Arion -- Rigoureusement frais! Par Isabelle Picard
/ 18 octobre 2005
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Il
y a 25 ans, Claire Guimond revenait de Hollande, où elle était allée parfaire
ses études en flûte baroque avec Barthold Kuijken. Le claveciniste Hank Knox,
quant à lui, revenait de Paris, où il avait étudié avec Kenneth Gilbert. De
retour à Montréal, animés par le désir de faire de la musique ancienne, ils
fondent avec la violoniste Chantal Rémillard et la gambiste Betsy MacMillan un
petit groupe qu'ils baptisent Arion. Aujourd'hui, Arion est un orchestre
baroque à la réputation enviable ; il se produit sous la baguette des plus
grands musiciens (notamment Monica Huggett, Jaap ter Linden, Daniel Cuiller,
Barthold Kuijken et Hervé Niquet), compte une discographie de 22 titres et a
effectué des tournées au Canada, aux États-Unis, au Mexique et en Europe. Que
de chemin parcouru depuis la fondation en 1981!
Interpréter la musique ancienne aujourd'hui
Il faut se rappeler qu'au moment où Claire Guimond et
ses comparses décident de fonder un ensemble, le paysage musical montréalais
était passablement différent de ce qu'il est devenu aujourd'hui. En fait
d'interprétation de la musique ancienne, nous étions loin de l'effervescence
que connaît maintenant Montréal. Il y avait l'Ensemble Claude-Gervaise, le
Studio de musique ancienne, fondé par Christopher Jackson en 1974, et c'est à
peu près tout. Par contre, le mouvement était déjà bien enclenché en Europe, et
les discussions allaient bon train sur la question de l'authenticité.
Instruments anciens ou modernes? Comment être fidèle à la partition? Quelle
place laisser à l'interprète?
« Il faut partir de quelque part, explique Claire
Guimond. Le plaisir pour nous, le défi, c'est de se rapprocher du génie
créateur des compositeurs de cette époque. C'est à dire d'essayer d'éliminer
les 200 ou 300 ans qui nous séparent. » Elle fait la comparaison avec la
restauration de tableaux anciens : « Avec une bonne épaisseur de vernis et de
poussière, on perd les couleurs authentiques et la vivacité des tableaux. Par
exemple, lorsque l'on a restauré les fresques de la Chapelle Sixtine, qu'on
leur a redonné leurs couleurs originales, on s'est dit 'Que c'est vif! Que
c'est vivant! Que c'est vibrant!'. C'est un peu notre approche par rapport à
l'authenticité. Donner une version qui rapproche l'auditeur du compositeur, qui
le colle sur ce génie créateur. La musique devient à ce moment-là d'aujourd'hui,
avec, bien sûr, une esthétique d'il y a quelques centaines d'années. Quand on
touche les instruments anciens, on a un goût de vérité. Quand on travaille
l'instrument, on va consulter les traités. Ça fait partie de notre métier de
musicien d'aller aux sources et de ne pas tenir pour acquis ce que les
générations précédentes nous ont transmis de bouche à oreille. Cette quête de
vérité fait en sorte qu'entre l'interprétation d'il y a 25 ans et celle
d'aujourd'hui, on note des différences. On a de nouvelles informations, on fait
de nouvelles recherches, on a des contacts avec d'autres personnes... Tous ces
facteurs vont colorer notre approche de certains répertoires. »
Les instruments anciens sont-ils nécessaires à cette
quête de vérité? « En fait, je pense qu'ils facilitent les choses. Je ne pense
pas qu'il soit impossible de faire cette musique sur des instruments modernes,
mais l'instrument lui-même nous parle, nous dit des choses. Dans le cas de la
flûte baroque, par exemple, on a une flûte en bois, qui n'a pas de clés et dont
chaque note a sa couleur particulière. Ce n'est pas moi qui l'invente, c'est la
flûte qui me la dicte. Quand le compositeur -- je pense à Telemann entre
autres, qui écrivait pour la flûte -- composait dans une tonalité plutôt que
dans une autre, il savait comment ça allait sonner sur ces
instruments-là. Donc je pense que ça fait partie de cette démarche. Ça nous
facilite beaucoup la tâche, en fait. C'est peut-être que nous sommes trop
paresseux! »
Mais quand on joue un répertoire historique et qu'on
fait preuve d'une certaine rigueur au niveau de la recherche, est-il difficile
de mettre son grain de sel, d'être créatif en tant qu'interprète? « Absolument
pas! Il faut dire qu'à cette époque, les compositeurs donnaient une grande
place aux interprètes. Il y a toute une tradition d'ornementation et
d'improvisation, qui fait partie de l'esthétique de cette période. C'est aussi
quelque chose que nous aimons beaucoup. Quand on joue cette musique, il y a une
espèce de liberté. Bien sûr, il y a certaines règles à suivre, mais on peut
être très créatif, justement. D'ailleurs, souvent, pour la basse continue, on a
seulement une ligne de basse avec des chiffres qui nous donnent les accords, un
peu comme on fait en jazz. Le claveciniste est obligé d'improviser plein de
choses, toujours dans l'harmonie qui est suggérée par le compositeur et dans le
style. »
Naissance d'Arion
En 1981, au Québec, les opportunités pour les
interprètes de musique ancienne étaient rares et il fallait les créer soi-même.
Ainsi, après un premier concert à la salle Pollack assez bien reçu, Claire
Guimond, Hank Knox, Besty MacMillan, Chantal Rémillard et le ténor Edmund
Brownless (qui a été du groupe pour une période d'environ 6 mois) se lancent à
l'aventure : « Nous sommes partis faire une première tournée dans les
maritimes, se souvient Claire Guimond. C'était d'ailleurs assez épique. Nous
sommes partis avec une camionnette empruntée (un vieux tacot !), dans laquelle
nous avions installé un matelas. Nous étions les cinq à l'intérieur de cette
camionnette avec leclavecin, la viole de gambe et les autres instruments ! »
Une première série de concerts à Montréal suit cette tournée, et
l'apprentissage se fait sur le tas: comment organiser des concerts, faire de la
publicité, attirer le public... Puis, année après année, le son d'Arion se
confirme, comme sa place dans la vie musicale de Montréal.
Le désir d'aborder de nouveaux répertoires pousse
après quelques années le quatuor à s'élargir. Arion devient donc un ensemble à
géométrie variable et se produit avec des musiciens invités d'ici, puis de
l'extérieur. Ces expériences sont très stimulantes : « Ces gens apportaient
leur façon de faire. Ça créait toute une effervescence. On partageait
musicalement des choses, alors ça apportait beaucoup de sang neuf. » C'est
naturellement et presque par nécessité que l'ensemble devient finalement un
orchestre, il y a presque 10 ans. « Je pense que Montréal avait besoin d'avoir
un orchestre baroque, explique la directrice artistique. Avec le temps, le
Studio de musique ancienne s'est surtout spécialisé dans la musique pour chœur.
» La place était donc libre et n'attendait en quelque sorte que d'être occupée.
Changement et continuité
En 25 ans d'existence, certaines choses ont sans doute
changé, mais des constances demeurent : d'une part la recherche de
l'excellence, le soucis de la perfection, la rigueur dans le travail, et
d'autre part la recherche de vivacité, le souci de donner des interprétations
vivantes, fraîches et personnelles. Le fait qu'Arion émane d'un quatuor a
également laissé des traces. L'ensemble a conservé une certaine collégialité et
fonctionne sans chef attitré. Il se produit avec des chefs invités pour chacun
de ses projets, ce qui fait qu'il s'est développé avec beaucoup de souplesse. «
Les chefs arrivent, travaillent avec un ensemble qui a sa propre personnalité,
et on échange. C'est comme un incubateur de visions artistiques et d'idées
musicales et c'est très nourrissant. Nous avons le privilège de travailler avec
les plus grands noms de la musique ancienne, des grands musiciens, donc nous
avons une chance extraordinaire. » Chance qu'ils partagent avec le public
montréalais, car il faut dire que sans Arion, les occasions de voir les
Barthold Kuijken et Monica Huggett à Montréal se feraient plus rares.
Ainsi, Arion a toujours une place bien à lui dans le
paysage musical québécois. Un public fidèle, « formidable » insiste Claire
Guimond, suit la formation depuis plusieurs années, mais Arion demeure un
secret bien gardé en ce qui concerne le grand public. L'avenir pour Arion?
D'abord ouvrir ses portes et atteindre un nouveau public. Et sur le plan
artistique? « On a plein de projets! lance la directrice artistique. Ce
qu'il nous faut, c'est les fonds nécessaires pour être capables de tout
réaliser! » Dans l'immédiat, on peut parler d'une Saison de délices prometteuse
débutant le 28 octobre, d'une tournée Vivaldi dans les maisons de la culture de
Montréal (en octobre et décembre), d'une tournée Love Duets avec Suzie
LeBlanc, Daniel Taylor et Jaap ter Linden en novembre (à Sept-Iles, Rimouski,
Shawinigan et Alma) et de trois nouvelles parutions discographiques d'ici
l'hiver 2007! Par ailleurs, Claire Guimond dit travailler en ce moment sur des
tournées en Asie et en Europe. Que de chemin parcouru depuis la fondation en
1981! Et c'est loin d'être terminé.
Arion: www.early-music.com, (514) 355-1825
Concerts d'Arion en octobre: 28 et 29
octobre, 20h, et 30 octobre, 14h, Salle Redpath. Il Concerto Soave et Arion,
avec Maria Cristina Kiehr (soprano), sous la direction de Jean-Marc Aymes
(clavecin). Oeuvres de A. Scarlatti et de Stradella
Dans le cadre de la tournée Vivaldi: 3
octobre, 20h, Maison de la culture Frontenac (514-872-7882). 7 octobre, 20h,
Église Saint-Joachim, Pointe-Claire (514-695-3612)
Compositeur favori : Il y a l'incontournable
Bach, mais je trouve bien difficile de nommer un compositeur, parce que
je pense que ça voudrait dire que j'aime moins les autres...
Œuvre préférée : Je pourrais penser à l'Offrande
musicale ou à la Messe en si mineur de Jean-Sébastien Bach. À
chaque fois qu'on approche ces œuvres, on peut y aller avec encore plus de
profondeur. Mais c'est encore une fois impossible de trancher!
Lecture actuelle : Once minutos (Onze
minutes) de Paolo Coelho, en espagnol.
Sonnerie de téléphone cellulaire : La
sonnerie qui vient avec l'appareil quand on l'achète, parce que je ne suis pas
très « pitonneuse ». D'ailleurs, je préfère mettre l'appareil au plus bas ou le
garder sur la vibration!
Concours: Les abonnés de La Scena Musicale
courent la chance de gagner un des prix suivants, courtoisie de l'ensemble
Arion.
-
1e prix : deux abonnements à la saison 2005-2006
d'Arion
-
2e prix : Trois disques compacts
-
3e prix : Une paire de billets pour un concert
d'Arion
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