Série Évolutions – 9e édition Improviser du singulier au pluriel Par Marc Chénard
/ 18 octobre 2005
Dans
le lot de concerts qui sont inscrits au menu musical de l'automne, un événement
en particulier se démarque. Du samedi 8 au mardi 11 octobre prochain, à la
Chapelle historique du Bon-Pasteur (100, rue Sherbrooke Est), lasérie
«Évolutions 2005» marquera sa neuvième édition avec un solide programme de
spectacles situé aux confins des genres, programme dont l'intitulé est « Des
solistes aux chambristes ».
Chapeautée par l'organisme « Innovations en concert »,
un OSBL fondé par le guitariste Tim Brady en 1996, cette initiative est l'une
des rares chez nous où coexistent à parts égales les musiques écrites
(contemporaines) et improvisées, deux mondes qui s'excluent en raison de
perceptions divergentes, voire de préjugés tenaces.
De l'avis du compositeur Michel Frigon, directeur
artistique de cette série depuis l'an dernier, ces deux univers ne sont pas à
des années-lumières de distance, mais peuvent être le terrain de rencontres
propices. Son propre travail de compositeur abonde en ce sens, puisqu'il ne
conçoit pas ses oeuvres comme des systèmes fermés, mais bien ouverts par
moments, question d'accorder une certaine liberté d'expression aux exécutants.
Pour ce qui est du concept même de l'événement, la
série « Évolutions » misait depuis ses débuts sur un instrument ou une famille
de ceux-ci, tels la guitare (deux fois), les vents, les cordes ou le piano. En
2004, un changement d'orientation eut lieu et l'accent fut mis sur les
quatuors, « un nouveau filon qu'on veut exploiter pour l'avenir », ajoute
Frigon, qui précise alors sa pensée: « Dans un premier temps, on est parti de
l'idée du soliste, puis on a voulu approfondir cela en mettant chacun d'eux en
interaction avec d'autres. Le but, en somme, c'est de présenter des individus
qui ont développé un langage solo très personnel et de s'en servir comme porte
d'entrée à une musique de chambre, leur permettant ainsi de confronter leurs
univers respectifs.»
Entrée côté impro
Peu de musiciens remplissent aussi bien les exigences
d'emploi dans cette série que le saxophoniste soprano et ténor Evan Parker.
Musicien de la première génération des improvisateurs libres européens, ce
grisonnant Britannique de 61 ans est vraiment l'un des rares qui, inspiré du
grand Coltrane, ne s'est pas contenté de reprendre son langage musical par
mimétisme mais bien à le porter à un autre niveau. Pour ceux et celles qui ne
le connaissent pas, son seul jeu de soprano, où il sculpte de véritables
mosaïques sonores constituées de multiphoniques entretenus par le souffle
continu sur des périodes pouvant atteindre 20 minutes ou plus, ne relève pas
seulement du tour de force, mais de l'inouï musical.
Invité d'honneur à cet événement, on pourra donc
l'entendre en soirée d'ouverture d'abord en solo, puis en interaction avec deux
autres éminents souffleurs: notre Jean Derome national (qui fut l'objet d'un
profil dans la précédente livraison de ce magazine) et l'ex-Montréalais (et
Vancouvérois d'adoption), le clarinettiste François Houle. Ce dernier,
notons-le, est lui aussi un candidat de choix pour l'événement, car il nage
aussi bien dans les eaux profondes de l'impro que dans celles du monde de la
composition contemporaine la plus virtuose (v. chronique de disque en page 50).
À ce titre, il participera non seulement à cette première soirée, mais aussi à
celle du lendemain, d'abord avec le violoncelliste lyonnais Benjamin Carat (où
les deux musiciens feront la création d'une œuvre de Houle), puis avec un
collègue de longue date, le pianiste français Benoît Delbecq (qui se produira
d'abord en solo) et l'un de nos batteurs d'ici, Thom Gossage.
Pour boucler le volet impro de cette série, M. Parker
et le saxophoniste Jean-Marc Bouchard (de l'ensemble Quasar), dirigeront des
ateliers (25 musiciens au total) durant une première représentation en soirée
de clôture (à 20 h), suivie d'une finale avec messieurs Parker et Derome ainsi
qu'un autre invité spécial, le tubiste suisse Leo Bachmann.
Sortie côté contempo
Quant au volet « contemporain », le même M. Carat sera
aussi présent, en soirée d'ouverture, en compagnie de Marie-Hélène Breault
(flûte), de Louis-Philippe Marsolais (cor) et de Catherine Meunier
(percussion). Le lendemain, ces deux dames seront de retour en première partie.
Pour marquer la dixième année de ses activités,
«Innovations en concert» présente l'un de ses programmes les plus ambitieux,
mais tout porte à croire, si l'on se fie aux dires de son directeur, que tous
les espoirs sont permis pour les années à venir -- moyennant des appuis
financiers adéquats, bien sûr. « Comme auditeur, j'aime les rencontres. Ce
principe m'est cher et je veux que l'événement soit convivial, qu'on y sente
une dimension festive en cette année anniversaire. Avec cela en tête, je tiens
à continuer sur cette tangente de mises en situation de créateurs issus de
mondes différents, de questionnements, le tout dans un esprit de découvertes et
de partage entre des artistes d'ici et d'ailleurs. C'est tout cela, je crois,
qui donne de la personnalité à un événement comme celui-ci. »
Pour les informations sur les spectacles de musique
improvisée de cette série, voir le calendrier Jazz Plus en page 38.
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