En périphérie... du cinéma Par Réjean Beaucage
/ 22 septembre 2005
Montréal,
c'est bien connu, est la ville des festivals, qui se suivent et se chevauchent,
particulièrement en période estivale, à un rythme infernal. Si la tendance se
maintient, Montréal pourrait bien acquérir un titre plus pointu en devenant la
capitale des festivals de cinéma... En effet, la ville accueille ces jours-ci
la 29e édition du Festival des Films du Monde (FFM), qui débutait le
26 août et se poursuit jusqu'au 5 septembre (www.ffm-montreal.org) et la
première édition du Festival international de films de Montréal (FIFM),
patronné par l'équipe Spectra, véritable pépinière de l'événementiel, se
tiendra du 18 au 25 septembre (www.montrealfilmfest.com). À ces deux festivals
généralistes s'ajoute le Festival du nouveau cinéma de Montréal (FNC) qui se
tiendra du 13 au 23 octobre prochain (www.nouveaucinema.ca).
Le cinéma, c'est particulièrement vrai de sa variété
américaine, est le royaume du produit dérivé et au sommet de cette pyramide de
bricoles trône le dérivé par excellence : la « bande sonore originale » et ses
divers... dérivés (on a même inventé, pour les films dans lesquels il était
impossible de placer des hits radiophoniques, des disques regroupant des
« musiques inspirées du film »...). On ne trouve cependant pas que des recueils
de hits, peu s'en faut; il y a là un monde à explorer. Ce mois-ci, donc,
une chronique « inspirée du film ».
The Fog of War – A Film by Errol Morris - Music by
Philip Glass
Orange Mountain Music, 2003 (73 min 06
s) omm0010
L'un
des commentaires souvent entendus à propos de la musique de Philip Glass, c'est
qu'elle ressemblerait à de la musique de film. Il a composé de nombreuses
musiques originales pour le cinéma, depuis celle, très populaire, de Koyaanisqatsi
(1983), jusqu'à celle de Taking Lives (2004), en passant par celles de Hamburger
Hill (1987) ou Candyman (1992). Une chose est certaine, c'est
que le compositeur ne fait pas d'effort particulier pour que la musique qu'il
compose pour le cinéma se détache de sa production pour le concert. À cet
égard, la seule particularité notable des pièces regroupées ici est leur
brièveté (34 pièces dont la plus longue dure 3'34"), le thème militariste
fournissant tout au plus quelques couleurs au compositeur (principalement par
l'emploi, caractéristique du genre, de la caisse claire). Michael Riesman, un
collaborateur de longue date du compositeur (il a joint le Glass Ensemble en
1974) dirige un ensemble, anonyme, qui rend parfaitement les textures propres
aux œuvres de Glass.
David Lynch : The Elephant Man / Mulholland Drive
Milan Entertainement, 2004 (40 min 33
s - 73 min 58 s) M2-36053
Réalisateur
pour le moins particulier, David Lynch s'est fait remarquer en 1977 par le film
proto-surréaliste Eraserhead, auto-production pour laquelle Lynch
réalise la partie la moins banale de la bande sonore. C'est chez Paramount
Pictures que paraît en 1980 Elephant Man, avec cette fois-ci des
musiques originales de John Morris, un compositeur plus habitué au slapstick
d'un Mel Brooks qu'aux ambiances tragiques comme celle dans laquelle baigne
cette biographie de John Merrick. On retient surtout la musique d'ouverture du
film, dont l'instrumentation utilisant orgue de barbarie et métallophone est
parfaitement dans le ton voulu, à la fois mystérieux et sordide. La bande
sonore compte aussi une version convaincante de l'Adagio pour cordes de
Samuel Barber, fournie par le London Symphony Orchestra, dirigé par André
Prévin. La musique de Mulholland Dr. (2001), un film qui devait au
départ être une série télévisée, Lynch cherchant à rééditer le succès de Twin
Peaks (1990), est très variée et inclut des œuvres populaires (Willie
Dixon, Oscar Hammerstein II) et des musiques très branchées composées
par Lynch et John Neff (déjà parues ailleurs). Certaines des musiques
originales d'Angelo Badalamenti, interprétées par le Philharmonique de Prague,
sont surprenantes et explorent des textures glauques rarement entendues à
l'orchestre.
The Amityville Horror
Composed and conducted by Lalo Schifrin
Aleph Records, 2002 (60 min 52 s)
Aleph Records 026
S'il
y a un genre qui offre au compositeur une palette d'atmosphères (en
principe...), c'est bien le film d'horreur; c'est aussi un genre qui, plus que
tout autre, peut être littéralement sauvé par une musique issue d'une
imagination fertile. L'Argentin Lalo Schifrin est certes de ceux-là. Ses
premières musiques pour le cinéma furent composées dès 1957 dans son pays
d'origine et, attiré aux États-Unis par Dizzie Gillespie (qui lui offrait de
devenir son arrangeur), il allait bientôt devenir un très prolifique
compositeur pour le cinéma et la télévision (The Man from U.N.C.L.E. [1964]
et Mission: Impossible [1966], c'est lui, de même que le pilote de la
série Planet of the Apes [1974], mais pour ce dernier titre, la musique
du film de 1968, par Jerry Goldsmith, reste un inaltérable chef-d'œuvre). Sorti
en 1979, The Amityville Horror, réalisé par Stuart Rosenberg, est une
simple histoire de maison hantée qui a grandement bénéficié de la participation
de Schifrin; le thème du film avec d'innocentes voix d'enfants chantonnant sur
fond de musique inquiétante sera d'ailleurs souvent copié (voir A Nightmare on
Elm Street, de Wes Craven [1984]). L'instrumentation de l'orchestre
inclut un crystallophone et un waterphone, deux instruments qui peuvent
produire des sons stridents très efficaces. Une musique très évocatrice qui
peut très bien s'écouter sans les images du film, mais pas sans la chaire de
poule...
De nombreux autres compositeurs ont fait résonner leur
talent dans les salles obscures pour le plus grand bien du septième art. On
pense à Ennio Morricone, si inventif (particulièrement dans Giù la testa
[Il était une fois la révolution, 1971]), ou à Tan Dun, qui réussit
comme peu d'autres le mélange des musiques occidentale et orientale (dans Hero
[2002], par exemple, de Zhang Yimou), et à combien d'autres, qui ne se
contentent pas de coller du son sur les images, mais offrent vraiment au film
son complément musical. *
On pourra vivre cet automne deux expériences
particulières alliant musique et cinéma :
Le programme Ciné-mix propose la rencontre du
documentaire Nanouk l'Esquimau (Nanook of the North - 1920), de
Robert Flaherty avec la musique contemporaine d'Hector Zazou. À Québec, salle
Multi du complexe Méduse, le 22 septembre (418.524.2113), et aux Escales
Improbables, Vieux-Port de Montréal – Quai King-Edouard, les 24 et 25 septembre
(514.223.8415).
Le 3 octobre, au Théâtre Outremont, à Montréal, le
Nouvel Ensemble Moderne interprétera la musique composée par François Paris
pour le film À propos de Nice (1930), de Jean Vigo.
http://www.nem.umontreal.ca
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