Le lauréat du prix Jean-Marie-Beaudet : Jean-Marie Zeitouni Par Isabelle Picard
/ 22 septembre 2005
Jean-Marie
Zeitouni a eu une belle surprise en ouvrant son courrier, un bon matin de cet
été : il y a découvert que le Conseil des arts du Canada lui remettait le prix
Jean-Marie-Beaudet en direction d'orchestre, prix dont il ignorait lui-même
l'existence jusque-là ! Ce prix est attribué annuellement à un jeune chef
d'orchestre canadien pour souligner l'excellence de son travail. C'est le
comité consultatif du Service de la musique du Conseil des arts qui est chargé
de repérer les jeunes chefs talentueux et de faire ses recommandations. Ce
n'est donc pas un prix pour lequel on peut postuler, ce qui augmente l'effet de
surprise et le plaisir du récipiendaire... surtout si l'on considère que depuis
1993 aucun candidat n'avait été retenu.
À peine au début de la trentaine, Jean-Marie Zeitouni
a déjà une feuille de route remplie. Chef associé des Violons du Roy depuis
2004 après trois saisons au sein de la compagnie comme chef résident, il est
aussi depuis 2002 chef associé et directeur des chœurs de l'Opéra de Montréal,
où il assume également la direction musicale de l'Atelier lyrique. Il a
auparavant occupé les fonctions de directeur musical du chœur Contrapunctus
(1994–1997), du Théâtre d'art lyrique de la Montérégie (1998–1999), du Chœur de
Laval (1999–2001), de l'Orchestre des jeunes de l'Ontario français (1998–2001),
de l'Orchestre symphonique et de l'Atelier d'opéra de la Faculté de musique de
l'Université Laval (1999–2003), du Chœur de l'Orchestre symphonique de Québec
(2001–2003) et des chœurs de l'Opéra de Québec (2003–2004). Cependant, la
direction n'est pas la seule corde à son arc : diplômé du Conservatoire de
musique du Québec à Montréal en direction d'orchestre, percussion et écriture
musicale, Jean-Marie Zeitouni mène également une carrière d'arrangeur et
d'orchestrateur et a pu être entendu comme percussionniste avec, notamment,
l'Orchestre symphonique de Montréal et le Kiosque à musique.
En contact avec la musique depuis toujours grâce à une
mère chanteuse, un grand-père chef d'orchestre et arrangeur et un grand frère
pianiste, le jeune Jean-Marie touche d'abord aux instruments à cordes, puis aux
bois, avant de finalement tomber dans la percussion... sans pourtant s'empêcher
d'apprendre la guitare et de suivre des cours de chant! Pourquoi avoir troqué
les baguettes de percussionniste contre celle de chef ? « Pour moi,
raconte-t-il, c'était devenu un choix logique à partir du moment où je
n'arrivais pas à trouver un instrument qui était pour moi. Il y avait
toujours un autre instrument que j'aimais ou que je voulais apprendre. Je me
suis rendu compte assez tôt, finalement, que mon instrument allait peut-être
être l'orchestre. Il y avait là la possibilité d'être en contact avec toutes
les musiques, avec toutes les sections, avec tous les instruments, ce que la
percussion ne me permettait pas de faire. »
C'est dans le cours de ses études en percussion au
Conservatoire que la décision s'impose à lui. Après une première expérience de
direction chorale dans un camp musical, il a la piqûre et s'inscrit dans la
classe de direction d'orchestre de Raffi Armenian. Ce professeur se révélera
très important dans le développement musical du chef en devenir : « La plupart
des élèves de Raffi ont été marqués par son enseignement, parce que c'est une
personne qui nous enseigne vraiment la musique. Il nous aide aussi à
prendre conscience de notre rôle, à nous défaire des fausses idées qu'on a sur
la direction d'orchestre et sur le métier. De l'extérieur, ça a l'air un peu
mythique ou prestigieux... donc il nous aide à voir quel est le vrai rôle d'un
chef au quotidien. »
Quelles qualités doit donc avoir un bon chef ? « Il y
a d'abord des qualités musicales : de l'oreille, évidemment, et une bonne
capacité d'analyse (il faut pouvoir bien comprendre une œuvre). Des qualités de leader,
aussi, qui sont à mon avis écoute, humilité et courage ! » Il faut savoir être
dans le quotidien, dans les projets immédiats, maintenir une vie saine au sein
de l'orchestre, une bonne entente avec les musiciens et la direction, mais il
faut également garder l'œil ouvert sur l'horizon et mener l'orchestre sur un
chemin artistique à plus long terme. Pour ça, évidemment, il faut être
directeur musical, avoir son ensemble... D'ailleurs, quand on lui
demande s'il a des objectifs de carrière précis, Jean-Marie Zeitouni répond
d'abord par la négative, mais il ajoute « idéalement, ce que j'aimerais faire,
quelque part, c'est être un directeur musical. Avoir la chance de développer
des projets musicaux dans une communauté, petite ou grande, avec ou sans passé.
Parfois, je trouve ça un peu difficile d'aller quelque part trois jours, donner
un concert, et puis après, "merci beaucoup, c'est fini" ».
Bien sûr, il y a les Violons du Roy, où il peut quand
même développer une relation à long terme. Les Violons ont d'ailleurs lancé
l'an dernier la série Da Camera, dont les concerts, composés à moitié de
musique de chambre et à moitié de pièces pour orchestre à cordes, sont tous
dirigés par Jean-Marie Zeitouni. Toujours avec les Violons du Roy, un projet de
disque Piazzolla est presque officiel. L'enregistrement devrait se faire autour
de mai-juin 2006 et ce sera le premier disque avec les Violons dirigés par
Jean-Marie Zeitouni. Pour le reste, l'année s'annonce assez chargée : L'Étoile
de Chabrier à l'Opéra de Montréal, The Turn of the Screw de Britten avec
l'Atelier lyrique, visite au Saguenay-Lac-Saint-Jean, tournée avec les Violons,
concerts avec Thirteen Strings à Ottawa, etc. Et puis il y a quelques projets
dans l'air aux États-Unis... mais il est impossible d'en savoir plus pour
l'instant. À n'en pas douter, il faudra suivre de près la carrière de ce
musicien talentueux, inspiré, mais surtout passionné et amoureux de son métier.
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