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La Scena Musicale - Vol. 11, No. 9

Gregory Charles une classe à part

Par Réjean Beaucage / 7 juin 2006

English Version...


Il anime des émissions à la radio et à la télévision, joue du piano, du violon et de la clarinette, est directeur de l’un des plus grands festivals consacrés à la musique chorale au monde et est bien sûr chanteur lui-même, et danseur; il est également comédien, enseignant, et il a donné au Québec depuis deux ans plus de 80 représentations de son spectacle Noir et blanc, spectacle qu’il a aussi donné à Broadway en novembre dernier et que réclament maintenant Las Vegas et la France. Hyperactif, Gregory Charles? Sans doute, mais pas éparpillé pour autant. Le lien qui unit toutes les facettes de sa personnalité, c’est un désir profond de transmettre le plaisir de l’apprentissage permanent tous azimuts, comme on le lui a transmis, et la joie que procure la musique, simplement.

LSM : Le Mondial Choral Loto-Québec, dont la première édition, l’année dernière, a accueilli plus de 500 000 visiteurs, se tiendra cette année du 16 juin au 2 juillet. Vous avez déjà dit que votre intention était de convertir le public au chant choral...

GC: En fait, mon but premier, c’est un peu dans l’esprit du film «Payez au suivant», c’est-à-dire que j’ai beaucoup retiré moi-même du chant choral et des gens qui en ont fait avec moi, et que je veux que d’autres puissent en profiter comme je l’ai fait. J’ai fait beaucoup de musique depuis ma jeunesse, que ce soit du piano, du violon ou de la clarinette, mais j’ai retiré davantage du chant choral que de l’apprentissage d’un instrument. Ce qui me frappe d’abord, c’est la générosité du chant. Que l’on parle de professionnels ou d’amateurs, les gens qui chantent n’entendent jamais le résultat réel de ce qu’ils font; ce travail-là ne profite qu’aux autres. Et il y a l’expérience du microcosme de la société que peut représenter une chorale, l’apprentissage d’une vie collective.

Que vous avez fait avec les Petits Chanteurs du Mont-Royal.

Oui, et je dois beaucoup aux directeurs des Petits Chanteurs, Charles Dupuis et Gilbert Patenaude. On a tendance à voir le chant choral comme un art mineur, mais en ce qui me concerne je trouve que c’est une activité extrêmement importante. D’abord, lorsqu’on est un jeune musicien, on a l’habitude de jouer seul. Quand j’ai fait l’apprentissage du piano, durant des années, j’étais seul; je n’ai pas joué avec un orchestre avant d’avoir 11 ou 12 ans. La chorale a été en ce sens-là une excellente occasion de faire de la musique en collectivité. En créant le Mondial, je voulais donc en quelque sorte payer une dette à ce chant choral qui a fait de moi ce que je suis. Et j’étais bien conscient que je n’étais pas le seul à aimer chanter en groupe... Quand nous avons lancé la première édition, je m’attendais à y recevoir 1000, peut-être 1500 choristes... Il en est venu plus de 11000! Cette année, nous en attendons autour de 15000.

Votre programmation est en effet pour le moins touffue.

Je dois dire d’abord qu’il y aura tout près de 400 performances de chœurs qui viennent d’un peu partout: du Québec et du Canada, bien sûr, de même que des États-Unis, mais aussi de France, d’Allemagne, d’Autriche, d’Italie, de l’Asie, etc. Et on parle vraiment de chœurs de toutes sortes, puisque nous ne faisons pas de discrimination; il n’y a pas de refus. Pour moi, le chant choral, c’est du chant symphonique, du chant profane, du chant sacré, de la comédie musicale, du jazz vocal, du barbershop, tout ça... Nous aurons, entre autres, la Maîtrise des Petits Chanteurs de St-Marc, de France, qui s’est rendue célèbre grâce au film «Les Choristes» ou, des États-Unis, un excellent chœur gospel: Kurt Carr & The Kurt Carr Singers. Nous aurons aussi le Théâtre d’art lyrique de Laval, qui célèbre ses 25 ans, tout comme les Petits Chanteurs de Laval, que j’ai dirigés pendant 20 ans; le 21 juin, nous aurons un grand spectacle extérieur avec l’OSM, dirigé par Jean-François Rivest, le grand chœur symphonique du Mondial et les feux d’artifice de Fiat Lux. L’OSM reviendra au Centre de la nature le 24 pour célébrer la St-Jean avec Alain Lefèvre et la musique d’André Mathieu. Nous aurons à cette occasion, en première mondiale, quatre chansons de Mathieu pour chœur et orchestre. Et il y a de nombreux autres concerts encore, bien sûr.

Cet amour du chant choral vous a aussi amené à développer un goût pour la formation, la transmission, comme vous le disiez plus tôt. Vous enseignez auprès des décrocheurs dans un centre communautaire depuis plus d’une dizaine d’années et vous avez même le projet d’ouvrir votre propre école bientôt (septembre 2007).

En effet! J’ai toujours pensé que les activités parascolaires devraient être simplement scolaires, et je me disais que s’il m’arrivait un jour de diriger une école, toutes ces activités que j’ai adoré faire en périphérie de l’école seraient incluses dans la portion scolaire. Il fallait de toute évidence que cela soit une école privée. J’ai conçu un programme pour le primaire qui intègre le curriculum académique, mais en faisant de la place aux langues et aux sciences, pour un tiers, et aux arts de la scène (principalement la musique), pour un autre tiers. Et je crois fermement que l’une des meilleures façons d’enseigner la musique à ce niveau-là, c’est le chant choral.

On parle souvent des effets bénéfiques de l’enseignement de la musique; c’est dans cette optique que vous l’intégrez?

Je pense que ce qui est le plus important, c’est surtout le résultat collectif. Je ne suis pas de ceux qui défendraient le chant choral au détriment d’une équipe de football, par exemple. Sur le plan de la recherche d’un objectif collectif, je trouve que la chorale, l’orchestre ou l’équipe sont sur un même pied. En ce qui concerne plus spécifiquement la musique, il s’ajoute une rigueur, une discipline, mais qui peut aussi trouver son équivalent dans le sport ou la danse. Enfin, l’intérêt supérieur que je trouve en musique, c’est qu’elle est aussi une machine à voyager dans l’espace (géographique) et le temps (historique). Et il y a encore des aspects philosophiques, sociologiques, parce que la musique a un contenu. Alors, au contraire de tous les ministères de l’éducation de la planète, ou du moins du nôtre, je mettrais au cœur du programme régulier les deux éléments qui sont les plus universels, soit la musique et l’histoire. De plus, je trouve louable que l’on veuille redonner de la place au sport, il n’y en a clairement pas assez, mais je pense que du même souffle on devrait faire plus de place à la danse. C’est aussi du sport, avec de la musique! Pour moi, un étudiant qui a accès à des cours de musique vient d’augmenter par définition sa compréhension du monde, de l’histoire, du temps, de la géographie et sa capacité de rigueur et de discipline; de plus, il a le loisir d’obtenir des résultats véritables au travail qu’il entreprend.

Combien comptez-vous accueillir d’étudiants?

Je ne peux pas concevoir qu’il y ait 35 étudiants par classe, alors j’ai conçu un programme pour les trois cycles du primaire avec 25 étudiants par classe, en considérant qu’il y a deux classes par niveau, l’une pour les garçons, l’autre pour les filles.

Pourquoi cette séparation?

Je ne prétends pas détenir «la vérité», mais lorsque je nous écoute, nous les adultes, il me semble que je nous entends souvent dire que les gars et les filles, ce n’est pas tout à fait pareil. On dit souvent que les filles sont plus mûres en comparaison des garçons du même âge; souvent les petites filles de 12 ans ont l’air de jeunes femmes, tandis que les garçons de 12 ans ont l’air de... garçons de 12 ans. Je ne tiens pas du tout à prétendre que d’autres théories sur ce sujet sont fausses, mais j’enseigne le chant choral à des garçons et des filles depuis 20 ans et je sais que l’on peut obtenir des choses extraordinaires de l’un comme de l’autre, mais pas de la même façon. Ce n’est pas la même dynamique, alors je ne vois pas pourquoi on devrait les mettre ensemble, c’est tout.

En ce qui vous concerne, on connaît bien votre cheminement depuis l’âge de 9 ans dans l’univers choral, mais on sait moins que vous avez aussi, et très jeune, étudié le piano.

J’ai débuté l’étude du piano à 7 ans avec un professeur extraordinaire qui s’appelait Sœur Simone Martin, puis j’ai eu la chance d’avoir Yvonne Hubert comme professeur et je suis ensuite allé étudier avec Marc Durand jusqu’à la fin de mon adolescence. J’ai gagné de nombreux premiers prix dans des concours. J’ai joué avec différents orchestres, à Winnipeg, Laval, Lanaudière...

Vous envisagiez sérieusement la carrière de pianiste de concert?

Pas du tout! Ça s’est arrêté vers l’âge de 19 ou 20 ans, mais jusque-là j’ai travaillé très sérieusement et... j’étais bon! Vers 19 ans je me suis intéressé au jazz et j’ai bifurqué. J’ai repris avec Jean Marchand, il y a quelques années, la pièce de théâtre «Deux pianos quatre mains» [de Ted Dykstra et Richard Greenblatt], dont le sujet m’allait parfaitement puisqu’il s’agit de deux pianistes qui ont abandonné leur carrière et qui se rencontrent plusieurs années plus tard pour s’interroger sur les raisons de cet abandon. Mais je ne me considère pas comme un pianiste; je suis un musicien, qui a été pianiste, et qui se débrouille encore assez bien sur l’instrument.

Et sur d’autres...

Oui, j’ai commencé le violon vers l’âge de 10 ans; j’ai joué dans des orchestres, j’ai fait des camps musicaux l’été, de la musique de chambre... J’étais aussi assez bon avec la clarinette, et j’ai gagné quelques concours aussi...

Ça vous laissait quand même du temps pour les matières régulières?

Oh oui! Vous savez, quand je disais tout à l’heure que l’apprentissage de la musique donne de la rigueur et de la discipline, je ne blaguais pas! Ça m’a vraiment aidé dans ce sens-là.

Après avoir décidé vers 19 ans de délaisser une éventuelle carrière de concertiste, vous vous êtes dirigé... vers le droit. C’était pour avoir un filet de sécurité?

Non, c’était par intérêt. Je ne fais pas de séparation entre les activités culturelles et les autres activités, comme les sciences par exemple, qui m’intéressent aussi et que j’ai étudiées au niveau collégial. La musique, pour moi, c’est un choix de vie, mais qui laisse de la place aux autres choses. C’est alors que j’étais en droit que j’ai commencé à faire de la télévision, du studio, et lorsque j’ai eu terminé, j’ai poursuivi du côté de la télé, tout en continuant le chant choral.

Et l’on peut encore vous voir à la télé, à l’émission Mélomaniaque, présentée les samedis soirs à ARTV.

Ça peut sembler prétentieux, mais j’ai une volonté pédagogique avec la musique. C’est simplement que j’ai essayé une recette et que j’ai trouvé que le résultat était bon, alors aussi bien en faire profiter les autres! La musique me rend profondément et fondamentalement heureux, et je ne vois pas ce qui devrait me retenir de partager avec tout le monde ce qui me rend heureux...

Mondial Choral Loto-Québec, Laval

16 juin au 2 juillet

www.mondialchoral.org

OSM – Concerts Loto-Québec dans les parcs

6 juillet: concert d’ouverture du 25e Mondial des cultures de Drummondville

11 juillet: 125e anniversaire de l’Hôpital Douglas, Verdun

27 juillet: Parc Maisonneuve, Montréal

www.osm.ca

FestiBlues International de Montréal (10 au 13 août)

Planète Blues, un concept original mettant en vedette Gregory Charles

12 août, Parc Ahuntsic

www.festiblues.com


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