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La Scena Musicale - Vol. 11, No. 2

Le nouveau pavillon de la faculté de musique de l'Université McGill

Par Laurier Rajotte / 18 octobre 2005

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Une architecture éloquente au service de la musique

Vous l'avez peut-être vu ouvrant fièrement le campus au flanc est de l'une des institutions les plus prestigieuses au pays, le nouveau pavillon de musique de l'Université McGill s'impose sur la scène internationale comme un fleuron de la technologie au service de la musique et du son. D'abord élaboré en 1994 pour accueillir la bibliothèque de la faculté, le projet d'un nouvel édifice a vite pris, sous la direction du doyen Don McLean, une tournure beaucoup plus ambitieuse. « En plus de la bibliothèque, l'idée d'un grand studio d'enregistrement s'est imposée d'elle-même. On prévoyait construire des espaces de répétition assez grands pour les musiciens, mais pas assez grands pour obtenir un bon niveau de qualité sonore. Vers 1995, les profonds changements dans les technologies du son, comme la sensibilité des micros, nous ont également incités à ajuster notre tir. Si l'on voulait utiliser cet espace pour des enregistrements et particulièrement pour de la recherche sur les techniques d'enregistrement, les paramètres acoustiques d'un studio devaient être parfaitement maîtrisés. » C'est ainsi que le doyen de la faculté de musique visita et étudia les meilleurs studios d'Hollywood dans le but de construire ce qui est aujourd'hui un grand studio d'enregistrement à l'avant-garde des plus hauts standards internationaux, ici, à Montréal.

Un centre de recherches multidisciplinaires à construire

L'opportunité de réunir plusieurs domaines de recherche dans un studio aussi prometteur n'a pas été repoussée : trame cinématographique; application multimédia; enregistrement, technologies et génie du son; neurosciences; autant de disciplines concernées par un tel espace. « Les recherches étant déjà très dynamiques dans notre faculté, il m'apparaissait évident de réunir les chercheurs dans un même endroit pour leur donner accès à des outils plus performants », précise Don McLean. Leur art utilisant souvent les outils les plus perfectionnés, on n'a qu'à penser aux orgues de Bach, aux pianos de Beethoven, voire au Poème électronique de Varèse, les musiciens ne sont pas les plus difficiles à convaincre quant à l'importance d'utiliser les meilleures technologies. C'est ainsi qu'avec cette volonté d'approfondir la compréhension de la création, de la transmission et de la production musicale et sonore est né le centre de recherche CIRMMT (prononcé Kirmit, Centre for Interdisciplinary Research in Music Media and Technology) jouissant maintenant d'un nouvel outil de recherche que représente le studio d'enregistrement.

Réalisée par l'agence MSDL architectes, la construction du studio a été exécutée à l'aide des techniques les plus avancées dans le domaine. Le principe du box within a box consiste à empêcher toute vibration de l'extérieur de se rendre à l'intérieur. Le défi était de taille pour le studio d'une superficie de 4000 pieds carrés et au plafond d'une hauteur de 50 pieds. Son espace est suffisamment important pour permettre à un grand orchestre symphonique d'enregistrer avec un chœur.

Architecte de la culture

Sous sa pluie d'éloges, le nouveau pavillon est plus qu'un édifice, il s'agit d'une véritable œuvre d'art. Créé par l'agence Saucier+Perotte architectes, il s'inscrit dans une série de projets à vocation culturelle récompensés par de nombreux grands prix d'architecture dont la Cinémathèque québécoise, la Faculté d'aménagement de l'Université de Montréal, le Théâtre d'aujourd'hui, le Théâtre du Rideau Vert et l'Usine C. « L'Université McGill a eu beaucoup de courage en prenant un site qui aurait pu servir à un édifice à bureaux rentable pour choisir d'en faire une école de musique », affirme l'architecte-concepteur du projet, Gilles Saucier. « L'art est mis en avant comme première clé pour arriver à l'université, car il s'agit du premier édifice universitaire que l'on voit lorsqu'on arrive de l'est. Il est d'ailleurs très avancé vers la rue Sherbrooke et d'un point de vue de conception urbaine, il nous fait passer d'un monde à un autre, la musique faisant ce passage. C'est l'art avant tout. » Profondément inspiré par la vocation musicale du projet, Gilles Saucier avoue cependant qu'il ne souhaite pas faire d'allusion directe à la musique, mais « suggérer une influence musicale. L'édifice est formé d'un système rectiligne à l'intérieur comme à l'extérieur, mais on retrouve un mouvement plus lyrique dans l'escalier qui rampe à l'intérieur et fait une vrille dans la bibliothèque. Comme une ligne mélodique se promène entre les temps d'une mesure, on peut y voir une envolée lyrique dans un système plus linéaire. »

Après avoir réalisé plusieurs projets dans le milieu universitaire, on comprend que Gilles Saucier traite les étudiants comme une clientèle à part. « Il y a une efficacité et une durabilité qu'il faut avoir quand on construit pour une école. Il faut que l'édifice résiste au temps et à une usure prématurée. On sent tout de suite la réaction des étudiants si ça ne convient pas : le contrôle ne s'installe pas et l'harmonie se perd. Les bunkers sans fenêtres étaient une erreur, je pense qu'il y a moyen de construire une architecture qui est efficace, intéressante et stimulante pour les étudiants. »

Architecture et musique

Avec un tel site et un tel programme, l'agence Saucier+Perrotte a choisi de créer un édifice comme moyen de communiquer. Il aurait peut-être été plus idyllique de le retrouver dans les arbres et la montagne, mais le projet urbain déploie son génie lorsqu'on y entre, passant des éclatants bruits de la ville à un calme inespéré. La musique au centre de l'activité humaine. « Il y a toutes sortes de gestes dans l'art d'aller écouter de la musique, dont celui d'être là », affirme Gilles Saucier. « Garnier en a parlé avant nous avec son grand escalier à l'Opéra de Paris lorsqu'il disait 'voir et être vu'. Aller au théâtre pour l'événement que cela représente. Si l'architecture n'avait pas besoin d'exister, on resterait tous à la maison avec nos baladeurs, on n'aurait pas besoin d'espace public pour se voir, se rencontrer. L'architecture est au service de l'expérience musicale et crée un sens de la communauté. » Le nouvel édifice de la faculté de musique de McGill répond à ce profond désir de rassemblement. Tous ceux qui doutaient encore de l'importance d'investir dans notre culture observent maintenant le silence. laurajotte@yahoo.fr

« J'ai le droit d'exister comme architecte contemporain, j'ai l'obligation d'exister et j'ai l'obligation du respect de ma société. Faire une chose en faux-vieux, ce n'est pas respecter les gens pour qui je travaille et la cause que je défends. » – Gilles Saucier


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