Contact avec Stockhausen Par Réjean Beaucage
/ 12 décembre 2005
English Version... Pour
plusieurs observateurs de la scène musicale, il est le plus grand compositeur
vivant. Depuis le début des années cinquante, il s'est maintenu à la tête de
l'avant-garde. Figure de proue, avec Pierre Boulez, du courant post-sériel,
Karlheinz Stockhausen a développé l'idée du sérialisme jusqu'à inventer le
concept de la super-formule, tel qu'il s'applique dans son cycle opératiqueLicht
(1977–2003), qui dure 29 heures, et à chacune des pièces, extrêmement
diversifiées, qui le consti-tuent. Il est un pionnier de la musique
électronique (Studie I, 1953) et de la musique mixte (Kontakte,
1959-60), de la musique orchestrale spatialisée (Gruppen, pour trois
orchestres, 1955-57), de la musique intuitive (Aus Den Sieben Tagen,
1968), et cetera ; son catalogue compte plus de 200 œuvres.
Karlheinz Stockhausen a eu 77 ans le 22 août dernier
et LSM a pu s'entretenir avec lui au début du mois de septembre afin de
discuter principalement de sa pièceKontakte (pour piano, percussion et
bande), que la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ) présentera ce
mois-ci.
LSM : Aussi surprenantes qu'elles puissent avoir été
pour les premiers auditeurs, vos premières Klavierstücke (Pièces pour
piano), qui datent de 1952, n'en étaient pas moins les œuvres d'un
compositeur qui était aussi un pianiste. Cependant, dès 1953, vous composiez Studie
I, suivie en 1954 deStudie II, des études qui démontrent déjà
une maîtrise étonnante de l'appareillage nécessaire à l'élaboration de la toute
nouvelle musique électronique.
KS : En composant ces œuvres, je voulais
organiser tous les paramètres du son selon des proportions déterminées et, à
partir de là, il était normal que les timbres (klangfarben) soient
également « composés ». J'avais déjà, en 1952, réalisé une première étude de
musique concrètei à Paris. C'était quelque chose de très simple, fait à partir
de sons de piano dont j'avais coupé les amorces, que j'avais transposés, etc.
Par la suite, au studio de musique électronique de la Nordwestdeutsche Rundfunk
(NWDR) à Cologne, j'ai pu commencer à travailler avec des ondes pures. J'ai
compris ce qui pouvait être réalisé avec les ondes sinusoïdales grâce à mes
études avec le professeur Meyer-Eppler, à l'Université de Bonn. Il enseignait
la phonétique et l'acoustique et il avait déjà écrit un livre très important
sur la production électrique des sons, Elektrische Klangerzeugung [1949].
Je comprenais donc déjà que les sons des instruments ou de la voix sont
construits à partir de partiels [sons harmoniques].
LSM : Ce qui frappe le plus, particulièrement à
l'écoute de la version électronique de Kontakte (1959-60), c'est
l'étrange beauté de ces sons qui étaient complètement nouveaux au
moment où, littéralement, vous les inventiez. Je ne crois pas qu'il y ait eu
une intention de faire de la « belle musique » lorsque vous composiez les
Klavierstücke, mais qu'en est-il de Kontakte ?
KS : Hé bien... c'est moi qui l'ai fait, et
bien sûr je ne m'appuyais à ce moment-là sur aucune tradition. On ne peut pas
changer les timbres d'un piano, mais dans le cas de Kontakte, c'est moi
qui fabriquais les sons et, bien sûr, j'ai utilisé ceux qui me plaisaient le
plus. Mais il y a tout de même dans Kontakte une certaine ressemblance
avec des timbres qui nous sont déjà familiers, comme les timbres percussifs.
Dès le début, je voulais faire la synthèse de sons abstraits et de sons
concrets. Les « sons abstraits » sont ceux qui sonnent comme rien de ce que
nous connaissons, tandis que les « sons concrets » rappellent le métal, le
bois, les cordes et les peaux. Kontakte est donc une synthèse de
l'abstrait et du concret.
LSM : Il y a deux versions de Kontakte
; celle pour bande seule (4 pistes), et la version mixte, qui ajoute un
percussionniste et un pianiste. Vous aviez décidé dès le début d'en faire deux
versions distinctes ?
KS : Oui. J'ai d'abord commencé par
travailler à la radio de Cologne avec trois percussionnistes qui interprétaient
trois variations de la musique sur bande, mais le résultat n'était pas très
concluant. Alors j'ai écrit chaque détail d'une partition pour un pianiste et
un percussionniste qui est devenue la deuxième version. L'œuvre a été créée en
mai 1960 et je croyais qu'il serait préférable qu'elle ne soit pas entendue
seulement grâce à des haut-parleurs, mais aussi grâce à deux musiciens avec qui
je travaillais depuis déjà plusieurs années : David Tudor au piano et Christoph
Caskel aux percussions.
LSM : Quelle en a été la réception ?
KS
: Hé bien... moitié-moitié, comme d'habitude... Non, en fait il y a eu
plus de gens qui n'aimaient pas ! Ils ont même été très désagréables avec moi.
Par exemple, le très influent compositeur Karl Amadeus Hartmann, qui était
président de la section allemande de la Société internationale pour la musique
contemporaine, lorsqu'il est passé près de moi en sortant de la salle, m'a dit
"Scheißen Stücke !", ce qui signifie « une pièce de merde » ! J'étais
vraiment blessé.
LSM : Cela représentait pourtant une telle avancée pour
la musique... La SMCQ a présenté l'œuvre, en version mixte, trois fois déjà, en
1978, 1983 et 1993. Chaque fois qu'on l'écoute, elle semble nouvelle...
KS : Surtout avec de bons interprètes ! J'ai
actuellement trois duos qui l'interprètent et qui sont extraordinaires !
LSM : Comptez-vous les enregistrer ?
KS : Non, parce qu'il y a déjà
l'enregistrement de Kontarsky et Caskel de 1968ii et que je ne veux pas
multiplier les enregistrements de mes œuvres qui sont déjà disponibles, mais, à
vrai dire, je devrais peut-être le faire. Il y a ce duo par exemple, un
percussionniste polonais et une pianiste coréenne, ils sont si bons ! Je leur
ai donné le premier prix l'année dernière à la fin de ma session de cours
d'été.
LSM : Je sais pour avoir consulté quelques-unes de vos
partitions, que votre écriture peut être assez difficile à déchiffrer pour un
interprète.
KS : Ça dépend seulement du temps que l'on
veut bien y consacrer, je pense au contraire que je suis très clair... Une
œuvre comme Kathinka's Gesang [1982-83, pour flûte, voir notre numéro du
mois d'octobre] demande à un excellent interprète, oh, au moins trois ou quatre
mois de travail. Kathinka Pasveer, qui en a donné la création, l'a répétée
durant six mois ! Maintenant, elle peut l'enseigner à d'autres flûtistes, dont
certaines du Canada d'ailleurs, comme Marie-Hélène Breault, qui est venue l'été
dernier et qui reviendra l'été prochain pour en donner une interprétation.
Cette année, c'était la huitième session de mes cours d'été ; nous avons reçu
134 excellents musiciens de 24 pays. Il y avait une trentaine de compositeurs,
plus de 20 interprètes, une douzaine de musicologues et des amateurs. Et les
neuf musiciens qui enseignent ici sont vraiment fantastiques ! J'en profite
pour inviter les musiciens canadiens à venir nous voir, et particulièrement les
chanteurs et les chanteuses !iii
LSM : Vous inscrivez dans vos partitions des détails
qui sont très spécifiques, mais qui peuvent être impossible à jouer, comme par
exemple de plaquer un accord au piano avec une dynamique différente pour chaque
doigt... Si j'ai bien compris, vous estimez que l'interprète doit essayer de
rendre au maximum de ses possibilités les détails demandés et que c'est ce qui
constitue une interprétation satisfaisante. Est-ce bien cela ?
KS
: C'est seulement la moitié de l'histoire... L'autre moitié, c'est que
si on veut vraiment interpréter ces œuvres, il faut les apprendre avec ceux et
celles qui les ont créées et qui, pour ce faire, ont travaillé de longs mois
avec moi. Je voudrais instituer une nouvelle tradition d'apprentissage, que les
jeunes interprètes acquièrent le savoir des maîtres, parce qu'autrement, en
effet, les partitions pourraient devenir indéchiffrables. Elles requièrent
l'exemple, et c'est pourquoi nous avons des sessions d'enseignement à tous les
étés. Certaines œuvres sont conçues pour donner plus d'espace à l'interprète.
Par exemple, en août dernier, j'ai fait un nouvel enregistrement de Für Kommende
Zeiten (For Times to Come,1968-70) avec le Group for Intuitive
Music, de Weimar. Ce sont des compositions textuelles, sans notation, et il
peut sembler qu'elles laissent une liberté de choix infinie à l'interprète,
mais lorsqu'on les travaille, on se rend compte que la liberté reste
passablement encadrée, parce que derrière le texte, il y a une vision de ce que
serait la meilleure interprétation possible et c'est évidemment vers celle-là
qu'il faut tendre.
LSM : Il y a un autre cycle de 15 compositions
textuelles de musique intuitive, Aus Den Sieben Tagen (Venu
des sept jours, 1968) ; peut-on établir une relation entre ces
sept jours, et les sept opéras qui forment le cycle Licht (Light
- The Seven Days of the Week, 1977–2003) ?
KS : Dans plusieurs scènes de Licht il
y a de ces moments durant lesquels les musiciens se voient offrir différentes
possibilités et doivent prendre, individuellement, des décisions. C'est le cas,
par exemple, dans la version de Kathinka's Gesang pour flûte et
percussions ; les six percussionnistes doivent suivre une certaine direction et
se livrer à des actions précises, mais ils doivent aussi prendre des décisions
qui les amèneront dans une direction ou dans une autre, et ils prennent ces
décisions librement. C'est un exemple typique.
LSM : Vous impliquez aussi très souvent l'interprète en
réclamant de lui une théâtralisation de la musique. Dans quel but avez-vous
décidé d'introduire une certaine mise en scène dans votre musique ?
KS : Ça remonte jusqu'à Kreuzspiel (Jeux
de croix, 1951) ; j'ai toujours porté une attention particulière aux
mouvements : comment entrer en scène, comment sortir, comment placer un groupe
d'instrumentistes, etc. Il y a plusieurs niveaux dans Kreuzspiel, aussi
le hautboïste doit-il s'asseoir sur un podium d'une hauteur de 140 centimètres,
les percussionnistes doivent aussi adopter certaines positions particulières,
etc. Kontakte est aussi un bon exemple, puisque les mouvements du
pianiste et du percussionniste, qui vont vers le centre de la scène puis
reviennent à leurs instruments, sont tous notés. Je crois que lorsque nous
assistons à l'interprétation d'une œuvre musicale, ce que nous voyons est aussi
important que ce que nous entendons, et ce doit être de l'art aussi. L'aspect
visuel doit donc aussi être composé.
LSM
: Votre plus grande réalisation en ce sens est sans doute le cycle opératique
Licht. Est-il prévu de donner une représentation complète de ce cycle qui
s'étend sur sept jours ?
KS : Oui, il y a pour le moment deux
organisations qui veulent le faire. Le Centre européen des Arts d'Hellerau, à
Dresde, veut le présenter intégralement en 2008. C'est Udo Zimmermann qui
dirigera. Il y a aussi le comité responsable de la Capitale culturelle de
l'Europe en 2010 qui a annoncé son intention de le faire.
LSM : Vous avez déjà dit que plusieurs de vos
musiques avaient été inspirées par des rêves ; c'est le cas de Helikopter-Streichquartett
(Helicopter String Quartet, 1992-93), par exemple.
KS : C'est le cas d'un grand nombre de mes
œuvres.
LSM : Vous considérez-vous, alors, comme un compositeur
surréaliste ?
KS : J'ai donné tout récemment six concerts
en Norvège, où j'interprétais Mittwochs-Abschied (Wednesday Farewell,
1996), une œuvre de musiques électronique et concrète, et je la présentais
comme une musique qui n'est pas seulement surréelle, mais qui est transréelle,
en ce sens qu'elle crée des attentes pour des événements qui pourraient se
produire, mais qui se transforment en tout autre chose, quelque chose
d'étrange. Mais ce n'est pas l'étrangeté qui est transréelle, c'est le
caractère miraculeux de la transformation de la musique. Mais, bien sûr, il y a
beaucoup de surréalisme dans mon travail.
LSM : Vous avez commencé un nouveau cycle après avoir
terminé Licht en 2003, il s'agit de Klang (Son).
Il est surprenant que vous n'ayez pas déjà utilisé ce titre auparavant !
KS
: Oui, en effet, et j'en suis moi-même surpris ! Avec Licht, je
me suis concentré durant 17 ans sur la signification de la lumière dans la
musique, à partir des sept jours de la semaine (qui ont chacun leur propre
couleur), des sept planètes de l'Antiquité, des constellations, et des
différentes apparences du divin. Finalement, je me suis demandé pourquoi, en
tant que musicien, je m'intéressais tant à la signification de la lumière,
alors que je devrais plutôt m'intéresser au son ! C'est donc ce que je fais
maintenant, mais à partir des 24 heures de la journée. Le 5 mai dernier, jour
de l'Ascension, nous avons créé dans la cathédrale de Milan la première pièce
du cycle, Ora Prima, pour orgue, soprano et ténor.
LSM : Il s'agit, n'est-ce pas, de votre première œuvre
pour orgue ?
KS : En effet. L'œuvre était commandée pour
être jouée dans la cathédrale, alors je me suis dit qu'il serait bon pour moi
d'apprendre à me servir de cet instrument. Et ça sonne bien ! Le seul
pro-blème, c'était les 18 secondes de réverbération de la cathédrale... J'ai dû
trouver un procédé technique qui puisse permettre aux auditeurs d'entendre la
musique et les voix assez clairement. J'ai maintenant une autre commande de la
cathédrale pour Ora Seconda. Ce sera une pièce pour deux harpes parce
que j'ai vraiment envie d'explorer ce problème de longue réverbération. Je
voudrais trouver de nouvelles façons de colorer le son en uti-lisant cette
réverbération. J'ai presque terminé la troisième heure du cycle, qui est écrite
seulement pour piano. Ici j'utiliserai la réverbération naturelle du piano ; le
sous-titre en est « Natural Durations for Piano ». C'est presque une œuvre
pédagogique sur l'emploi du piano sans la battue métronomique, parce que je n'y
prescris pas la durée des notes, qui doit être celle, naturelle, de
l'instrument. C'est un cycle en soi, qui comblera tout un programme ; j'ai déjà
terminé 14 pièces de ce cycle, mais il en comptera 24.
LSM
: Il est assez évident que le temps est l'une de vos préoccupations majeures ;
ne prévoyez-vous pas aussi un cycle sur les minutes et un autre sur les
secondes ?
KS : Oui, oui, c'est vrai ! J'espère
seulement pouvoir vivre, après Klang, pour le faire.
LSM : Parle-t-on de 60 pièces d'une minute ?
KS : Non, je ne suis pas pédagogue à ce point
là ; c'est un thème. Comme Ora Prima dure une quarantaine de minutes, et Ora
Seconda dure entre 25 et 30 minutes. Je ne m'intéresse pas au concept
du temps en termes chronométriques.
LSM : Je sais que vous êtes surtout intéressé par le
temps à grande échelle : le rythme des planètes, celui des étoiles...
KS : Oui, c'est ça !
LSM : Vous avez aussi parlé des polyrythmes complexes
du corps humain... Finalement, vous faites une musique « naturaliste ».
KS : Mais oui, comme je le disais, le
sous-titre de la troisième heure de Klang est « Durées naturelles pour
piano ». Ces durées sont déterminées par l'intensité d'attaque, différente pour
chaque interprète ; ce sont des durées physiques, naturelles.
LSM : Depuis Kontakte (1959-60), vous
avez multiplié les œuvres mêlant les instruments acoustiques aux appareils
électroniques. Que pensez-vous du fait que les orchestres symphoniques jouent
encore aujourd'hui au xxie siècle comme ils le faisaient au xixe ?
KS : Oui... Ils ont du travail à faire...
Mais on ne parle plus de musiciens aujourd'hui... Il y a une poignée de
solistes exceptionnels et ils montreront encore longtemps aux autres êtres
humains ce qui peut être accompli avec le corps. Mais les orchestres sont basés
sur le concept d'un grand nombre de personnes qui jouent simultanément, et
c'est là un concept du passé, qui ne tient absolument pas compte des avancées
technologiques qui peuvent régler le problème de base, qui est de se faire
entendre. On n'a plus besoin d'avoir autant de musiciens jouant la même chose.
LSM : Vous les avez remplacés par des synthétiseurs...
KS : Mais même pour avoir l'effet typique
d'une section de violons, on n'a besoin que de trois musiciens, et l'on peut
les multiplier pour obtenir un son extraordinaire. On n'a pas besoin de 120
musiciens, c'est ridicule ; je peux en faire autant avec quatre haut-parleurs !
LSM : Comment voyez-vous votre propre apport à
l'histoire de la musique ?
KS : Oh... j'ai été un explorateur... et j'ai
découvert un grand nombre de processus acoustiques et musicaux, de nouvelles
formes – chacune de mes pièces est une nouvelle forme, un nouveau schéma, et
c'est ce que je continue à faire. Je pense qu'un compositeur doit être, avant
tout, un artiste, j'entends par là ne pas se laisser entraîner à faire
de la musique pour les besoins de la vie quotidienne, pour gagner de l'argent,
mais avant tout pour développer et approfondir son art. Je crois que nous
sommes responsables de l'évolution permanente du langage musical et c'est là
l'aspect le plus important de notre travail. Et je pense pouvoir dire que je
suis quelqu'un qui a travaillé très fort dans ce sens-là.
LSM : Vous travaillez toujours aujourd'hui plus de huit
heures par jour ?
KS : Oui, enfin, ça dépend de l'endroit où je
me trouve, mais quand je suis à la maison, c'est généralement neuf heures par
jour.
LSM : Depuis sa création en 1966, la SMCQ a présenté
votre musique 47 fois, ce qui fait de vous le compositeur le plus souvent joué
dans ses programmes.
KS : Je me souviens bien de mes passages à la
SMCQ. Maryvonne Kendergi venait me voir et nous faisions ensemble la
planification des programmes. Et quand j'étais sur place, je passais beaucoup
de temps avec les compositeurs canadiens, et j'en connaissais quelques-uns
depuis l'époque de la classe de Messiaen ; Serge Garant, et d'autres, étaient à
Paris en même temps que moi, et je les revoyais à Montréal. Mais comment va
Maryvonne, est-elle bien ?
LSM
: Oui, elle vient d'avoir 90 ans il y a quelques semaines.
KS : Oh, saluez-la de ma part ! Dites-lui
bien que j'apprécie beaucoup le travail qu'elle a fait.
Voilà qui est fait ! *
En contact avec Montréal
La relation entre Stockhausen et Montréal remonte à
loin. Le premier jalon en est posé en 1958, lorsque Maryvonne Kendergi, alors
animatrice à la radio de Radio-Canada, lui parle à Strasbourg après un concert.
Refusant de lui accorder une entrevue sur place, le compositeur lui dit qu'il
passera sans doute bientôt par Montréal. Elle le recevra à son émission en 1960
et profitera de sa présence pour lui faire donner une conférence à l'Université
de Montréal (conférence présentée par Musique de notre temps, un
organisme fondé par Serge Garant, François Morel, Otto Joachim et Jeanne
Landry). Lors d'un deuxième passage à Montréal en 1964, Stockhausen fera
entendre pour la première fois chez nous Kontakte, avec le
percussionniste Max Neuhaus et le pianiste David Tudor. Ce dernier reviendra à
Montréal pour le troisième concert de la SMCQ, le 5 avril 1967. Il interprétera
entre autres pièces Klavierstück XI (1956), de Stockhausen. La SMCQ
accueillera les 2 et 3 mars 1971 le Groupe Stockhausen (Harald Bojé, Péter
Eötvös, Aloys Kontarsky) pour deux concerts à la salle Claude-Champagne. Le
compositeur reviendra avec le Collegium Vocale de Cologne pour un autre concert
présenté par la SMCQ le 6 décembre 1971 au Théâtre Maisonneuve (au programme : Stimmung,
de 1968). De nombreux autres programmes Stockhausen ont été présentés à la SMCQ
par la suite.
Au début des années 70, quelques compositeurs d'ici
allaient à la rencontre de Stockhausen à Darmstadt. Claude Vivier sera très
marqué par sa rencontre avec le compositeur, dont il sera l'élève assidu.
Walter Boudreau, alors directeur musical du groupe expérimental L'Infonie, y
est aussi allé, avec le chanteur, trompettiste et poète Raôul Duguay. Ce
dernier nous disait récemment : « Je lui ai offert une canne de sirop d'érable
en lui disant "ça, c'est le sang des arbres de chez nous" ; évidemment, il m'a
trouvé un peu bizarre... Et là, je lui ai fait un son vocal de ma spécialité,
le flacottement bilatéral des babines... Il a trouvé ça très drôle, mais
aussi très intéressant ! Il a bien senti que je n'avais rien à lui vendre
et que j'étais simplement là pour boire à son eau. Il m'a invité chez lui, et
j'ai découvert qu'il était un disciple de Sri Aurobindo, qui était aussi notre
gourou à l'époque. J'ai jeûné durant sept jours avec lui. Il m'a d'abord appris
à écouter et à apprécier le silence. "Si tu enlèves le silence dans la musique,
disait-il, elle s'écroule." Le silence est aussi important que le son, donc le
vide est aussi important que le plein. Il m'a aussi appris l'écoute subtile des
harmoniques et j'en ai fait la base de ce que j'enseigne à mon tour à des
chanteurs encore aujourd'hui. Ça se traduit par savoir faire la différence
entre jouer des notes et faire de la musique... Stockhausen m'a
également appris la gestion de la complexité et des méga-structures dans le
cadre d'une philosophie universaliste. »
La flûtiste Lise Daoust a été à la rencontre de
Stockhausen en 1989 afin de parfaire l'interprétation de Kathinka's Gesang
qu'elle donnait dans un concert de la SMCQ le 4 février 1990 au Théâtre Elysée.
Elle fréquente depuis ses cours d'été « le plus souvent possible » et encourage
vivement ses étudiants à faire de même. « C'est sans doute l'un des
compositeurs les plus populaires auprès des jeunes, de toutes allégeances,
qu'ils soient plus portés vers le rock, le jazz ou la musique contemporaine...
Il est ouvert et il prend le temps de répondre aux questions qui lui sont
posées. Ce n'est pas quelqu'un d'affable et de gentil, et il ne cherche pas à
l'être, mais il répond avec intérêt. Certains compositeurs ne sont pas très
communicatifs sur leur propre musique, mais ce n'est pas son cas ! Quand je
suis arrivée pour apprendre Kathinka's Gesang avec lui et Kathinka
Pasveer, nous avons bien sûr étudié la partition de près, mais un jour il m'a
dit que je devrais lire le livres des morts tibétains... Je l'ai noté et je me
le suis procuré en me demandant vraiment pourquoi je devais le lire, mais après
l'avoir fait j'ai compris le lien entre le livre et l'œuvre, et c'était tout à
fait pertinent. » *i
Pierre Schaefer « découvre » la musique concrète en
1948 dans les studios de la Radio Télévision Française. Les œuvres Étude
(1952), Studie I (1953) et Studie II (1954) de Stockhausen sont
disponibles, comme Gesang des Jünglinge (1955-56) et Kontakte (1959-60)
sur le disque no 3, « Elektronische Musik », des œuvres complètes du
compositeur, publiées par ses soins (Stockhausen-Verlag : www.stockhausen.org).
ii Disponible sur le CD no 6 de Stockhausen-Verlag.
Une version de 1960, par David Tudor et Christoph Caskel est également
disponible chez Wergo (6009-2).
iii Toutes les informations sur ces cours d'été sont
disponibles sur le site du compositeur : www.stockhausen.org
Kontakte !
Deuxième concert de la 40e saison
de la SMCQ
Mardi 15 novembre 2005, 20 h
Salle Redpath -- Université McGill
514.843.9305
Solistes : D'Arcy Philip Gray (percussion)et
Brigitte Poulin (piano)
Programme :
Philippe Hurel, Tombeau in memoriam
Gérard Grisey (2000), pour vibraphoneet
piano
Geof Holbrook, [nouvelle pièce] (création)
Karlheinz Stockhausen, Kontakte (1959-60),
pour piano, percussion et bande
Photo : Kathinka Pasveer
Photo : Bruno Massenet
Stockhausen, Mtl, 1971, photo : Bruno Massenet
Avec Raôul Duguay
Photo : Bruno Massenet
Avec Maryvonne Kendergi, photo : Bruno
Massenet
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