de la
Wandererfantaisie de Schubert. Sans oublier Malédiction
(piano et orchestre à cordes), Totentanz et De Profundis.
Tout y est. D’autres l’ont déjà dit lors de la parution individuelle
des trois volumes: l’interprétation de Lortie se mesure avantageusement
à celle des plus grands. Devant toute la fougue, mais également le
raffinement du jeu du pianiste, bien appuyé par l’Orchestre Residentie
de La Haye, on ne peut qu’abonder dans le même sens. Isabelle
Picard
Vivaldi
Concerti per violino I «La caccia»
Concerto RV208 «Grosso Mogul», Concerto
RV332, Concerto RV234 «L’inquietudine», Concerto RV199 «Il Sospetto»,
Concerto RV362 «La Caccia», Concerto RV270 «Il Riposo»
Academia Montis Regalis, Enrico Onofri,
violon et direction
Naïve OP 30417 (55 min 27 s)
***** $$$$
Comme le rappelle Olivier Fourès dans
le livret d’accompagnement de ce disque, sur les quelque 800 œuvres
attribuées à Vivaldi, plus de la moitié font appel au violon soliste,
dont environ 240 concertos pour violon et orchestre. L’étiquette
Naïve, dans le cadre de son Édition Vivaldi, projète d’enregistrer
la centaine de ces concertos qui se trouvent dans les manuscrits conservés
à la Bibliothèque nationale universitaire de Turin. L’écoute des
six concertos du premier volume de cette série dément l’idée selon
laquelle Vivaldi, dans ses œuvres concertantes, n’aurait fait que
se répéter des centaines de fois. La variété est bien présente,
et mise en lumière par l’interprétation particulièrement souple
du violoniste Enrico Onofri et de l’Academia Montis Regalis. Leur
jeu est léger et vivant, tantôt théâtral («Grosso Mogul»), tantôt
délicat («Il Riposo»), toujours passionnant. Isabelle Picard
Musique contemporaine/Contemporary
Music
Rathburn
Works
Chamber Players of Canada
Atma ACD2 2371 (77 min 29 s)
**** $$$
Eldon Rathburn n’est pas très connu
ici. Il a pourtant écrit les partitions musicales de plusieurs centaines
de films de l’ONF (qui a d’ailleurs réalisé un documentaire biographique
sur sa carrière), reçu l’Ordre du Canada et a même droit à SA
journée officielle (le 21 avril) à Ottawa! La musique de Rathburn
est simple, mais bourrée de clins d’œil musicaux au répertoire
classique, et surtout largement imprégnée d’un humour fin et intelligent,
parfois sarcastique, qui nous permet d’apprécier la grande sophistication
de cet artiste en apparence très humble. Prenez par exemple sa Ottawa
Suite, dans laquelle il simule avec des «gazoos» les ronflements
des sénateurs («The Senate Sleeps»), et où il utilise avec un évident
plaisir les accents résignés de la mélodie de la Marche Slave
de Tchaïkovsky pour illustrer la marche des fonctionnaires vers leur
travail («The Civil Servants»). Je n’ai pu réprimer un éclat de
rire! Un Concertino pour banjo, un Scherzo cartoonesque
pour quatuor, mais aussi une évocation debussyste d’un décor néo-brunswickois
(magnifique Harbour Nocturne) et une peinture sensible des rêveries
d’un voyageur solitaire (Subway Thoughts), finissent de compléter
ce portrait surprenant d’un compositeur qui mérite toutes ses distinctions.
Frédéric Cardin
Prairie Scenes
Eric Ewazen: Sonata for Trumpet and Piano
(1995); Roger Deegan: Prairie Scenes (2002); Malcolm Forsyth: Sonata
for Trumpet and Piano (1994)
Russell Whitehead, trompette; Sylvia
Shadick-Taylor, piano
Arktos 200690 (61 min 47 s)
*** $$$
Pour ce premier disque solo, le trompettiste
canadien Russel Whitehead, troisième trompette de l’Orchestre symphonique
d’Edmonton, a choisi des œuvres qui évoquent les grands espaces
des prairies de l’Ouest. Le principal intérêt de ce choix est de
nous faire découvrir du répertoire pour trompette qu’on a peu l’occasion
d’entendre. On remarquera particulièrement la Sonate de Michael
Forsyth. Whitehead n’est peut-être pas un trompettiste absolument
exceptionnel – il est très bon, comme plusieurs autres – et on
pourrait critiquer son jeu ici et là; cependant, il a au moins le mérite
de contribuer à diffuser et à faire évoluer le répertoire pour trompette,
en enregistrant autre chose que ce qui a déjà été fait, de façon
tout à fait convenable. Isabelle Picard
Freedman
The Tokaido
– La musique chorale de Harry Freedman
1838, Songs from Shakespeare, The Tokaido,
Voices, Valleys, Keewaydin
Elmer Iseler Singers, Amadeus Chamber
Singers, Toronto Children's Chorus
Centredisques CMCCD 11206 (60 min 32
s)
**** $$$
À travers un pan de la création du
compositeur canadien Harry Freedman (sa musique chorale), on découvre
la variété de ses influences. À côté des couleurs rock de «1838»
(extrait de Blue… Green… White), on trouve la familiarité
des mélodies des Songs from Shakespeare, le langage plus moderne
de The Tokaido et la densité harmonique de Voices. Dans
tous les cas, on reconnaît une signature personnelle, une grande expressivité
et la parfaite maîtrise de l’écriture pour chœur. L’importance
que Freedman accorde au son est particulièrement visible dans ses œuvres
utilisant une langue inventée (Voices, Valley), mais
également dans celles qui mettent en musique des textes anglais ou
japonais. Keewaydin, interprétée par le Toronto Children's
Chorus, conclut le disque de façon bouleversante. Il n’y a rien à
redire au travail des Elmer Iseler Singers et Amadeus Chamber Singers
qui, sous la direction de Lydia Adams, font honneur à la musique de
Freedman. Enregistré en avril 2005, quelques mois avant le décès
du compositeur. Isabelle Picard
Glass
Uakti: aguas da amazonia; Analog; The
Witches of Venice; Glass Reflections
Orange Mountain Music (omm0026, 0029,
0031, 0032)
$$$$
Vous avez dit prolifique? En effet! Il
ne se passe pratiquement pas une semaine sans que nous recevions au
moins un disque de Philip Glass. C’est que l’étiquette Orange Mountain
Music se consacre à l’édition des archives du compositeur (enregistrements
préparatoires, concerts, etc.). Le disque du quatuor brésilien Uakti
est assez particulier parce que l’ensemble joue sur des instruments
(de percussion ou à vent) construits pour lui avec du verre, du métal,
du bois ou même du caoutchouc. Leur approche de la musique de Glass
lui donne un petit côté «musique du monde» qui lui sied parfaitement.
«Analog» fait entendre des œuvres datées de 1977 et 1980, époque
durant laquelle Glass réalisait des enregistrements multipistes sur
un magnétophone à 16 pistes en jouant lui-même de tous les claviers
(orgues, sythétiseurs, etc.), tandis que Dickie Landry ajoutait sax
et flûte et que Joan La Barbara et Gene Rickard prêtaient leur voix.
Toute la manière Glass est dans les trois pièces présentées
ici. «Glass Reflections» met en vedette l’octuor de violoncelles
Conjunto Ibérico. Les arrangements d’Elias Arizcuren de diverses
œuvres de Glass sont absolument somptueux et le programme, varié,
offre un bel échantillonnage du travail du compositeur. Peut-être
le plus surprenant des quatre disques recensés ici, «The Witches of
Venice» est un opéra-ballet pour enfant commandé au compositeur par
La Scala de Milan en 1995. Travaillant sur un livret de Beni Montresor,
Glass s’en donne à cœur joie avec le thème, mais la sonorité des
synthétiseurs devient malgré tout lassante. Réjean Beaucage
Schafer
3 solos
Bradyworks
Centrediscs/Centredisques CMCCD/DVD 12006
(65 min 16 s)
**** $$$$
Le compositeur et guitariste Tim Brady
a eu une bonne idée en choisissant de consacrer un disque de son ensemble
à la musique de l’un des compositeurs canadiens les mieux connus:
R. Murray Schafer. Le présent enregistrement regroupe trois œuvres
pour soliste: Music for the Morning of the World, pour voix avec
bande magnétique 4 pistes; Le Cri de Merlin, pour guitare et
bande; Deluxe Suite for Piano. L’inclusion dans ce boîtier
d’un DVD audio au format 5.1 permet de rendre justice, particulièrement,
à la première de ces pièces, dont la bande qui accompagne la soprano
(Annie Tremblay ici) est conçue pour une diffusion quadraphonique.
La pièce qu’interprète Tim Brady a été écrite pour une guitare
acoustique, mais il la joue sur une guitare électrique avec un résultat
très convaincant. C’est Brigitte Poulin qui interprète l’œuvre
pour piano que le compositeur a dédiée à cette autre excellente pianiste
qu’est Janina Fialkowska. Écrite 43 ans après sa première pièce
pour piano solo, elle prouve que Schafer a bien tort de se passer de
cet instrument! Réjean Beaucage
Scènes de forêt
Denise Trudel, piano
MIREs MIR 29-017 (59 min 02 s)
**** $$
Après avoir fait subir le traitement
à des œuvres de Schumann, John Rea et Denis Dion, la pianiste Denise
Trudel récidive en entremêlant sur son deuxième disque des œuvres
de Gilles Bellemare (Scènes de l’autre forêt, 2005), Schumann
(Waldszenen, op. 82, 1849) et Dion (Promenades, 2005).
Drôle d’idée que de présenter ces œuvres en plusieurs parties
en les faisant s’entrecroiser de la sorte, mais c’est un procédé
qui, s’il empêche d’appréhender chacune des œuvres dans sa globalité
(à moins de programmer le lecteur), permet cependant un voyage étonnant
à travers les styles et ne laisse jamais s’installer l’ennui. Comme
sur le premier disque (Scènes d’enfance), Dion offre une pièce pour
piano et bande (et ajoute cette fois-ci des traitements en direct) très
collée sur le thème; Bellemare, que l’on découvre avec plaisir
ici comme compositeur, offre des moments très contrastés, de la nostalgie
romantique («Souvenirs») jusqu’à la fureur («Appréhension»).
Schumann semble rajeunir à leur voisinage. Réjean Beaucage
DVD
Schubert
Symphonies No 8 «Unfinished», No 9
«The Great»
NDR Sinfonieorchester/Günter Wand; réalisation:
Hugo Käch
TDK DVWW-COWAND6 (85 min)
****** $$$$
L’ultime héritage de Günter Wand,
décédé en 2002, est constitué de captations vidéo réalisées à
Lübeck, lors du festival annuel du Schleswig-Holstein avec l’orchestre
de Hambourg. Du festival de 1995, ce sont les deux dernières symphonies
de Schubert qui nous sont restituées avec le concours de la caméra
toujours pertinente de Hugo Käch, attentive autant aux gestes du chef
qu’à ceux des instrumentistes. Le réalisateur nous fait comprendre
leurs interactions au moyen de surimpressions qui interviennent au bon
moment. Comme toujours, Wand semble animé d’une flamme inextinguible
aussitôt qu’il gagne le podium. Il nous donne à entendre un équilibre
souverain entre les pupitres, avec des chants tissés dans l’écriture
qu’il met en évidence sans gratuité, animé du seul souci de souligner
la structure du mouvement sans déséquilibrer la conduite de la ligne
générale. Presque une heure et demie de musique absolue durant laquelle
l’auditeur ne pense guère qu’il se trouve en présence de «divines
longueurs», même pour le dernier mouvement de la Grande. Prise
de son très convenable. Alexandre Lazaridès
Juxtapositions
# 6 Pierre Boulez: Éclat/Sur Incises
(142 min)
# 8 Elliott Carter: A Labyrinth of Time
(90 min)
Idéale Audience International
***** $$$$
Quelle magnifique série que celle-là!
Le DVD consacré à Pierre Boulez nous permet d’assister à l’interprétation
de deux de ses œuvres: Éclat, par le Dutch Nieuw Ensemble sous
la direction de son directeur musical, Ed Spanjaard, et Sur Incises,
par des musiciens de l’Ensemble Intercontemporain sous la direction
du compositeur. Cette dernière est précédée d’une présentation
par Boulez qui décortique l’œuvre devant le public de la Cité de
la musique. Éclat est aussi précédée d’un documentaire
durant lequel on assiste à la préparation du chef et des musiciens.
Frank Scheffer, l’un des maîtres d’œuvre de la série, a mis une
vingtaine d’années à préparer le film qu’il a consacré à Elliott
Carter (et qu’ont récompensé plusieurs prix). Le compositeur y discute
de son travail et de ses préoccupations et Pierre Boulez, Daniel Barenboim
et Charles Rosen y mettent aussi leur grain de sel. Le montage est vif
et fait une bonne place à divers documents d’archive. Deux magnifiques
documents. Réjean Beaucage
Shostakovich
Symphonies 6 et 9
Wiener Philharmoniker / Leonard Bernstein;
réalisation: Humphrey Burton
DG Unitel 00440 073 4170 (72 min + 31
min complémentaires)
****** $$$$
Le plaisir que procure ce DVD est double.
Il y a d’abord, bien sûr, l’interprétation magistrale de Bernstein,
qui n’aura laissé, tout compte fait, que cinq ou six témoignages
sur Chostakovitch (nous attendons une réédition de la magnifique
Leningrad). Comme l’orchestre n’est nul autre que le Philharmonique
de Vienne, la prestation orchestrale est exceptionnelle, même si la
célèbre phalange n’est pas familière de ce répertoire. L’enthousiasme
du chef américain pour ces deux opus considérés comme secondaires
est tout à fait contagieux. L’auditeur se laisse convaincre sans
peine qu’il vient d’écouter des œuvres dignes de tout son intérêt.
Il faut aussi dire, et c’est la deuxième cause de notre plaisir,
que la demi-heure donnée en «bonus», durant laquelle Bernstein explique,
avec la rhétorique brillante et le flair pédagogique qu’on lui connaît,
la portée de la Sixième et de la Neuvième Symphonie,
intelligemment replacées dans le contexte soviétique des années de
guerre et de la biographie du compositeur, est un moment privilégié,
indissociable de l’écoute des œuvres elles-mêmes. Alexandre
Lazaridès
Glenn Gould Hereafter
A film by Bruno Monsaingeon
Ideal Audience International DVD9DM20
(106 min)
***** $$$$
On ne se lasse pas de retrouver le grand
Glenn se promenant à pied au bord de quelque lac, ganté et coiffé
de sa casquette à visière aplatie, ou bien dans les studios d’enregistrement
qu’il affectionnait parce qu’il y voyait la solution de rechange
à la formule du récital ou du concert qui, selon lui, incitait le
musicien à la paresse, ou bien encore devant son piano, à divers moments
de sa vie, déployant sa gestuelle de plus en plus désinhibée avec
les années... Bruno Monsaingeon, à qui plusieurs interprètes des
plus connus doivent un documentaire filmé, a puisé dans divers fonds
de tiroir pour nous donner ce nouveau Glenn Gould au delà du temps,
qui, somme toute, n’ajoute pas grand-chose à ses films antérieurs
sur le pianiste canadien disparu en 1982. Peut-être que l’intérêt
renouvelé de ce documentaire, comme toujours intelligemment monté,
réside dans le témoignage de trois admiratrices, italienne, russe
et japonaise, sur l’influence que Glenn Gould a exercée sur leur
vie – sans oublier, bien sûr, quelques interprétations captées
sur le vif, tel un rare Chopin (Étude
op. 10, no 2). Alexandre Lazaridès
Livres /
Books
Bob Dylan: portraits et témoignages
Libre expression, 2006, 288 pages
***** $$$$
Bob Dylan au fil des albums (1962-2001)
Anthony Varesi
Triptyque, 2006, 263 pages
*** $$$$
«Les classiques ne se démodent pas»,
comme on dit. Vous assisterez au concert de Bob Dylan le 8 novembre
au Centre Bell de Montréal? Si ce concert est comme le dernier qu’il
donnait chez nous (en 2002, déjà?), vous voudrez réentendre sa musique
dès le concert terminé. Deux guides pour vous y aider: le magnifique
album photo grand format que fait paraître Libre expression vaut vraiment
le détour (à tout juste plus de 30$, c’est donné). Concocté par
des auteurs du magazine britannique Mojo, le pavé regroupe témoignages,
commentaires et un luxe de photos, de même qu’une sélection commentée
des 100 meilleurs titres de l’auteur-compositeur. Pour à peine moins
cher, le livre de Varesi (traduit par François Tétreau) passe chronologiquement
en revue la discographie de Dylan (plus de 40 disques) et s’attarde
sur leur contexte de création tout en proposant des analyses bien informées.
Réjean Beaucage
MOZART 250
Sélection du mois
Tutto Mozart!
Bryn Terfel, baryton-basse; Miah Persson,
soprano; Christine Rice, mezzo-soprano; Scottish Chamber Orchestra /
Sir Charles Mackerras
Deutsche Grammophon 4775886 (63 min 36
s)
****** $$$
Jouissif! L’une des plus grandes voix
actuelles sur la planète, Bryn Terfel, déjà mozartien reconnu à
la scène, nous en apporte une confirmation irrévocable avec ce disque
consacré aux plus grands airs de l’enfant chéri de Salzbourg. L’instrument
de Terfel est une merveille de la nature, de l’art et de la technique.
Puissant, velouté, mais également robuste sans jamais être rude ou
brutal, recelant un éventail de couleurs et de textures proprement
inimaginable, il permet à ce Gallois à la stature de joueur de rugby
d’étaler devant nos oreilles ébahies une véritable pyrotechnie
d’émotions et une orgie de plaisirs musicaux sans doute renouvelés
et magnifiés à chaque écoute. Terfel est un magnifique mozartien,
pleinement imprégné de cet esprit si particulier que l’on retrouve
dans le mariage de l’apparent et de l’indicible, du conscient et
de l’inconscient, du corset et de l’esprit! Les Écossais de Sir
Charles Mackerras y vont d’un accompagnement délicat et subtil, pleinement
à la hauteur du défi lancé par le Gallois. Frédéric Cardin
Concertos pour piano no 17 K. 453
et no 21 K. 467
Maurizio Pollini, piano et direction;
Wiener Philharmoniker
Deutsche Grammophon 4775795 (57 min 15
s)
***** $$$
Voilà un incontournable de l’année
Mozart. Le grand pianiste Maurizio Pollini offre dans ces concertos
un jeu d’une grande clarté, raffiné, avec une étonnante précision
dans le touché. Tout coule de source. Et cela est d’autant plus vrai
qu’il est magnifiquement appuyé par le Philharmonique de Vienne,
qu’il dirige lui-même du piano. Il est évident que le pianiste et
l’orchestre s’écoutent mutuellement, car leur jeu atteint une qualité
d’interaction que l’on retrouve plus souvent en musique de chambre
qu’en musique concertante. L’équilibre sonore est parfait (réussite
des musiciens, mais également de la prise de son), et laisse entendre
avec clarté toutes les voix. Un disque vivifiant et une heure de musique
qui passe vite. Isabelle Picard
Mozart Arias
Magdalena Kozena, mezzo-soprano; Jos
van Immerseel, pianoforte; Orchestra of the Age of Enlightenment / Simon
Rattle
Archiv 4775799 (67 min 56 s)
**** $$$
Est-il besoin de dire que tous les musiciens
présents sur cet enregistrement sont excellents? Voir ces noms réunis
donne à rêver. Et effectivement, on ne peut rien redire ni sur la
voix de Kozena, moelleuse, lumineuse, colorée et égale dans tous les
registres, ni sur la direction de Rattle, qui amène un phrasé clair,
des nuances précises et qui dialogue bien avec la soliste. La sonorité
de l’orchestre est belle, confortable, parfaite… mais justement
peut-être un peu trop parfaite, égale, uniforme; on prendrait bien
un peu plus d’élan ici et là. Kozena est tour à tour Susanna et
Cherubino (Le nozze di Figaro), Idamante et Ilia (Idomeneo),
Despina, Fiordiligi et Dorabella (Cosi fan tutte), et Vitellia
(La clemenza di Tito). Elle fait une belle démonstration de
son savoir-faire mozartien. Mais sans trop savoir pourquoi, même après
plusieurs écoutes, je cherche encore quelque chose. Quelque chose qui
vivrait, qui parlerait et serait autre chose qu’un beau savoir-faire.
Isabelle Picard |
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